Témoignage, art et traumatisme de l Holocauste - article ; n°1 ; vol.56, pg 50-68
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Témoignage, art et traumatisme de l'Holocauste - article ; n°1 ; vol.56, pg 50-68

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Description

Mots - Année 1998 - Volume 56 - Numéro 1 - Pages 50-68
TEMOIGNAGE, ART ET TRAUMATISME DE L'HOLOCAUSTE Les médias posent la question des limites où l'insupportable devient routinier et la désensibilisation nous guette. Comment le témoin de telles atrocités peut-il aller au-delà des silences ? Par le récit historique, par les images médiatisées, par l'art et la littérature surtout. La poésie de Celan, ce monologue inconsolable dont les mots sont des blessures, se pose en exemple de vérité, dans le double trauma du vécu et du dire. Le langage est le seul salut contre l'oubli.
TESTIMONY, ART AND TRAUMA OF THE HOLOCAUST Mass-medias ask the question of limits, when insufferable events are becoming usual and insensibility is coming. How can a testimony of such atrocities overcome silences ? Through historical accounts, mediatized images and, chiefly, art and literature. Celan' s poetry, an inconsolate soliloquy of wounds-words, gives us an example of truth, in the double trauma of what was lived and what is said. « Only one thing remained reachable, close and secure amid all losses : language ».
TESTIMOŇO, ARTE Y TRAUMA DEL HOLOCAUSTO Los mass-media plantean el problema de los limites tras los cuales lo insoportable se hace rutinario y la desensibilización nos amenaza ¿ De qué manera el testigo de tantas atrocidades puede ir mas allá del silencio ? A través del relato histórico y, sobre todo, a través de la literatura. La poesía de Celan, este monólogo inconsolable cuya cada palabra es una herida nos ofrece un ejemplo de autenticidad dentro del trauma de lo vivido y del decir. El lenguaje es la única salvación contra el olvido.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Geoffrey Hartman
Monique Caminade
Témoignage, art et traumatisme de l'Holocauste
In: Mots, septembre 1998, N°56. pp. 50-68.
Resumen
TESTIMOŇO, ARTE Y TRAUMA DEL HOLOCAUSTO Los mass-media plantean el problema de los limites tras los cuales lo
insoportable se hace rutinario y la desensibilización nos amenaza ¿ De qué manera el testigo de tantas atrocidades puede ir
mas allá del silencio ? A través del relato histórico y, sobre todo, a través de la literatura. La poesía de Celan, este monólogo
inconsolable cuya cada palabra es una herida nos ofrece un ejemplo de autenticidad dentro del trauma de lo vivido y del decir. El
lenguaje es la única salvación contra el olvido.
Abstract
TESTIMONY, ART AND TRAUMA OF THE HOLOCAUST Mass-medias ask the question of limits, when insufferable events are
becoming usual and insensibility is coming. How can a testimony of such atrocities overcome silences ? Through historical
accounts, mediatized images and, chiefly, art and literature. Celan' s poetry, an inconsolate soliloquy of wounds-words, gives us
an example of truth, in the double trauma of what was lived and what is said. « Only one thing remained reachable, close and
secure amid all losses : language ».
Résumé
TEMOIGNAGE, ART ET TRAUMATISME DE L'HOLOCAUSTE Les médias posent la question des limites où l'insupportable
devient routinier et la désensibilisation nous guette. Comment le témoin de telles atrocités peut-il aller au-delà des silences ? Par
le récit historique, par les images médiatisées, par l'art et la littérature surtout. La poésie de Celan, ce monologue inconsolable
dont les mots sont des blessures, se pose en exemple de vérité, dans le double trauma du vécu et du dire. Le langage est le seul
salut contre l'oubli.
Citer ce document / Cite this document :
Hartman Geoffrey, Caminade Monique. Témoignage, art et traumatisme de l'Holocauste. In: Mots, septembre 1998, N°56. pp.
50-68.
doi : 10.3406/mots.1998.2365
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1998_num_56_1_2365HARTMA№ Geoffrey
Témoignage, art et traumatisme
de l'Holocauste1
Aujourd'hui, la relation entre le savoir et les moyens de sa
représentation a changé. Ce phénomène est particulièrement manif
este pour l'Holocauste. Nous observons, d'une part, un excès de
savoir, une profusion de détails au sujet de la « Solution finale »
fournie par les techniques de l'historiographie moderne et les
registres minutieux et arrogants des criminels eux-mêmes. D'autre
part, nous disposons de moyens visuels assez puissants pour convertir
ce savoir en un simulacre de l'événement original. Par conséquent,
certaines questions se posent quant aux limites de la représentation.
Et ces ne portent pas tant sur le fait de savoir si un tel
événement peut être représenté que sur le fait de si notre
refus de poser des limites à sa représentation sert ou non la vérité.
En d'autres termes, il ne faudrait pas présupposer que la question
de la représentation de l'extrême est uniquement technique par
nature (comment pourrions-nous trouver des moyens assez forts pour
décrire ce qui est arrivé ?) et qu'elle ne relève pas d'un scrupule
quant à la finalité, quant à la sagesse de rappeler ce qui est arrivé.
Dans le passé, déjà, les chroniqueurs juifs des croisades exprimaient
ce scrupule au moment de raconter les faits : « Pour dire la colère
et la rage, il n'y a pas un cœur qui n'en ait la force, une main
qui ne tremble sur la page ». Nous avons tendance à oublier ce
cœur et cette main. Notre endurance est considérée comme évidente,
° Fortunoff video archiv for Holocaust testimony, Yale university, PO box 208240,
New Haven, Connecticut, USA.
1. La traduction que nous présentons ici est, par rapport à la version originale
anglaise, allégée de la plus grande partie de l'appareil de notes. Le lecteur qui le
souhaite pourra se reporter à Geoffrey Hartman, « Holocaust testimony, art and
trauma » dans The longest shadow, Bloomington, Indianapolis, Indiana University
Press, 1966.
50 Mots, 56, septembre 98, p. 50 à 68 de même que notre complaisance et notre curiosité, et la critique
du réalisme, du refus de lui conférer des limites, est laissée
entièrement aux mains des plus dogmatiques d'entre nous.
Aborder sérieusement les formes de représentation signifie reconn
aître leur pouvoir d'émouvoir, d'influencer, d'offenser, de blesser.
C'est pourquoi la question conservatrice des limites de la représent
ation est importante et pourquoi elle a été centrale, jusque très
récemment, dans la poétique. Actuellement, la question des limites,
que ce soit les médias ou dans l'art, se pose uniquement pour
les enfants. On considère que les yeux adultes se recouvrent d'une
peau plus dure à mesure que l'expérience les rend insensibles.
L'épisode relaté par Augustin sur son ami Alypius, marqué pour
toujours par la soif de sang pour avoir vu, dans le cirque romain,
les sports sanguinaires, nous semblera plutôt naïf. Pour autant, la
question ne disparaitra pas complètement du fait d'une nouvelle
pression psychologique exercée par les médias, par l'extension
technologique des yeux et des oreilles.
Cette pression est due au fait que les médias nous ont transformés
en spectateurs involontaires d'atrocités qui nous sont sans cesse
narrées visuellement. Ces reportages médiatiques d'événements trau-
matiques, ces retransmissions constantes et implacables d'images
violentes pourraient causer un « traumatisme secondaire », affectant,
cette fois, les spectateurs de notre propre cirque romain. Bien que
chacun de nous, dans la vie ordinaire, soit exposé à la vision de
la mort et de la souffrance, ce qui est particulièrement inquiétant,
dans cet étalage routinier, c'est qu'il crée une habitude et une
fascination qui tendent à produire des sentiments d'indifférence.
Le problème n'est donc pas le traumatisme potentiel causé par
l'imagerie visuelle en soi. Effectivement il y a choc et, par
conséquent, bien souvent, fascination. Il est difficile, en effet,
d'effacer de notre esprit l'image des villageois vietnamiens age
nouillés qu'on exécute d'une balle dans la tête, ou de cette femme
juive nue attendant d'être tuée, ou encore ces photos de cadavres
squelettiques déversés par milliers dans des fosses communes après
la libération de Belsen, ou, enfin, ce corps sans tête que l'on
emporte après le pilonnage du marché de Sarajevo. Mais il faut
ajouter, au choc lui-même, le phénomène de l'habitude, la projection
constante d'images extrêmes, leur diffusion comme icônes et la
froideur avec laquelle nous fixons d'autres images du même genre.
Cette désensibilisation conduit à une crainte rationnelle : notre
capacité à la sympathie a-t-elle des limites et s'épuise-t-elle fac
ilement? Si c'est le cas, il semble important de conserver les
51 premières impressions, même les plus douloureuses et les plus
choquantes. Elles deviennent talismaniques : idées figées de notre
pouvoir de sentir, maintenant et pour toujours, d'expérimenter
quelque chose. C'est dans la recherche de ces souvenirs précis que
nous contournons la question des limites de la représentation et que cherchons à nous «couper» nous-mêmes comme des psychot
iques qui s'assurent, de cette façon, qu'ils existent. Comme si seul
un traumatisme personnel ou historique (je saigne, donc je suis)
pouvait nous relier à la vie.
De façon idéale, les impressions devraient toujours être des
premières impressions ; et la possibilité de briser l'engourdissement,
le sien propre ou celui d'autrai, avec l'aide de l'histoire est plus
significative encore. L'illusion, si souvent nourrie par les survivants
de l'Holocauste pendant leur supplice, qu'ils trouveraient, après leur
libération, quelqu'un qui pourrait comprendre leur expérience, qui
pourrait réellement être en sympathie avec eux, est en partie motivée
par un désir de retrouver leur propre pouvoir de réponse, paralysé
ou réduit dans les camps1. Ceux qui ont imaginé que leur histoire
aurait cet effet ont été bien déçus.
En même temps, en décrivant le rôle de l'auditeur dans le projet
des témoignages oraux de Yale, Dori Laub fait jouer à ce d

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