Les Tatars de Crimée et la seconde élection de Stanislas Leszczynski - article ; n°1 ; vol.11, pg 24-92
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1970 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 24-92
69 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Gilles Veinstein
Les Tatars de Crimée et la seconde élection de Stanislas
Leszczynski
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 11 N°1. pp. 24-92.
Citer ce document / Cite this document :
Veinstein Gilles. Les Tatars de Crimée et la seconde élection de Stanislas Leszczynski. In: Cahiers du monde russe et
soviétique. Vol. 11 N°1. pp. 24-92.
doi : 10.3406/cmr.1970.1793
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1970_num_11_1_1793GILLES VEINSTEIN
LES TATARS DE CRIMÉE
ET LA SECONDE ÉLECTION
DE STANISLAS LESZCZYNSKI
L'alliance avec la Pologne, un des États capables de prendre à
revers les possessions des Habsbourg, demeure au début du xvine siècle
un objectif majeur de la diplomatie française. Chaque élection d'un
nouveau roi de Pologne constitue l'enjeu d'une compétition interna
tionale, mais désormais la France entend mettre en échec, non seul
ement le candidat des Habsbourg, comme au xvne siècle, mais aussi
celui des Russes, car ces derniers sont depuis 1726 les alliés de l'Au
triche ; en outre ce sont des adversaires de l'Empire ottoman, autre
élément fondamental du système diplomatique français en Orient.
En revanche, elle appuiera l'élection d'un prince français, ou lié à la
France. De son côté, le khan des Tatars de Crimée, vassal de la Porte,
redoute au plus haut point de voir régner sur ses voisins polonais un
souverain acquis à la Russie dont il a tant à craindre. Tatars et Franç
ais se retrouvent ainsi dans le même camp, face à la Russie. Que le
problème de la succession de Pologne apparaisse à l'horizon, comme
dans les dernières années du règne d'Auguste II, on verra khans et
ambassadeurs de France à Constantinople entrer en contact, et le consul
du roi en Crimée, dont nous avons retracé les débuts dans un article
précédent1, revêtir un rôle proprement politique.
De son retour en Pologne, après Poltava, jusqu'à la fin de son
règne, Auguste II « essaya à plusieurs reprises de secouer la tutelle
russe à laquelle il devait toute sa fortune »2 et de créer une Pologne
forte sous l'autorité réelle de rois saxons héréditaires.
Dès 1720, pour renforcer l'autorité de sa Maison, il s'était prêté
à une manœuvre de Georges Ier d'Angleterre contre la Russie, en
1. G. Veinstein, « Missionnaires jésuites et agents français en Crimée au
début du xvine siècle », CMRS, X, 3-4, 1969, pp. 414-459.
2. H. Grappin, Histoire de la Pologne, des origines à 1922, Paris, Larousse,
1922, p. 131. LES TATARS DE CRIMÉE 2$
mariant son fils à Marie-Josèphe, la fille de l'empereur Joseph Ier1.
Il lui fallait désormais travailler à transmettre sa couronne à ce fils,
en dépit des lois de la République. Ses manœuvres pour y arriver
étaient surveillées de près par les Puissances accoutumées à disposer
du trône de Varsovie et qui n'entendaient pas le voir pourvu en
dehors d'elles ; elles commençaient à se poser en défenseurs de la
noblesse polonaise et de ses libertés. Auguste II ouvrait ainsi, dès
avant sa mort, le problème de la succession de Pologne.
Du côté français, le marquis de Chauvelin, devenu secrétaire
d'État des Affaires étrangères, en remplacement de Fleuriau de Mor-
ville en 1727, ainsi que Garde des Sceaux, s'alarma au printemps 1729
des intentions qu'on prêtait à Auguste, au sortir d'une grave maladie,
« d'employer le temps qui lui rest[ait] pour assurer de quelque manière
que ce [fût] le trône de Pologne à son fils »2. Il demanda au marquis
de Villeneuve qui avait pris en 1728, après l'intérim de Fontenu, la
succession d'Andrezel à Constantinople, « de s'instruire des sentiments
et des dispositions de la Porte sur les différents événements que l'on
[pouvait] prévoir en Pologne ». L'Empire ottoman, gouverné depuis
dix ans par Ibrahim, Grand Vizir d'Ahmet III, ne pouvait bien entendu
se désintéresser d'une telle question. Villeneuve devait s'efforcer de
discerner ce que pensait le Grand Vizir d'une candidature éventuelle
de Stanislas Leszczynski, s'il était prêt à l'appuyer, le moment venu ;
mais l'ambassadeur avait ordre de procéder par des « insinuations
faites avec art et de manière que le Grand Vizir ne puisse pas dire que
l'on a[vait] parlé sur cela au nom du roi ». Les prescriptions de Chauv
elin étaient en fait difficiles à suivre, car depuis les cérémonies de
son arrivée, Villeneuve ne parvenait pas à obtenir une audience d'Ibra
him : un moyen inattendu d'informer Chauvelin s'offrit alors à lui.
Mengli Giray, khan de Crimée depuis 1724, qui était monté sur le
trône pour tenter de mater l'opposition de l'aristocratie, venait à peine
de soumettre les Nogays de Bessarabie, soulevés par Aadil Giray,
son ancien kalga, qu'il avait fait déposer3. Malgré ce succès, on pensait
que la Porte forcerait ce khan à se retirer pour satisfaire les Tatars
1. В. H. Sumner, Peter the Great and the Ottoman Empire, Oxford, Basil
Blackwell, éd., 1949, p. 71.
2. Lettre de Chauvelin à Villeneuve, 10 mars 1729, Archives du ministère
des Affaires étrangères, Correspondance politique, Turquie (cité infra: CPT),
vol. 80, ff. 23-24.
3. J. von Hammer, Geschichte der Cháne der Krim unter der osmanischen
Herrschaft, Vienne, 1856, p. 195 ; et Histoire de l'Empire ottoman, Paris, 1839,
XIV, pp. 169 sq. On trouve des renseignements sur cette révolte in CPT,
vol. 77 : lettre de Fontenu avec un mémoire (ff. 261-264) intitulé « Nouvelles
sur les troubles arrivés dans la Tartarie Krimée à l'endroit appelé Boudgiak » ;
vol. 78 : lettres de du 7 janvier, 27 février et 15 avril 1728 et «
de Constantinople » du 26 janvier 1728 (ff. n-15). 26 GILLES VEINSTEIN
« fort mécontents de lui », en particulier « plusieurs Mirzas [...] qui
s'étaient retirés en Pologne [...] en attendant la déposition de ce
Khan »l.
Cet avis parut confirmé par l'ordre donné à Mengli de se rendre
à Constantinople. Néanmoins, il y fut reçu le 26 avril, avec des « hon
neurs, dont il n'y avait jamais eu d'exemple à l'égard de ses prédé
cesseurs »2, et il devint manifeste que le Grand Seigneur avait voulu,
non pas déposer le khan, mais lui donner au contraire des marques
éclatantes de son estime, « en vue d'affermir — comme le dit Vill
eneuve — son autorité, qui paraît affaiblie par la rigidité avec laquelle
il a gouverné jusqu'ici les Tartares». Une nouvelle fois, la Porte soute
nait le khan contre son aristocratie.
L'ambassadeur note, dans sa description du cortège solennel de
l'entrée du khan à Constantinople, que Mengli « souriait à la vue
de tous les Francs qu'il apercevait et les saluait d'un signe de tête ».
Ces bonnes dispositions à l'égard des chrétiens s'étaient déjà manifest
ées dans la protection accordée par le khan aux missionnaires jésuites,
à la satisfaction de Glavani, devenu son médecin.
Dès que le khan fut installé dans son palais de Constantinople,
Villeneuve envoya, suivant l'usage, son premier secrétaire lui faire
compliment. Cette démarche fut marquée par un incident révélateur3 :
un aga du Grand Seigneur qui était de garde chez le khan, selon un
usage établi, s'opposa à ce que l'envoyé de Villeneuve fût introduit,
« disant qu'il avait ordre de ne laisser entrer personne sans une per
mission par écrit de la Porte ».
Averti de l'incident, le khan « fit des plaintes au Grand Vizir » et
adressa une lettre à Villeneuve, « le plus glorieux d'entre les Grands
de la Nation du Messie, le Très-Honoré parmi ceux de la religion
de Jésus »4, pour lui faire part de ses regrets et des dispositions qu'il
avait prises « pour que l'on en agît plus de même à l'avenir ». Il fit
porter cette lettre à Villeneuve par son vizir5 qui rappela dans son
compliment « comme un motif propre à entretenir la bonne intell
igence entre les deux nations », « un fait historique que la tradition
a transmis comme certain en Tartarie », à savoir que « ces peuples
prétendent que nous descendons d

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