Quelques renseignements sur l origine des juridictions privées - article ; n°1 ; vol.6, pg 416-428
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Description

Mélanges d'archéologie et d'histoire - Année 1886 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 416-428
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1886
Nombre de lectures 9
Langue Français

Extrait

A. Esmein
Quelques renseignements sur l'origine des juridictions privées
In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 6, 1886. pp. 416-428.
Citer ce document / Cite this document :
Esmein A. Quelques renseignements sur l'origine des juridictions privées. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 6, 1886.
pp. 416-428.
doi : 10.3406/mefr.1886.6492
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1886_num_6_1_6492RENSEIGNEMENTS SUR L'ORIGINE QUELQUES
DES JURIDICTIONS PRIVÉES
L'origine des justices privées , qui apparaissent de bonne
heure sous les Mérovingiens, est un problème obscur, dont la
solution complète n'est pas encore trouvée. Sûrement elles ne
dérivent point toutes des chartes d'immunité, et souvent on s'est
demandé si elles n'avaient pas pour origine première des pra
tiques anciennes déjà développées avant la chute de l'Empire
romain. Sous la domination romaine ces pratiques auraient con
stitué de simples habitudes de fait, mais après l'établissement
des barbares, lorsque la notion de l'État s'obscurcit et que la
coutume devint le principal régulateur du droit, elles auraient
peu à peu pris le caractère d'une institution légale. J'ai relevé
dans la correspondance de Sidoine Apollinaire et dans celle de
Symmaque quelques témoignages qui me paraissent devoir être
interprétés en ce sens.
I.
On a souvent émis l'idée que l'exercice de la puissance do
minicale a fourni l'un des précédents des justices privées. La loi
du Bas-Empire admet encore que le maître a la droit de châtier
l'esclave selon sa volonté. Il peut même le mettre à mort, pourvu
que ce soit pour une causa legibus cognita (1) : par là il faut
entendre certainement un crime entraînant la peine capitale
(1) Inst. I, 7, 2. QUELQUES RENS. SUR L'ORIGINE DES JURIDICT. PRIVÉES 417
d'après les règles du droit pénal. Mais par là même, dans cette
hypothèse, l'exercice de la puissance dominicale était ramené aux
règles de la repression publique ; le maître, comme le juge auquel
il se substituait, devait pour le fond respecter la loi pénale.
Il est vrai que, selon certains interprètes, le maître n'aurait
gardé ce droit de répression que lorsqu'il s'agissait de délits
commis par ses exclaves envers lui-même (1) : lorsque ceux-ci au
contraire avaient commis des délits contre les tiers, ils auraient
dû nécessairement être jugés par les tribunaux. Mais les textes
qu'on invoque en ce sens ne disent point cela. Ils constatent
seulement que les tiers lésés par l'infraction peuvent accuser
l'esclave coupable devant les tribunaux, le maître ayant toujours
le droit de présenter sa défense, et qu'alors les règles de l'a
ccusation seront les mêmes que si le rens était un homme libre (2).
Mais ils ne disent point que le maître ne pouvait pas prévenir
la publiai accusatio en châtiant l'esclave et en donnant ainsi
satisfaction au poursuivant, lorsque ce dernier s'adressait à lui
pour demander justice.
On conteste cependant que l'exercice du pouvoir dominical,
même ainsi entendu, puisse être considéré comme une juridic
tion (■>) ; il η'Ύ avait alors, dit on, ni formes régulières ni tr
ibunal organisé. Il me paraît au contraire que sur les grands
domaines, où vivait toute une population d'esclaves, il dût fat
alement s'organiser une sorte de tribunal ayant sa jurisprudence
fixe, pour juger les différends des esclaves entre eux ou les délits
qu'ils commettaient. Sans doute lorsqu'il s'agissait de différends
peu graves dans lesquels ne figurait aucun étranger, les habitants
(1) Geib., Geschichte des römischen Criminalprozesses, p. 457.
(2) L. 14 C. Th. IX, 1; 1. 1. 2, 13. C. IX, 2; 1. 12 §§ 3, 4 D. XL VIII,
2; 1. 4. C. IX, 12.
(3) G. Meyer: Die Gerichtsbarkeit über Unfreie und Hintersassen
nach ältestem Recht (Zeitschrift der Savigny Stiftung, B. II, g. Ab.
p. 88, 89). QUELQUES RENSEIGNEMENTS SUE 418
ruraux du grand- domaine autres que les esclaves, colons ou petits
cultivateurs libres, comparaissaient aussi volontairement devant
ce tribunal. Les juges institués par l'État, étaient, je le montrerai
bientôt, trop éloignés et d'un abord trop difficile pour que les
choses pussent se passer autrement.
C'est cette pratique, je le crois, que Sidoine Apollinaire décrit
dans un passage où il représente l'un de ses amis, comme le
modèle du grand propriétaire : " Servi utiles, rustici morigeri,
urbani, obedientes patronoque contenti... Erga familiam suam nec
in proferendo alloquio minax, nec in admittendo consilio spernax,
nec in reatu investigando persequax, subjectorum statum condi-
tionem que non dominio sed judicio régit (1). „ Le personnel
nombreux qui vit sur la propriété, ces agriculteurs libres et ces
esclaves, sont devenus en fait les sujets et les justiciables du
propriétaire.
Une autre lettre de Sidoine me paraît surtout importante à
ce point de vue, en ce qu'elle nous montre la répression d'un
crime public, du crimen sepulcri violati, exercée dans les formes
légales par un autre que le magistrat compétent. Voici la tra
duction de ce passage:
" Hier, ô douleur, une main profane a presque violé le tom
beau de mon aïeul, de ton bisaïeul. Mais Dieu a empêché la
perpétration d'un tel sacrilège. Le champ, gorgé de cendres fu
néraires et de cadavres, depuis longtemps ne recevait plus aucune
fosse nouvelle : cependant la terre dont on recouvre les corps
inhumés, s'était tassée et était revenue à son ancien niveau, les
tertres s'étant affaissés sous le poids des neiges ou sous l'éco
ulement prolongé des pluies. Cela fut cause que les croquemorts
(corporum bajuli) osèrent de leurs bêches funèbres violer cette
place, considérée comme vacante. Que te dirai-je ? Déjà le gazon
(1) Édition Baret, IV, 18; alias IV, 9. DES JURIDICTIONS PRIVÉES 419
vert était flétri; déjà Ton voyait des mottes fraîches sur l'an
cienne sépulture, lorsque par hasard, me rendant à la ville Ar-
verne, j'ai découvert ce crime public du sommet d'une colline
voisine. Courant tout droit à bride abattue, que le terrain fût
uni _ou escarpé, et impatient de tout retard, j'ai de loin arrêté
par mes cris le crime audacieux. Pendant que les coupables, pris
en flagrant délit, hésitaient ne sachant s'ils devaient fuir ou rester,
je suis arrivé sur eux. Je confesse ma faute, je n'ai pu différer
le supplice, après ma capture ; sur la terre même qui recouvre
notre ancêtre j'ai mis les brigands à la torture, autant que l'ex
igeaient le devoir des vivants et la sécurité des morts. D'ailleurs
en ne réservant rien à notre évêque, j'ai pris en considération
à la fois ma propre cause et sa personne, craignant que sa re
pression fut trop clémente par rapport à l'une, trop sévère par
rapport à l'autre. Cependant au cours même de mon voyage je
lui mandai toute l'affaire, en forme de réparation, et cette homme
saint et juste me fit gloire de ma colère alors que je ne demandais
qu'un pardon, prononçant que selon la coutume de nos aïeux
les autours d'un tel forfait avaient été justement rais à mort „ (1).
Sidoine reconnaît ici ouvertement qu'il a commis un acte
illégal ; il n'avait point qualité pour agir comme il l'a fait, bien
que la répression exercée par lui ait été calquée sur les pres
criptions légales, comme je le montrerai plus loin. Mais quelle
est la personne sur les droits de laquelle il a empiété et auprès
de laquelle il s'excuse? C'est l'évêque. C'est donc ce dernier qui
(1) Édition Baret, III, 1; alias, III, 12. Voici le texte même des
deux dernières phrases traduites : « Ceterum nostro quod sacerdoti nil
reservari, meae causae suae que personae prescius in commune consului,
ne vel haec justo clementius vindicaretur, vel illa justo severius vin-
dicaret. Cui cum tarnen totum ordinem rei ut satisfaciens ex itinere
mandassem, vir sanctus et Justus, iracundiae meae dedit gloriam, quum
nil amplius ego venia postularem, pronuntians more majorum reos tan-
tae temeritatis jure caesos videri ». QUELQUES RENSEIGNEMENTS SUR L'ORIGINE 420


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