Or les mots manquent toujours - article ; n°1 ; vol.71, pg 70-86
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Or les mots manquent toujours - article ; n°1 ; vol.71, pg 70-86

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langue française - Année 1986 - Volume 71 - Numéro 1 - Pages 70-86
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christine Coupier
Or les mots manquent toujours
In: Langue française. N°71, 1986. pp. 70-86.
Citer ce document / Cite this document :
Coupier Christine. Or les mots manquent toujours. In: Langue française. N°71, 1986. pp. 70-86.
doi : 10.3406/lfr.1986.6421
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1986_num_71_1_6421Christine COUPIER
GRAL, Université de Provence
OR LES MOTS MANQUENT TOUJOURS
de l'étude des gestes, postures, mimiques
au cours de l'acquisition d'une langue seconde
Présentation
« Or les mots manquent toujours », ce petit segment de phrase extrait
de L'amour de la langue de J.-C. Milner, s'adapte tout à fait et tout
particulièrement à la situation de l'apprenant d'une langue seconde et à
son utilisation d'une interlangue alors définie comme approximation à
la langue en cours d'acquisition et donc en voie de systématisation (au
sujet du concept d'interlangue voir S. Pit Corder, 1980).
Au visionnement de bandes vidéo enregistrées lors de l'enquête
linguistique, auprès de migrants marocains de la région d'Aix-Marseille \
il nous est apparu qu'entre le verbal d'une part et les postures, mimiques
et gestes de l'autre, existait un rapport de complémentarité à l'intérieur
du message et par là même dans la réalisation d'une intention de commun
ication (cf. Coupier et Taranger, 1984).
Du reste les préoccupations concernant la définition du signe ont
souvent étroitement lié (ne serait-ce que par comparaison) la parole et
le geste 2.
Nous désirions examiner (« regarder de plus près ») les contributions
respectives du dire-entendre et voir-être vu dans la situation d'interaction
en face à face, et ainsi d'établir la filiation entre pratiques effectives et
procès d'acquisition. C'est pourquoi nous nous sommes attachée à la
1. Pour plus de détail sur cette enquête linguistique menée par le GRAL (Groupe de Recherche
sur l'Acquisition des Langues) d'Aix-en-Provence et le projet européen dans lequel elle s'inscrit, se
reporter à la présentation générale en tête de revue.
2. Citons à ce propos ce passage de saint Augustin (La Doctrine chrétienne) reproduit par Todorov
(1977) : « Ce signe, la plupart du temps, c'est un son, parfois c'est un geste, le premier s adresse aux
oreilles, le second au regard, afin que les signes corporels, transmettent à des sens également corporels,
ce que nous avons dans l'esprit. Faire un signe par geste, est-ce autre chose en effet que parler d'une
autre façon visible? »
70 description des données verbo-motrices, ceci avec l'espoir de pouvoir en
dégager ultérieurement des modèles de comportement.
Cependant avant tout se pose un important problème de méthodol
ogie. Les problèmes de choix dans l'étude du non-verbal sont d'autant
plus délicats et épineux que le message et plus globalement la commun
ication sont multicanaux. Certes le projet de tout décrire d'une inter
action est ambitieux. Et même si dans le vaste champ des manifestations
non verbales 3, nous focalisons nos intérêts sur celles directement reliées
à l'échange linguistique, cela suppose que nous ayons résolu des questions
de recueil et de transcription des données. Comment prendre en compte
et rendre compte de la globalité d'un acte de discours? Il s'agit ni plus
ni moins d'une écriture à trouver. Ces difficultés se situent à un double
niveau : celui de l'impression sur pellicule (ou bande vidéo) et celui de
la traduction sur papier. Ici sont donc en jeu deux supports visuels et il
est impossible d'envisager l'un sans l'autre. Si l'on désire étudier, par
exemple, les rôles et fonctions du regard des participants en interaction,
la conception des cadrages et angles de prise de vue devra en tenir compte
(au sujet de la nécessité d'une « caméra intelligente » lire dans cette même
revue l'article de M.-C. Taranger). De la délimitation filmique de certains
gestes dépendra l'analyse ultérieure 4. Quant à la transcription du corpus,
nous nous retrouvons aux prises avec le codage du continuum verbo-
gestuel (imbrication parole-geste) et l'aspect dynamique de l'interaction
(synchronie des interactants). Comment dès lors appréhender tout à la
fois la continuité temporelle de l'échange et la dimension spatiale du
geste? A quels choix procéder en matière de délimitation du mouvement
corporel?
Malgré le fait qu'à notre connaissance, aucune étude de fond ne se
soit attachée à l'examen de la corrélation parole-geste en situation ďac-
quisition, nous ne faisons cependant pas tout à fait œuvre de pionnier.
En effet les recherches sur la communication non verbale, particuli
èrement dans les pays anglo-saxons, témoignent de diverses approches :
les unes se basant sur une caractérisation fonctionnelle des gestes, les
autres prenant appui sur une description minutieuse physiologique des
activités neuromusculaires (voir Argyle et Cosnier 1984). Notre propre
appréhension des données s'est parfois inspirée de l'une et/ou de l'autre.
Cependant avant d'entrer dans leur détail, nous soulignerons quelques
points spécifiques de notre enquête, quelques lignes de force qui traversent
le rapport verbal-non verbal.
3. Nous rappelons que l'appellation « non verbal » peut recouvrir différents ordres de phénomènes
(entre autre la prosodie) et que les oppositions verbal/non verbal, vocal/non vocal, dit/non dit ne se
superposent pas forcément. Cependant, nous remarquerons que dans la littérature spécialisée, par
« communication non verbale » l'on entend très souvent la communication par gestes-postures-mimiques.
4. Claudine de France dans Anthropologie et cinéma parle de la nécessité de « désencombrer l'image »
et de « soulignement de l'activité corporelle ». Consulter notamment le chapitre Techniques corporelles
pages 110 à 154.
71 Spécificité de notre enquête linguistique
1. de la situation d'enquête
Une des caractéristiques les plus frappantes de notre enquête li
nguistique tient à ses objectifs de recherche : l'acquisition du français par
des Marocains. Les échanges effectués lors de nos enregistrements s'in
scrivent donc dans le cadre d'une communication exolingue (Porquier,
1984). Des deux interlocuteurs l'un maîtrise un code linguistique et
l'autre pas. Nous avons par conséquent lieu de supposer que nos deux
interactants n'usent pas de manière identique du complexe parole-geste.
L'apprenant « cherche ses mots »; quelles implications cela peut-il avoir
sur l'organisation de son « énoncé total » ainsi que le définit Cosnier
(1984) : « énoncé langagier hétérogène formé par la synergie des sous-
systèmes : verbal, vocal et gestuel »? Ainsi par exemple les déplacements
du regard peuvent se ressentir de cette situation asymétrique. Cook (1984)
rapporte que lors d'interactions sociales, « une hésitation verbale est
presque toujours associée à un regard détourné », ceci « pour éviter les
effets de distraction visuels provenant de la personne à qui il (le locuteur)
s'adresse ». Ceci corrobore nos propres observations. Et du reste nous
pouvons remarquer que les manifestations non-verbales afférentes au
phénomène d'hésitation ne se limitent pas forcément au regard. Ainsi,
lors d'un jeu de rôle entre une assistante sociale (x) et l'une de nos
informatrices (z) :
x : donc ici ils (les enfants de z) vont pas ils ont pas de petits copains chez
qui aller ou + ils ont
z : oui euh + [jâ:na] euh [la kopin] + beaucoup
1. 2. 3.
Sur le segment 1 : le regard se détourne de côté et se fixe sur un
arrière-plan lointain.
Sur le 2 : le regard se davantage accentuant le
déplacement sur le côté.
Sur le segment 3 : le regard revient sur l'interlocutrice, la main se
lève à hauteur de la bouche et décrit un moulinet avant de venir se poser
sur le coin de la bouche.
Le cas n'est pas isolé. Nous constatons que lorsqu'il y a hésitation
se met en place un véritable enchaînement du verbal et non verbal.
La seconde implication de la communication exolingue est la
confrontation, au travers des personnes, de cultures différentes. De plus
les individus en pr

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents