Proto-créole et liens génétiques dans l Océan Indien - article ; n°1 ; vol.37, pg 60-75
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Description

Langue française - Année 1978 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 60-75
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

C. Corne
P.-M.J. Moorghen
Proto-créole et liens génétiques dans l'Océan Indien
In: Langue française. N°37, 1978. pp. 60-75.
Citer ce document / Cite this document :
Corne C., Moorghen P.-M.J. Proto-créole et liens génétiques dans l'Océan Indien. In: Langue française. N°37, 1978. pp. 60-75.
doi : 10.3406/lfr.1978.4851
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1978_num_37_1_4851Chris Corne, University of Auckland.
P.-M. J. Moorghen, Université française de l'Océan Indien.
PROTO-CREOLE ET LIENS GENETIQUES
DANS L'OCEAN INDIEN
1. Dans cet article, nous nous proposons tout d'abord de passer très
rapidement en revue les différentes hypothèses concernant la genèse des
créoles de l'Océan Indien. Nous présenterons ensuite une analyse de certains
faits linguistiques afin de montrer en quoi ils confirment ou infirment les
hypothèses avancées. Nous utiliserons pour illustrer notre propos à la fois
des données synchroniques et diachroniques 1.
En parcourant le nombre croissant d'études consacrées aux langues
créoles, on s'aperçoit assez rapidement qu'il existe des différences très mar
quées en surface entre les créoles de la zone Océan Indien (COI) et ceux de
la zone américaine. Les de l'Océan Indien, c'est-à-dire le réunionn
ais (R), le mauricien (M), le rodriguais (Ro), le seychellois (S) et le parler
des Chagos ont en commun un fonds phonologique (Papen, en cours)
qui suffirait à les différencier des créoles américano-caraïbes. Ces créoles
possèdent, par ailleurs, un fonds lexical commun assez important contenant
des éléments (d'origine malgache, par exemple) qu'on ne retrouve pas dans
les créoles de la zone américaine (cf. Chaudenson 1974). Toutefois, la ques
tion de savoir si les différences apparentes entre les créoles des deux zones
constituent une opposition réelle ne nous intéresse pas directement ici 2;
nous n'en tiendrons donc pas compte.
On peut, par contre, affirmer qu'il y a à l'intérieur de la zone Océan
Indien une opposition assez nette entre le réunionnais et les autres parlers.
Cette opposition est manifeste d'une façon globale lorsqu'on essaie d'évaluer
le degré d'intercompréhension entre les différents parlers. Elle est plus spé
cifique lorsqu'on procède à une analyse de la morpho-syntaxe. On est
donc amené à distinguer deux sous-ensembles dans la zone qui nous inté-
1. Nous tenons à exprimer ici notre reconnaissance envers Annegret Bollée et Philip Baker, qui ont
bien voulu lire une première version de cet article; leurs suggestions nous ont été bien utiles et nous ont évité
certaines erreurs d'interprétation, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'ils soient pleinement d'accord
avec tous les points de vue exprimés ici. Ce travail a été financé en partie par le Comité de recherches de
l'Université d'Auckland, auquel nous adressons nos remerciements. Nous remercions également
l'A.U.P.E.L.F. et le Centre universitaire de la Réunion de leur soutien.
2. Cf. à ce propos Bollée 1977c.
60 resse ici. On trouve dans le premier, le réunionnais, appellation qui recouvre
en fait plusieurs variétés plus ou moins clairement définies et qui consti
tueraient un continuum linguistique selon Carayol et Chaudenson (article
à paraître in Latitudes (1978). On trouve dans le second le mauricien, le
rodriguais, le seychellois et le parler de Chagos 3. Tout en ayant des parti
cularités phonétiques, lexicales et syntaxiques propres, ces créoles pré
sentent néanmoins un degré élevé de ressemblance et d'intercompréhension.
Nous utiliserons l'appellation « créoles de l'Ile-de-France » (CIdeF; Papen
1975) pour désigner ce sous-ensemble.
La reconstruction d'une proto-langue exige un cadre descriptif commun
pour toutes les langues qui en sont théoriquement issues afin que les affi
rmations concernant ces langues soient strictement comparables. Dans l'état
actuel de la recherche, c'est précisément ce qui fait défaut (cf. le bref compte-
rendu de l'état présent des recherches en syntaxe COI dans Corne, 1977c).
Cependant, les éléments dont nous disposons sont suffisamment nombreux
pour nous permettre, sinon de tirer des conclusions, tout au moins de
suggérer quelques directions de recherches. Nous restreindrons notre
champ d'investigation à la syntaxe. L'attention de la linguistique historique
a été le plus souvent axée vers la reconstruction de lexemes et de systèmes
phonologiques, employant pour ce faire, des techniques très développées;
mais le problème de la reconstitution de la syntaxe d'une proto-langue
n'est pas fondamentalement différent.
1.1. En ce qui concerne la genèse des COI (et, par conséquent, les liens
génétiques entre les différents parlers actuels), deux thèses principales s'op
posent actuellement. Les auteurs, tout en s'attachant particulièrement à
l'étude du peuplement des îles de l'Océan Indien avant de se prononcer
sur la question, ne négligent pas pour autant d'examiner le problème posé
par le contact des langues dans une société de plantation.
L'hypothèse la plus communément admise aujourd'hui est celle
avancée par R. Chaudenson dans son étude du lexique réunionnais (1974).
Pour ce linguiste, les créoles de l'Océan Indien seraient tous issus du « bour
bonnais » (B), qui se serait développé à la Réunion (Bourbon), entre le
début de la colonisation (1665) et la colonisation de l'île Maurice (1721).
Chaudenson fait très judicieusement remarquer que l'île Bourbon,
jusqu'alors déserte, fut peuplée de colons français et d'esclaves malgaches
avec toutefois un nombre non négligeable d'Indiens et d'Indo-Portugais.
Cette remarque est très importante dans la mesure où elle ramène à sa
juste proportion le rôle joué par les esclaves d'origine africaine subséquem-
ment introduits dans l'île.
L'île Maurice fut, elle, d'abord peuplée de colons et d'esclaves en pro
venance de Bourbon qui auraient donc introduit le bourbonnais dans la
nouvelle colonie. A Bourbon même, étant donné le peuplement blanc
majoritaire, le bourbonnais aurait ensuite été soumis à des pressions de
décréolisation, provenant soit du français soit d'une variété régionale de
3. Pour Chagos, nous disposons de si peu de renseignements précis qu'il n'en sera plus question ici.
R. Papen (en cours) suggère qu'on serait en droit de considérer ce parler comme un dialecte du mauricien.
61 français. Ceci permettrait d'expliquer le fait qu'actuellement le réunionnais
soit très peu compris par les locuteurs autochtones des autres îles créolo-
phones de la zone.
Tout en étant d'accord avec les idées avancées par Chaudenson,
A. Bollée prône dans deux travaux récents (1977b & с ; cf. aussi 1977a :
10-12) une créolisation incomplète pour le réunionnais face à une créoli-
sation complète pour les CIdeF. Elle rejette par ailleurs la notion même
de pidginisation préalable en ce qui concerne le bourbonnais. Elle affirme
que « le bourbonnais et le réunionnais pourraient être décrits comme
[un] « pre-creole continuum », avec un système grammatical complexe
et instable; le mauricien et le seychellois... seraient de « vrais créoles »,
caractérisés par une stabilité et une homogénéité grammaticales remar
quables » (1977b : 124). L'auteur semble rejoindre les propos de M. Al
ley ne (1971 : 1083) qui dit en parlant des créoles américano-caraïbes :
« II n'y a aucun témoignage convaincant qui appuie ou confirme l'hypothèse
selon laquelle les langues créoles soient issues d'un pidgin, langue véhiculaire
réduite et simplifiée ».
Contrairement à ce qu'ont avancé les deux auteurs pré-cités, Ph. Baker
(1976), tout en ne remettant nullement en cause l'hypothèse de la formation
d'un pré-créole bourbonnais à l'île Bourbon (pré-créole qui, à l'origine du
moins, ne devait rien aux créoles de la zone américaine), envisage pour sa
part, la formation à l'île Maurice d'un autre pré-créole qui serai

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