Un nouveau monument sculpté de la légende de Saint Barlaam - article ; n°1 ; vol.48, pg 170-184
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Description

Mélanges d'archéologie et d'histoire - Année 1931 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 170-184
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1931
Nombre de lectures 18
Langue Français

Extrait

René Jullian
Un nouveau monument sculpté de la légende de Saint Barlaam
In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 48, 1931. pp. 170-184.
Citer ce document / Cite this document :
Jullian René. Un nouveau monument sculpté de la légende de Saint Barlaam. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 48,
1931. pp. 170-184.
doi : 10.3406/mefr.1931.7214
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1931_num_48_1_7214NOUVEAU MONUMENT SCULPTE UN
DE
LA LÉGENDE DE SAINT BARLAAM
L'histoire de Barlaam et Josaphat, cet étonnant récit de la Légende
dorée, tiré d'un roman grec où se reconnaît, sous l'enveloppe chré
tienne, la substance des légendes bouddhiques, a été fort populaire
au Moyen-Age dans l'Europe occidentale : elle fut traduite en effet
dans plusieurs des langues vulgaires en usage. Un des épisodes les
plus connus paraît avoir été une parabole que conte saint Barlaam
au jeune prince Josaphat (ou Joasaph) et qui est une allégorie de
l'existence que mène l'homme insouciant du lendemain : le saint le
compare à celui qui, fuyant devant une licorne, tombe dans un gouffre
et se raccroche à un arbuste ; il s'aperçoit bientôt que deux rats, un
blanc et un noir, rongent la base de l'arbre et que quatre serpents
commencent d'y grimper, tandis qu'au fond du gouffre un dragon
se prépare à le dévorer; mais, voyant couler des branches un peu de
miel, l'homme s'abandonne tout entier à la douceur de sa découv
erte.
Cette fable offrait, on le voit, aux artistes un sujet qui n'était pas
dépourvu d'intérêt; mais elle était plus immédiatement traduisible
en peinture qu'en relief, la représentation d'un gouffre étant difficile
à réaliser sur une surface sculptée. C'est peut-être la raison qui ex
plique que l'apologue de Barlaam, si fréquemment représenté, et
avec tant de complaisance, dans les manuscrits, soit relativement
rare dans la sculpture médiévale.
En Italie il se rencontre cependant plus souvent qu'ailleurs, ce qui UN NOUVEAU MONUMENT SCULPTÉ DE LA LÉGENDE DE SAINT BARLAAM 171
peut paraître étonnant, car on s'accorde généralement à penser que
l'histoire de Barlaam était moins répandue en Italie qu'en France.
Toujours est-il que dans les pays de l'Europe occidentale autres que
l'Italie, on ne connaît actuellement, je crois, qu'un seul monument
où soit sculptée cette scène : un tombeau français du xmc siècle con
servé dans l'église Saint-Jean de Joigny1. En Italie par contre, on
avait signalé jusqu'à présent deux bas-reliefs figurant la fable de
Barlaam : le tympan méridional du Baptistère de Parme, qui doit
dater des premières années du xme siècle et un petit panneau de la
chapelle de saint Isidore à Saint-Marc de Venise, que l'on a attribué
tantôt au xine, tantôt à la fin du xivc siècle. Il faut y ajouter une
nouvelle œuvre, qui était jusqu'alors conservée à l'Université de
Ferrare et qu'abrite maintenant le Musée de Γ Œuvre de la Cathé
drale; elle a bien été publiée récemment dans une revue locale2;
mais l'auteur de l'article n'en a pas aperçu la signification; il est
donc nécessaire de la faire mieux connaître.
Le panneau sculpté de Ferrare (fig. 1) décorait autrefois la chaire
de la Cathédrale : le dessin3 d'un témoin de sa démolition au début
du xvnie siècle nous montre en effet en bonne place l'image de Γ homme
à la licorne. La tradition rapporte que la chaire avait été élevée en
1515, mais les panneaux sculptés qui la décoraient — et dont plu
sieurs ont été conservés — étaient assez disparates : les uns dataient
certainement du xne siècle, d'autres, plus tardifs, n'étaient cependant
pas postérieurs au xme siècle; le monument dressé par la Renais
sance avait donc été constitué avec des fragments plus anciens, qui
1 II a été étudie par Mlle Louise Pillion, Un tombeau français du
XI Ih siècle et V apologue de Barlaam sur la vie humaine, in Bévue de l'art,
1910, II, p. 321 et suiv.
2 Cf. Donato Zaccarini, // pergamo del Duomo di Ferrara, in // Dia
mante, février 1929, p. 3 et suiv.
3 Reproduit par Zaccarini, art. cité, p. 3. UN NOUVEAU MONUMENT SCULPTÉ 172
avaient peut-être appartenu à des chaires de moindres dimensions :
l'œuvre des marbriers du xvie siècle s'était bornée à présenter ces
panneaux anciens dans un cadre architectural plus grandiose et peut-
être à en compléter le nombre.
C'est parmi les morceaux du xme siècle qu'il faut ranger le bas-
relief de la légende de Barlaam.
Le stvle en est tout différent de
celui des œuvres romanes : il
est plus libre, plus souple, plus
naturel si l'on veut; il révèle,
malgré quelques incorrections,
un tour de main plus habile,
une plus longue habitude des
finesses de l'outil; cette sculp
ture, qui n'est pourtant pas une
grande œuvre, a des qualités de
métier qui montrent à quel
point l'époque qui l'a produite
était parvenue à posséder la pra
tique courante de la technique
sculpturale : point n'est besoin
d'un long examen pour consta-
ciiche René Juiiian. ter qu'une telle œuvre serait im-
Fig. i. — L'allegorie de Barlaam possible avant le xme siècle.
a Ferrare. Quelques détails portent du reste
(Musée de l'Œuvre de la Cathédrale.) la marque de cette époque. Le
dragon vomissant des flammes est semblable au Léviathan qui ap
paraît régulièrement au xinc siècle dans les représentations du Ju
gement dernier; il n'appartient pas à la famille de ces monstres, si
formidables d'effet, auxquels l'imagination des maîtres romans se
plaisait à prêter des formes hors de la nature et presque calligr
aphiques et dont le dragon du tympan de Parme offrait encore une DE LA LÉGENDE DE SAINT BARLAAM 173
tardive image. Le vêtement du jeune homme, cotte courte serrée à
la taille et chausses ajustées, suit la mode du xme siècle, si opposée
à celle de l'époque romane vouée aux longs vêtements. Les feuilles
de l'arbre semblent dessinées d'après nature, elles contrastent vive
ment avec cette flore vue à travers l'antique, que la sculpture lom
barde avait utilisée d'une façon presque exclusive : elles s'inspirent
peut-être de l'hépatique, qui sans doute n'a pas la figure d'un ar
buste, mais dont les feuilles ont trois lobes et poussent en touffes.
Il n'y a pas besoin d'aller chercher très loin des termes de compar
aison : on a reconnu1, dans ce panneau sculpté, la· main des artistes
qui ont décoré à la cathédrale même la partie supérieure du protyron
de la façade et il y a en effet entre les sculptures du Jugement der
nier et le bas-relief de Barlaam des affinités. Les Feuilles des arbres
rongés par les rats sont traitées dans le même style que le décor vé
gétal qui entoure les scènes de la façade; le dragon qui s'apprête à
dévorer l'insoucieux ressemble au monstre infernal du Jugement
dernier; enfin le personnage de la chaire et ceux de la façade sont
traités par des sculpteurs qui ont des habitudes techniques pa
reilles et un sentiment analogue des proportions et de la plastique.
Il est donc probable que l'auteur du bas-relief de la chaire faisait
partie de l'atelier qui acheva dans le cours du xuie siècle à la cathé
drale de Ferrare la décoration de la façade.
Ces sculpteurs étaient vraisemblablement des Français et en tout,
cas leur art se rattache à celui de nos cathédrales : ainsi le bas-relief
ferrarais de l'apologue de saint Barlaam serait une œuvre française.
On y sent, en tout cas, la marque du naturalisme de chez nous. Le
personnage est plus élancé que ceux auxquels nous avait habitué
l'art lombard; avec ses cheveux courts, son air de jeunesse et sa phy
sionomie rustaude, il est plus individualisé que les types toujours un
peu abstraits qu'avait conçus jusqu'alors la sculpture italienne, même
à l'époque d' Antelami : si ce n'est pas un. portrait, c'est du moins
1 Cf. Zaccarini, art. cité, p. 10. ì 74 UN NOUVEAU MONUMENT SCULPTÉ
l'œuvre d'un artiste accoutum

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