Sur la devise de « Nœu et de Feu » : un sonnet d Etienne Jodelle - article ; n°1 ; vol.49, pg 49-67
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Sur la devise de « Nœu et de Feu » : un sonnet d'Etienne Jodelle - article ; n°1 ; vol.49, pg 49-67

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Description

Langue française - Année 1981 - Volume 49 - Numéro 1 - Pages 49-67
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Lusson
Jacques Roubaud
Sur la devise de « Nœu et de Feu » : un sonnet d'Etienne
Jodelle
In: Langue française. N°49, 1981. pp. 49-67.
Citer ce document / Cite this document :
Lusson Pierre, Roubaud Jacques. Sur la devise de « Nœu et de Feu » : un sonnet d'Etienne Jodelle. In: Langue française.
N°49, 1981. pp. 49-67.
doi : 10.3406/lfr.1981.5082
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1981_num_49_1_5082Lusson, Jacques Roubaud Pierre
SUR LA DEVISE DE «NŒU ET DE FEU»
UN SONNET D'ETIENNE JODELLE
Essai de lecture rythmique
Ne Feu pouvant qui brûle Au toutesfois Dédale sans cesse du avec Nœu et ne la flamme se peut esteindre, atteindre
Jodelle. Ode sur la devise
« de nœu et de feu ».
Objet
1. «r Des vers rapportés »
Le chapitre XIII du Livre Premier des Bigarrures du Seigneur des
Accords (Etienne Tabourot) s'intitule : des vers rapportés. Tabourot n'en
donne pas de définition, mais des exemples, dont le premier est tiré dit-il de
Virgile : « Entre les œuvres de Virgile, se void sur l'épitaphe d'un incer
tain autheur, aussi docte et naif qu'on sçauroit souhaiter. »
Pastor, arator, eques, pavi, cotui, superavi,
Capras, rus, hostes, fronde, ligone, manu.
M. Tabourot, officiai à Langres, Га ainsi miraculeusement traduit, en ces
deux alexandrins :
Pastre, laboureur, duc, j'ay peu, besché, submis
De rains, de pics, de mains, chèvres, champs, ennemis.
2. Une définition élémentaire
La technique des vers rapportés, comme nous Га signalé Jean Molino,
est un cas particulier de ce que Damaso Alonso appelle Versos correlativos
et dont il a étudié de nombreux exemples, en particulier dans la tradition
49 pétrarquiste. Le sonnet de Jodelle que nous étudions ici est un représentant
de cette tradition.
Nous tirerons des exemples fournis par le Seigneur des Accords la défini
tion suivante du « phénomène » des « vers rapportés » qui va nous occuper
ici : une construction syntaxique simple binaire A В étant donné, on consi
dère coordination de termes reliés par cette construction : A, et Bj, A2,
et B2, ... A et В et on les « imbrique » de manière à obtenir la sucession
Aj, A2, ..., An et B17 B2 ..., Bn. Les constructions impliquées sont, presque
exclusivement : A sujet В verbe, A verbe В complément, A substantif В
complément, de nom ou prépositionnel. L&Jigure A В sera dite, conformément
à la terminologie introduite en combinatoire et en linguistique par
J.-P. В enzècri, peigne à deux dents; il s'agit de peignes ordonnés où les deux
dents jouent des rôles distincts. Les éléments lexicaux qui occupent ces dents
seront dits « éléments figurés ». L'opération caractéristique des « vers rap
portés » est une imbrication qui transforme les peignes, initialement conca-
ténés en peignes imbriqués. Nous aurons également à considérer une trans
formation combinatoire d'enchâssement avec empiétement qui est celle où
la construction concaténée A В est transformée en A Br B2, ..., Bn, où
A = Aj — ... = An (C'est une construction syntaxique très ordinaire : «je
vois le loup, le renard, le lièvre... »)
3. Une remarque de Tabourot
Tabourot remarque en son chapitre : « ... Jodelle s'est rendu fort admi
rable en ce genre d'écrire, comme on pourra voir par ses œuvres; et doute
si c'est point lui qui y a donné la première atteinte en ce quatrain, qu'il fit
sur la mort de Clément Marot. y a fort longtemps imprimé :
Quercy, la cour, le Piedmont, l'Univers,
Me fit, me tint, m'enterra, me cogneut,
Quercy mon los, la cour tout mon temps eut,
Piedmont mes os, et l'univers mes vers.
S'il est authentique, ce que paraît croire Enea В aimas, le savant éditeur de
Jodelle, ce quatrain date de 1546, et Jodelle, né en 1530, l'a composé à
quinze ou seize ans; ce qui n'est pas sans importance, étant donné le rôle
joué par la technique combinatoire d'imbrication dans la dernière période
sans doute la plus extraordinaire de la vie créatrice du poète.
4. Les origines
Nous ne désirons pas faire ici l'histoire de l'usage des « vers rapportés »;
nous ne donnerons que quelques indications utiles pour notre propos :
— Tabourot se réfère à une lettre d'Etienne Pasquier, qui 'attribue à Du Bel
lay l'honneur d'avoir acclimaté la méthode au vers français, à partir de
modèles italiens. Pasquier : « l'on doit... (à) du Bellay le premier sonnet en vers
rapportez, qui est le dix et neufiesme de son Olive ». C'est exact. Chez Du
Bellay encore, l'imbrication apparaît aux sonnets 104 et 110 des Regrets
(transpositions, dans chaque cas d'originaux latins), et surtout (comme le
remarque Tabourot) en 24 vers consécutifs d'un épigramme pastoral des
50 jeux rustiques, avec une disposition ternaire, celle qui sera la marque propre
de Jodelle. Ronsard l'emploie une fois (en ses œuvres considérées authent
iques), au sonnet XVII des Amours de 1552. Plus importants pour nous sont
trois exemples : l'un est de Du Bellay encore, au sonnet XX de VOlive. « Ces
cheveux d'or sont les liens, Madame/Dont fut premier ma liberté surprise/
Amour lajlamme autour du cœur éprise/Ces yeux le traict qui me transperce
Гате/... Pour briser donq?, pour éteindre et guerir/Ce dur lien, ceste ardeur,
ceste playe,/Je ne quier fer, liqueur ny medecine/L'heur et plaisir que ce m'est
de perir/De telle main, ne permect que j'essaye/Glayve trenchant, ny
froydeur, ny racine. «Les éléments figurés (cf. n° 2) y sont trois, unifiés
sémantiquement suivant les trois séries, subsumées en : Liens, Flamme,
Traicts. Le deuxième exemple de ce qui paraît être une courte (?) chaîne
conduisant aux sonnets de Jodelle que nous allons étudier est dû à Olivier
de Magny dans un sonnet des « Amours » (1553) : il s'agit du sonnet XLI,
aux vers 9 et 10 : « Ces yeux après, les flèches, retz, et flamme/De quoy
Amour blesse, prend, et enflamme/ » la triade des éléments figurés est la
même que dans le sonnet de Du Bellay; en outre le terme qui correspond à
liens est cette fois retz, qui chez Jodelle prendra une résonance particul
ière. Le troisième et dernier exemple est le sonnet de Ronsard déjà cité plus
haut : « Par un destin deans mon cuer demeure/l'œil, et la main, et le crin
délié, /Qui m'ont si fort, bruslé, serré, lié,/Qu'ars, prins, lassé, par eulx fault
que je meure. /Le feu, la serre, et le ret à toute heure/... » Avec feu, serre et
ret, la même séquence ternaire se poursuit.
5. L'imbrication ternaire chez Jodelle
Après ces trois exemples de vers rapportés ternaires chez Du Bellay,
Magny, et Ronsard, nous en venons maintenant à l'imbrication ternaire chez
Jodelle. Nous retiendrons en premier lieu que, contrairement aux poètes déjà
cités (il ne semble pas y en avoir chez Pontus de Tyard), les exemples sont
nombreux; en second lieu poétiquement significatifs (ce qui est remarqué par
Pasquier et Tabourot); concentrés enfin en un moment poétique particulièr
ement intense et sombre de l'œuvre jodéllienne, unité triple de la vie, de la
tension formelle et de l'amour. En effet,
6. Retz
une concentration exceptionnelle de la figure d'imbrication ternaire apparaît
dans les poèmes composés pour Claude-Catherine, Maréchale de Retz, qui fut
la Pasithée des derniers vers d'amour de Pontus de Thyard et l'Artémis d'Ama-
dis Jamyn (cf. bibl. (Bj), p. 470 et sq.); les textes conservés, qui débutent, au
tome I de l'édition Balmas avec le Chapitre d'amour de la page 372, culminent
avec les sonnets de l'amour obscur^ précédés du sonnet « comme un qui
s'est perdu... » (notre JIII) et suivis de l'ode sur la devise de « nœu et de feu »,
la devise de sa maîtresse. Le nom de « Retz » y apparaît souvent, glissé comme
par mégarde dans les vers (et orthographié de manière fantaisiste, « rais »,
« retz », « rays »...). « En outre la dialectique interne de sa passion... le carac
tère manifestement impossible de leur amour, avec les contrecoups de nature
sociologique, les incidences psychologiques, etc. qu'une pareille impossibilité
51 mènent... au sommet... où la constatation

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