Sur la Dixième époque : utopie et histoire chez Condorcet - article ; n°2 ; vol.108, pg 601-608
9 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Sur la Dixième époque : utopie et histoire chez Condorcet - article ; n°2 ; vol.108, pg 601-608

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
9 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1996 - Volume 108 - Numéro 2 - Pages 601-608
Alain Pons, sur la «Dixième époque» : utopie et histoire chez Condorcet, p. 601-608. La Dixième époque, sur laquelle s'achève l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain de Condorcet, ainsi que le Fragment sur l'Atlantide, traitent des «progrès futurs de l'esprit humain». On peut se poser à propos de ces textes un certain nombre de questions. S'agit-il d'une «utopie»? Mais la «dixième époque» n'est pas située dans un «ailleurs» radical, coupé du temps et de l'espace réels, elle s'enracine dans le passé et le présent qui la rendent vraisemblable et même probable. S'agit-il alors d'une «philosophie de l'histoire», au sens de Hegel, de Comte ou de Marx? Mais Condorcet ne fait pas de l'histoire une hypostase ayant ses lois et sa logique, indépendamment des individus. Son point de vue est tout autre. Dès le début des années 1780, il avait dessiné le schéma de l'Esquisse, mais (v. au verso) sans y faire figurer une «dixième époque». C'est donc la Révolution française qui, en vérifiant empiriquement la doctrine de la perfectibilité, justifie les anticipations projetées vers le futur, sous la forme d'un programme de maîtrise de la nature ainsi que des mécanismes sociaux. Si Condorcet se réfère à la Nouvelle Atlantide de Bacon, ce n'est pas pour prendre le chemin de l'utopie, c'est pour s'interroger sur la place de la science dans la socité moderne, sur l'organisation de la recherche scientifique et sur ses rapports avec l'État. La «dixième époque» présente donc un programme scientifique et un projet moral et politique. Condorcet est un philosophe de la liberté. Il refuse les facilités dangereuses de l'utopie et de l'histoire divinisée, et leur préfère une politique de la «raison élargie».
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 24
Langue Français

Extrait

Alain Pons
Sur la Dixième époque : utopie et histoire chez Condorcet
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 108, N°2. 1996. pp. 601-608.
Résumé
Alain Pons, sur la «Dixième époque» : utopie et histoire chez Condorcet, p. 601-608.
La Dixième époque, sur laquelle s'achève l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain de Condorcet, ainsi
que le Fragment sur l'Atlantide, traitent des «progrès futurs de l'esprit humain». On peut se poser à propos de ces textes un
certain nombre de questions. S'agit-il d'une «utopie»? Mais la «dixième époque» n'est pas située dans un «ailleurs» radical,
coupé du temps et de l'espace réels, elle s'enracine dans le passé et le présent qui la rendent vraisemblable et même probable.
S'agit-il alors d'une «philosophie de l'histoire», au sens de Hegel, de Comte ou de Marx? Mais Condorcet ne fait pas de l'histoire
une hypostase ayant ses lois et sa logique, indépendamment des individus. Son point de vue est tout autre. Dès le début des
années 1780, il avait dessiné le schéma de l'Esquisse, mais
(v. au verso) sans y faire figurer une «dixième époque». C'est donc la Révolution française qui, en vérifiant empiriquement la
doctrine de la perfectibilité, justifie les anticipations projetées vers le futur, sous la forme d'un programme de maîtrise de la nature
ainsi que des mécanismes sociaux. Si Condorcet se réfère à la Nouvelle Atlantide de Bacon, ce n'est pas pour prendre le chemin
de l'utopie, c'est pour s'interroger sur la place de la science dans la socité moderne, sur l'organisation de la recherche
scientifique et sur ses rapports avec l'État. La «dixième époque» présente donc un programme scientifique et un projet moral et
politique. Condorcet est un philosophe de la liberté. Il refuse les facilités dangereuses de l'utopie et de l'histoire divinisée, et leur
préfère une politique de la «raison élargie».
Citer ce document / Cite this document :
Pons Alain. Sur la Dixième époque : utopie et histoire chez Condorcet. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et
Méditerranée T. 108, N°2. 1996. pp. 601-608.
doi : 10.3406/mefr.1996.4457
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1996_num_108_2_4457ALAIN PONS
SUR LA «DIXIÈME ÉPOQUE» :
UTOPIE ET HISTOIRE CHEZ CONDORCET
L'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain
s'achève, on le sait, par une «dixième époque» dans laquelle Condorcet
traite des «progrès futurs de l'esprit humain». À ce texte doivent être ratta
chés un Fragment sur l'Atlantide (publié en 1804), ainsi que des Fragments
de l'histoire de la dixième époque. Cette évocation des «destinées futures» de
l'humanité relève-t-elle de l'utopie, sinon dans sa forme littéraire, du moins
dans son esprit? Est-elle au contraire la conclusion naturelle de l'ample
«philosophie de l'histoire» mise en chantier par Condorcet et dont il n'a
laissé que YEsquüse? Ou bien enfin ne s'agit-il pas seulement d'une série
d'extrapolations à partir des acquis des différentes sciences, que couronne
un progrès d'organisation générale de la science, ébauché par Condorcet
vingt ans auparavant et jamais abandonné?
À ces questions, on sera tenté de répondre en disant qu'il s'agit bien de
tout cela à la fois, et qu'il est vain de vouloir faire entrer ces pages, où la
froide raison se teinte d'un certain enthousiasme, dans des catégories ou
genres philosophiques mal définis comme «utopie» ou «philosophie de
l'histoire». Il m'apparaît cependant que ce genre d'interrogation peut
contribuer à éclairer une pensée plus complexe qu'on ne le pense souvent.
Les quelques réflexions auxquelles je voudrais me livrer n'ont d'ailleurs pas
le mérite de la nouveauté, elles ont été précédées par bien d'autres, parmi
lesquelles on doit citer en particulier celles de Frank E. Manuel, Keith
Baker, et Bronislaw Baczko, qui y a consacré un chapitre («Condorcet.
L'utopie comme réalisation de l'histoire»), dans son ouvrage Lumières de
l'utopie1 .
Condorcet utopiste? Tout dépend, bien entendu de la définition que
l'on donne du mot «utopie», mais, sans remonter jusqu'à la matrice plato
nicienne du genre, un simple coup d'œil sur les œuvres de Thomas More et
■V. Frank E. Manuel et Fritzie P. Manuel, Utopian Thought in the Western
World, Oxford, 1979, p. 487-518; Keith Baker, Condorcet. Raison et politique, tr. fr.,
Paris, 1988; Bronislaw Baczko, Cornières de l'utopie, Paris, 1978.
MEFRIM - 108 - 1996 - 2, p. 601-608. ALAIN PONS 602
de ceux qui ont été inspirés par lui fait apparaître que la Dixième époque et
le Fragment sur l'Atlantide ne relèvent pas d'un genre qui a ses lois et sa
cohérence propres. L'utopie est le «lieu de nulle part», marqué du signe de
l'altérité radicale, coupé à la fois du monde extérieur et de l'histoire. Les
«hommes nouveaux» qui l'habitent vivent dans un éternel présent, qui est
celui du bonheur assuré par un ordre politique et moral que sa perfection
rend immuable. Tout changement, c'est-à-dire toute intrusion de la tempor
alité et de l'histoire, ne peut que représenter une menace pour l'ordre,
donc pour le bonheur. Contrairement à ce que l'on pense parfois, l'innova
tion littéraire apportée par L.S. Mercier dans son An 2440, ne change pas
radicalement la perspective en projetant la cité heureuse dans l'avenir
plutôt que dans un lieu de nulle part. Les sept siècles qui séparent le narra
teur du monde futur dans lequel il se trouve brusquement transporté n'ont
pas d'épaisseur historique, ils ont la valeur d'une simple parenthèse. Et en
définitive le Paris de l'an 2440 se révèle être «un rêve s'il en fut». Dans
l'utopie, comme dans le rêve, la question de la possibilité d'effectuation
dans le réel des plans de la cité idéale ne se pose pas, ou plutôt elle est
résolue d'emblée, par postulat, ce qui donne à l'évocation une liberté qui se
joue des pesanteurs de l'histoire réelle.
La dixième époque de Condorcet n'a aucun des caractères de l'utopie
classique tels qu'ils viennent d'être définis. Elle n'est pas située dans un ail
leurs radical, qu'il s'agisse de l'espace ou du temps, mais en France, en
Europe, dans le monde, dont elle évoque les destinées dans un avenir
proche ou lointain, un avenir qui s'enracine dans le présent et le passé. Et
son évocation a pour préoccupation essentielle de faire apparaître la vra
isemblance, la probabilité, voire l'inéluctabilité de ce qui est «prédit» et
«prévu», et cela au nom de la science et des progrès constatables de l'esprit
humain. La connaissance toujours plus développée du monde naturel et,
désormais, du monde humain, la découverte sans cesse enrichie des lois
qui régissent l'individu et la société, permettent de parler de l'avenir avec la
tranquille certitude du savant, bien différente de l'enthousiasme aveugle du
croyant.
On peut se demander alors si, plutôt que d'être une utopie, la Dixième
époque et le Fragment ne relèveraient pas d'une philosophie de l'histoire
dont ils seraient la partie prospective, les neuf premières époques consti
tuant la partie rétrospective. Si l'utopie, c'est la raison hors de l'histoire, et
même contre l'histoire, si l'ambition de toute philosophie de l'histoire est
au contraire de montrer comment la raison est à l'œuvre dans l'histoire,
l'œuvre de Condorcet semble bien appartenir à cette dernière catégorie. Et
c'est ainsi que la plupart des historiens des idées rangent YEsquüse, après
le Tableau historique des progrès successifs de l'esprit humain de Turgot, et UTOPIE ET HISTOIRE CHEZ CONDORCET 603
avant les vastes systèmes de Hegel, de Comte et de Marx, parmi les grandes
philosophies de l'histoire progressistes ou mélioristes.
Un point est cependant à considérer. Tous ces grands phi

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents