Vacance argumentative : l'usage de (sic) dans la presse d'extrême droite contemporaine - article ; n°1 ; vol.58, pg 11-34

Alice Krieg

Description

Mots - Année 1999 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 11-34
LA AUCENCIA ARGUMENTATTVA : EL USO DE SIC EN LA PRENSA DE LA EXTREMA DERECHA CONTEMPORANEA. El signo (« sic ») es muy utilizado en « Minute », « National Hebdo », « Rivarol », « Présent », y participa en el funcionamiento de los discursos de la extrema derecha : importancia de lo implicite, pobreza de la argumentación frente a las evidencias, denuncia de las mentiras atribuidas a los diferentes actores del espacio público y de las persecuciones de las que la extrema dercha séria la victima.
ARGUMENTATIVE VACATION : THE USE OF (« SIC ») IN THE CONTEMPORARY FAR RIGHT PRESS. The sign (« sic ») frequently used in « Minute », « National Hebdo », « Rivarol », « Présent » plays a part in the functioning of the discourse of the far right: the importance of the implicit, the weakness of the argumentation in the face of evidence, the denunciation of the lies attributed to different public figures and the persecution of which the far right is held to be a victim.
VACANCE ARGUMENTATIVE : L'USAGE DE (SIC) DANS LA PRESSE D'EXTREME DROITE CONTEMPORAINE. Le signe (sic), très utilisé dans Minute, National Hebdo, Rivarol et Présent, participe du fonctionnement des discours de l'extrême droite : importance de l'implicite, faiblesse de l'argumentation face à l'évidence, dénonciation du mensonge attribué aux différents acteurs de l'espace public et de la persécution dont l'extrême droite serait victime.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: MOTS
• Publié le: 01 janvier 1999
• Nombre de lectures: 24
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Extrait

Alice Krieg
Vacance argumentative : l'usage de (sic) dans la presse
d'extrême droite contemporaine
In: Mots, mars 1999, N°58. pp. 11-34.
Résumé
VACANCE ARGUMENTATIVE : L'USAGE DE (SIC) DANS LA PRESSE D'EXTREME DROITE CONTEMPORAINE. Le signe
(sic), très utilisé dans Minute, National Hebdo, Rivarol et Présent, participe du fonctionnement des discours de l'extrême droite :
importance de l'implicite, faiblesse de l'argumentation face à l'évidence, dénonciation du mensonge attribué aux différents
acteurs de l'espace public et de la persécution dont l'extrême droite serait victime.
Abstract
ARGUMENTATIVE VACATION : THE USE OF (« SIC ») IN THE CONTEMPORARY FAR RIGHT PRESS. The sign (« sic »)
frequently used in « Minute », « National Hebdo », « Rivarol », « Présent » plays a part in the functioning of the discourse of the
far right: the importance of the implicit, the weakness of the argumentation in the face of evidence, the denunciation of the lies
attributed to different public figures and the persecution of which the far right is held to be a victim.
Resumen
LA AUCENCIA ARGUMENTATTVA : EL USO DE SIC EN LA PRENSA DE LA EXTREMA DERECHA CONTEMPORANEA. El
signo (« sic ») es muy utilizado en « Minute », « National Hebdo », « Rivarol », « Présent », y participa en el funcionamiento de
los discursos de la extrema derecha : importancia de lo implicite, pobreza de la argumentación frente a las evidencias, denuncia
de las mentiras atribuidas a los diferentes actores del espacio público y de las persecuciones de las que la extrema dercha séria
la victima.
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Krieg Alice. Vacance argumentative : l'usage de (sic) dans la presse d'extrême droite contemporaine. In: Mots, mars 1999,
N°58. pp. 11-34.
doi : 10.3406/mots.1999.2523
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1999_num_58_1_2523KRIEG° Alice
Vacance argumentative : l'usage de (sic)
dans la presse
d'extrême droite contemporaine
Le lecteur qui n'a pas l'habitude de fréquenter des discours
d'extrême droite et qui ouvre une « publication amie » de cette
mouvance politique est surpris. En parcourant les colonnes de
Minute, de National Hebdo, de Présent ou de Rivarol, il est
déconcerté par des contenus et des prises de position. Mais il est
également frappé par des marques, du vocabulaire et des procédés
discursifs qui font de la presse d'extrême droite (et au-delà, pour
une part, des discours d'extrême droite) une presse qui tient un
discours peu familier, un discours étrange.
Dans cette presse sympathisante de l'extrême droite, on trouve,
par exemple, un lexique néologique particulier, fait de mots, de
syntagmes, de mots composés et de mots-valises que l'on ne trouve
pas ailleurs : « immigrationnisme », « euro-mondialisme », « immig
ration-invasion », « socialo-communo-gaulliste », « néo-Français »,
« ripoublique » et « ripoublicain », « préférence étrangère » (c'est-à-
dire, car la chose ne vient pas spontanément à l'esprit, le favoritisme
dont bénéficieraient actuellement les étrangers résidant en France).
On trouve aussi des modes de désignation injurieux, qui jouent
souvent sur le registre du propre et du sale, du pur et de l'impur,
du sain et du malade : le Conseil constitutionnel est une « caisse
de réassurance de la pourriture » 1 ; lorsque François Léotard prend
la parole pour récuser les alliances post-électorales de la droite
parlementaire avec le Front national, il a « la bouche en hémorroïde
0 Laboratoire de Lexicométrie et textes politiques, ENS Fontenay/Saint-Cloud,
Grille d'Honneur du Parc, 92211 Saint-Cloud.
1. Editorial signé Rivarol, « Un préfet assassiné, le seul député FN invalidé »,
Rivarol, 13 février 1998, p. 1-2.
Mots, 58, mars 99, p. 11 à 34 , 11 » l moralisatrice ; les opposants aux modes de commémoration du
baptême de Clovis sont des « raclures de fonds de bidets /et de/
répugnants asticots de cimetières, grouillant et prospérant sur le
cadavre d'une société décomposée»2. Dans cette presse, on trouve
aussi des noms propres malmenés, des patronymes retravaillés :
André Glucksmann devient « André Gliicksmann » 3 ; Simone Veil
devient « Shimone Veil » 4 ; Robert Hue devient « Hue-coco » 5 ;
Annette Peulvast-Bergeal, candidate socialiste agressée par Jean-
Marie Le Pen à Mantes-la- Jolie en mai 1997, devient « Nénette
Peulvast-Bergeal»6. Le lecteur trouve aussi des jeux de mots
révélateurs des sujets de prédilection de l'extrême droite, quand la
« télévision », que l'extrême droite imagine aux mains de lobbies
juifs, devient la « T-lévy-sion » 7, ou quand la même « télévision »,
accusée par l'extrême droite de participer à une vaste entreprise de
manipulation et de falsification, devient la « télé(ré)vision » 8. On
trouve encore des réécritures de sigles, quand « CRIF », sigle usuel
de Conseil représentatif des institutions juives de France, devient
«CRIJF» dans Minute9, où est mise en valeur une judéité dont,
par principe, l'extrême droite estime qu'elle se cache ; ou quand
« PCF » devient « PC" F " » dans Rivarol 10, où est conjointement
mise en cause une forme de francité du Parti communiste français
en même temps qu'est suggéré que ce parti agit pour le compte
d'intérêts étrangers. Et puis on trouve, dans ces mêmes journaux,
une marque plus petite, une marque plus discrète, une marque peu
1. Chronique «Ma semaine» de Martin Peltier, National Hebdo, 19 mars 1998,
p. 2.
2. Interview de Jean-Marie Paupert par Eric Vatré, « Jean-Marie Paupert, l'i
ntransigeant », Les Dossiers de Minute, hors série n° 3, automne 1996, p. 33-34.
3. Camille-Marie Galic, « Le KO. des " rénos " », Rivarol, 20 mars 1998, p. 4.
4. Ibid.
5. François Brigneau, «Contre la dictature des B'naï B'rith», National Hebdo,
12 mars 1998, p. 18.
6. ADG, « Le Pen menacé ď inéligibilité : procès de Versailles ou procès de
Moscou ? », Rivarol, 27 février 1998, p. 3.
7. Tract titré Le péril juif distribué dans les Hauts-de-Seine en 1993 ; cité par
Michel Soudais, Le Front national en face, Paris, Flammarion, 1996 (coll. « Docu
ment »), p. 272.
8. « La télé(ré)vision, mode d'emploi » est le nom de la rubrique de critique des
programmes télévisés tenue dans National Hebdo par Mathilde Cruz (un des
pseudonymes utilisés par l'ancien vice-président du Front national François Brigneau,
dont le véritable nom est par ailleurs Emmanuel Allot).
9. Lettre de lecteur titrée Sémantique, rubrique « C'est vous qui le dites », Minute
— La France, 2 septembre 1992, p. 48.
10. Le sigle PCF est systématiquement guillemeté de cette façon dans l'éditorial
de Rivarol.
12 remarquable peut-être, qui apparaît ici et là, au fil des pages : la
marque (sic).
C'est de l'usage de (sic) dans la presse d'extrême droite dont il
sera question dans cet article, sur la base principale d'un corpus
constitué de douze éditions de chacun des titres suivants : les
hebdomadaires Minute1, National Hebdo2 et Rivarol3, et le
quotidien Présent4. Parmi les quelque 300 périodiques5 qui expri
ment, sur des modes divers, des opinions d'extrême droite, ces
quatre titres appartiennent à la courte liste de ceux qui s'adressent
à un public relativement large et dont la diffusion est assurée en
kiosque (en non pas uniquement par abonnement ou voie militante).
Dans ces journaux, la marque (sic) nous intéressera en tant qu'elle
est une marque d'implicite, et spécifiquement en tant
constitue une forme de vacance argumentative. On verra en effet
comment (sic) est une marque qui ouvre une place prête à accueillir
une thèse, mais qui laisse cette place vacante : c'est la thèse
manquante qui est implicite, et qu'il appartient alors au lecteur de
reconstituer. On verra aussi comment, plus largement, l'usage de
1. Lancé en 1962 pour s'opposer à la politique du général de Gaulle et défendre
la cau