Les policiers marseillais et le front populaire (1936-1938) - article ; n°1 ; vol.65, pg 47-58

Simon Kitson

Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 2000 - Volume 65 - Numéro 1 - Pages 47-58
Les policiers marseillais qui appartiennent à une police d'État accueillent favorablement l'arrivée au pouvoir du gouvernement de Front populaire en 1936. Certaines de leurs revendications matérielles sont alors satisfaites. Le Front populaire gagne la bataille du maintien de l'ordre républicain. Un véritable état de grâce caractérise pendant quelque temps les relations entre les syndicats policiers et la gauche au pouvoir. Rapidement cependant, des déceptions se font jour. Le système de clientélisme sur lequel reposaient les liens entre policiers et hommes politiques locaux est profondément remis en cause à partir de 1938.
The Marseille Police and the Popular Front (1936-1938), Simon Kitson.
The Marseille police generally greated favorably the advent of the Popular Front government in 1936. A number of their material demands were met. The Popular Front fought a winning battle to preserve republican order. The left in government enjoyed a honeymoon period in its relations with the police trade unions. Rapidly, however, certain disappointments began to emerge. The clientelistic System upon which the links between police men and local politicians were based came in for increasing scrutiny from 1938.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: VINGTIEME_SIECLE-_REVUE_D-HISTOIRE
• Publié le: 01 janvier 2000
• Nombre de lectures: 76
• Langue: Français
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Extrait

Simon Kitson
Les policiers marseillais et le front populaire (1936-1938)
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°65, janvier-mars 2000. pp. 47-58.
Résumé
Les policiers marseillais qui appartiennent à une police d'État accueillent favorablement l'arrivée au pouvoir du gouvernement de
Front populaire en 1936. Certaines de leurs revendications matérielles sont alors satisfaites. Le Front populaire gagne la bataille
du maintien de l'ordre républicain. Un véritable état de grâce caractérise pendant quelque temps les relations entre les syndicats
policiers et la gauche au pouvoir. Rapidement cependant, des déceptions se font jour. Le système de clientélisme sur lequel
reposaient les liens entre policiers et hommes politiques locaux est profondément remis en cause à partir de 1938.
Abstract
The Marseille Police and the Popular Front (1936-1938), Simon Kitson.
The Marseille police generally greated favorably the advent of the Popular Front government in 1936. A number of their material
demands were met. The Popular Front fought a winning battle to preserve republican order. The left in government enjoyed a
honeymoon period in its relations with the police trade unions. Rapidly, however, certain disappointments began to emerge. The
clientelistic System upon which the links between police men and local politicians were based came in for increasing scrutiny
from 1938.
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Kitson Simon. Les policiers marseillais et le front populaire (1936-1938). In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°65, janvier-
mars 2000. pp. 47-58.
doi : 10.3406/xxs.2000.2871
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_2000_num_65_1_2871:
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LES POLICIERS MARSEILLAIS
ET LE FRONT POPULAIRE
(1936-1938)
Simon Kitson
À Marseille, en 1936, une bonne majorité majeur 2. Ils entendent pouvoir disposer
de policiers saluent avec satisfaction - sinon d'un corps policier fiable. La nouvelle
avec ferveur - l'avènement du gouverne équipe gouvernementale cherche donc à
ment de Front populaire. Un véritable état s'attirer le soutien, voire l'enthousiasme,
de grâce caractérise alors la relation entre les des policiers et à faire passer le souffle r
syndicats policiers et les pouvoirs publics. épublicain dans l'institution 3.
L'idylle est cependant suivie de lourdes dé À Marseille, l'enjeu policier est encore
ceptions et d'une remise en cause générale plus important. Dans une Europe me
du système local de clientélisme. Était-ce le nacée par la guerre et subissant d'import
ants flux de réfugiés échappant à l'emprix à payer pour gagner la bataille du maint
ien de l'ordre et de la paix civile ? prise fasciste, le premier port de France
se situe à un endroit stratégique. Empêc
La sanglante soirée du 6 février 1934, her l'entrée d'espions, limiter le flux
au cours de laquelle la police pari d'immigrés et éviter toute atteinte à
sienne a été débordée en divers l'ordre public dans un port dont dépend
points par des manifestants de l'extrême en partie la santé économique du pays
droite qui auraient pu s'emparer de la
Chambre des députés, a nourri une psy 2. Avant le scrutin, L'Humanité (24 avril 1936) titrait chose de la menace fasciste parmi les mi « Pour l'ordre, votez communiste •> ; le 5 juin, après son élec
tion, Léon Blum affirmait dans une déclaration litants de gauche \ À la suite de cet évé
radiodiffusée « L'action du gouvernement, pour être effnement, les partis et mouvements de icace, doit s'exercer dans la sécurité publique. Elle serait pa
gauche se sont regroupés en alliance dé ralysée par toute atteinte à l'ordre » Jean Lacouture, Léon
Blum, Paris, Le Seuil, 1977, p. 287 cf. également, le témoifensive sous le nom de Front populaire gnage de Léon Blum au procès de Riom, cité par Guy
pour défendre la République. L'ordre pu Mollet, L'action des socialistes en 1936, Arras, Société d'édi
tions du Pas-de-Calais, 1953, p. 7 ; André Varin, « Le Front blic devient alors une priorité pour le populaire a mis au point son programme immédiat », Le Petit gouvernement de Léon Blum, arrivé au Provençal, 10 janvier 1936, p. 7 déclarations de Roger Sa-
lengro, Journal Officiel, Chambre des députés, lrc séance du pouvoir en 1936. Les nouveaux dirigeants 26 juin 1936, p. 1 607. Les de Salengro en espèrent faire régner une nouvelle har faveur de l'ordre sont bien perçues par les syndicats de pol
ice, cf., par exemple, l'éditorial • Du nouveau » dans L'Éta- monie sociale, mais n'oublient pas l'i
tiste, Organe officiel du syndicat national des polices d'État, mportance de la police qui devient un enjeu 86, juin 1936, p. 1, où l'on déclare «Je suis partisan de
l'ordre, a dit le nouveau ministre de l'Intérieur ! Nous aussi. »
1. Simon Kitson, « The Marseille Police in their Context, 3. Compère-Morel, « Méthode révolutionnaire », Le Petit
from the Popular Front to the Liberation », thèse de doctorat, Provençal, 30 avril 1936 ; Léon Blum, déclaration ministér
Université de Sussex, 1995 ; Jean-Paul Brunet, Histoire du ielle du 6 juin 1936, cité par Guy Mollet, L'action des social
Front populaire (1934-1938), Paris, PUF, 1991, p. 10-20 ; istes en 1936, op. cit., p. 11 ; Lucien Zimmer, Un septennat
Georges Carrot, Le maintien de l'ordre en France au policier, dessous et secrets de la police républicaine, Paris,
XXe siècle, Paris, H. Veyrier, 1990, p. 73-90; Jean-Paul Fayard, 1967, p. 214 ; Jacques Danos, Marcel Gibelin,
Brunet, - Le Front populaire », dans Jean-François Sirinelli, Juin 1936, Paris, La Découverte, 1986, p. 232-233 ; Georges
Dictionnaire historique de la vie politique française au Cogniot, > Le bilan du Front populaire », Cahiers du commun
xx siècle, Paris, PUF, 1995, p. 414. isme, vol. 9, 1966, p. 124.
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deviennent des objectifs importants. Mais années 1936-1938 4. La salle où se tien
la situation marseillaise est très compli nent ces réunions (50 rue des Dominic
quée. D'une part, la ville a une organisa aines, quartier de Belsunce) est trop
tion policière particulière. L'étatisation de petite pour accueillir tout ce monde et
la police municipale en 1908 aurait dû certains sont obligés de rester dans une
renforcer le lien entre la police et le gou arrière-salle où un haut-parleur leur
vernement, mais les réalités du terrain permet d'entendre les orateurs 5.
font que les pouvoirs de police sont par Ces syndicats avaient connu des divi
tagés de façon ambiguë entre le gouver sions internes. Divisions catégorielles, mais
nement et la municipalité. D'autre part, le aussi querelles politiques. Les partisans du
climat politique et social de la ville « doriotiste » Simon Sabiani 6 s'étaient op
soumet les policiers à de fortes influences posés à ceux du socialiste Henri Tasso 7,
locales auxquelles ils n'ont pas toujours qui, l'un comme l'autre, accompagnaient
les moyens de se soustraire. les délégués syndicaux dans leurs
démarches à Paris. Ainsi, en janvier 1929,
c'est Sabiani qui représentait les syndical0 LE FRONT POPULAIRE : LE GRAND ESPOIR
istes policiers de Marseille au ministère DE LA POLICE MARSEILLAISE
des Finances 8. Mais la dernière mention
À Marseille, le parti socialiste avait déjà explicite de Sabiani dans la correspon
noyauté la police par l'intermédiaire de dance des syndicats de police remonte à
ses très importantes associations profes décembre 1933 alors que le secrétaire gé
sionnelles. L'Association amicale et de néral du Syndicat national des secrétaires
prévoyance des secrétaires de la police de police d'État, François Zwingestein,
d'État de Marseille compte 75 adhérents écrivait à son homologue de la Fédération
en 1935 (70 des 72 secrétaires de police nationale des polices, Pierre Vidal, pour lui
de la ville et 5 agents divers) 1. Une liste demander s'il pouvait se faire accompa-
nominative établit qu'en mars 1936, 314
4. L'Étatiste, 96, avril 1937, p. 4, « Assemblée générale des 375 inspecteurs de la police locale ap section de Marseille » et 105, janvier 1938, p. 2 et 3, partiennent au Syndicat des inspecteurs " Assemblée générale section de Marseille &#