Vous avez dit « délocutif » ? - article ; n°80 ; vol.20, pg 99-124
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Description

Langages - Année 1985 - Volume 20 - Numéro 80 - Pages 99-124
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 85
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pierre Larcher
Vous avez dit « délocutif » ?
In: Langages, 20e année, n°80, 1985. pp. 99-124.
Citer ce document / Cite this document :
Larcher Pierre. Vous avez dit « délocutif » ?. In: Langages, 20e année, n°80, 1985. pp. 99-124.
doi : 10.3406/lgge.1985.1515
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1985_num_20_80_1515Pierre LARCHER
Université de Rennes II
VOUS AVEZ DIT « DÈLOCUTIF » ?
Pour Jean-Claude Anscombre
O. Les quelques remarques qui suivent s'originent dans une enquête menée sur les
« délocutifs » d'une langue « exotique » (par rapport aux habitudes d'exemplification
des linguistes) : l'arabe. Le problème, ici, n'est pas d'en trouver, mais bien plutôt de
mettre un peu d'ordre dans une apparente pléthore ! Qu'on en juge : pour une même
« locution », par exemple juciltu fidâ-ka (litt. je sois fait ta rançon ! ) — dont on
notera au passage qu'elle est syntaxiquement une phrase et n'est assimilable à une
« locution » que parce que, sémantiquement, une telle phrase n'a en fait qu'un
emploi : c'est une formule d'« hommage » — , grammairiens et lexicographes class
iques et post-classiques1 ne citent pas moins de trois expressions « délocutives », à un
titre ou à un autre : le nom al-jacfada, paraphrasé par « (citation de) l'expression
juciltu fidâ-ka » 2, le verbe faddâ-hu et la locution verbale fadâ-hu bi-nafsi-hi,
paraphrasés par « dire à quelqu'un : juciltu fidâ-ka » 3. Bien entendu, un tel triplet
ne m'intéresse que parce que chacun de ses éléments est prétexte à formuler une cri
tique ou à poser une question au sujet de la « délocutivité », sous ses différents
« avatars » ; pour la commodité du rédacteur, sinon celle du lecteur, on entendra
désormais par DB, DF, DG, DL respectivement : benvenistienne, for
mulaire, généralisée, lexicale (Anscombre, 1979a et b, 1980, 1981).
1. Encore la DB !
Point n'est besoin d'être arabisant pour observer que, des trois expressions préci
tées, la première est en rapport formel avec la totalité de la « locution », alors que les
deux autres ne sont dans un tel rapport qu'avec l'un de ses éléments, en l'espèce le
nom fidâ ' 4 — ce qui ne suffit pas à faire de la première un « délocutif » et encore
moins de la troisième un « dénominatif », même si la deuxième peut être assez juste
ment appelée un « dénominatif de sens délocutif ».
1. Par cette périphrase un peu laborieuse se trouve borné l'essentiel de la production pro
prement linguistique « traditionnelle » de langue arabe, qui s'étend sur une dizaine de siècles et
dont les deux moments de grâce sont, pour la période classique, les VIIIe-Xe siècles, et pour la
période post-classique, les XIIIe-XIVe siècles. Je m'y référerai souvent ici.
2. Sous sa forme complète, cette paraphrase est donnée,. entre autres, par un intéressant dic
tionnaire thématique du XIe siècle, le Fiqh al-luga d'al-/acâlibî. Sous sa forme simplifiée, elle
figure dans une vaste compilation lexicologique du XVe siècle, le Muzhir ff-ulûm al-luga d'al-
Suyûtî.
3. Cités l'un et l'autre à l'article F-D-Y du Lisân al-cArab d'Ibn Manzûr (XIVe siècle) : il
s'agit du plus grand dictionnaire classique de langue arabe.
4. Fidâ' et fidâ ne sont que deux variantes d'un seul et même nom.
99 et lexicographes citent une vingtaine 5 de verbes et/ou 6 de noms Grammairiens
correspondants, i.e. lexicalement reliés — sans que l'on puisse pour autant produire
d'argument décisif permettant d'ordonner leur relation dans un sens plutôt que
l'autre — qui, à l'instar ďal-jacfada, présentent cette particularité d'être formés sur
l'ensemble d'une « locution », par « collision » des éléments la constituant, ladite
« locution » coïncidant segmentalement avec une phrase ou un syntagme, nominal ou
prépositionnel : e.g. hamdala = dire al-hamdu li-llâhi (Louange à Dieu !),
sabhala = dire subhâna-llâhi ( = Gloire à Dieu ! ), basmala = dire bi-smi-llâhi (Au
nom de Dieu ! ) etc.
Pour spectaculaires — et incontestables — que soient de tels exemples, ils n'auto
risent pas pour autant à introduire une catégorie comme celle de « délocutif » dans la
composante proprement morphologique d'une théorie lexicale. Une telle introduction
ne se justifierait que si la forme lexicale dont ils relèvent — faclala, pour lui donner
son nom métalinguistique traditionnel — ne servait à former que des « délocutifs ».
Ce n'est pas le cas. Partant, ceux-ci apparaissent comme un cas particulier — et par
ticulier sur le plan sémantique — d'un processus beaucoup plus général sur le plan
morphologique et que l'on manquerait — ce qui serait d'autant plus dommage
qu'une, deux et même trois généralisations sont ici possibles.
La première — et la moins intéressante ! — est qu'une telle forme sert à dériver
à partir d'une base supérieure à un mot : syntagme ou phrase. Si la base est une
phrase, l'interprétation du dérivé est, certes, automatiquement « délocutive », mais si
elle est un syntagme, son interprétation est tantôt « délocutive » et tantôt « dénomin
ative » : sur le plan strictement morphologique, il n'y a en effet aucune différence
entre un verbe comme rasmala ( = capitaliser) et un verbe comme sabhala, dérivés
l'un comme l'autre d'un syntagme nominal de même structure — un N ayant pour
Dét un SN (génitif adnominal) ; il se trouve simplement que ra's mal est un
syntagme « lexicalisé » 7, alors que subhâna-llâhi, lui, n'a pas d'autre emploi que
« locutionnel ». La meilleure façon de montrer que la « délocutivité » n'a aucune
consistance morphologique, mais, à première vue, une très grande pertinence sémant
ique, serait de trouver deux dérivés d'un même syntagme, l'un de sens « délocutif »
et l'autre non. Un tel exemple existe : c'est le français alerte, synthémisation du SP
à Verte, qui, comme substantif, fait (en diachronie, bien sûr) allusion à l'emploi for
mulaire de ce SP, constituant un appel à la vigilance, alors que, comme adjectif,
il est, bien plus vraisemblablement, le résultat d'une double réinterprétation sémanti
que et formelle de ce même syntagme dans le contexte être (ou se tenir) à Verte
— contexte, où, distributionnellement, se rencontrent des adjectifs — à travers un
emploi métaphorique de ce prédicat : dire de quelqu'un (qui n'est pas soldat) qu'il
est ou se tient à l'erte revient à dire qu'il est dans l'état d'un soldat qui est ou se tient
à l'erte, i.e. « vigilant » (sens classique de l'adjectif) : cf., pour une réinterprétation
sémantique du même type, être sur la brèche.
La seconde généralisation possible, bien plus intéressante que la précédente, est
que la forme faclala sert en fait à dériver d'une base autre qu'un mot triconsonatique
(ou plus exactement : à radical triconsonantique), mais la base peut parfaitement être
un mot biconsonantique redoublé ou un mot quadrieonsonan tique, primaire ou
5. La liste la plus complète est dans le Muzhir, déjà cité.
6. Le verbe, assez souvent, ne paraît pas « attesté » et j'ai, un moment, songé à utiliser
cette apparente absence comme argument pour dériver le nom de la « locution » et le verbe,
quand il est cité, du nom. J'y ai maintenant renoncé !
7. A côté du syntagme ra s mal et du pluriel syntagmatique ru 'us amwâl, on trouve d 'ai
lleurs également dans la langue moderne le « synthème » ra'smâl, auquel correspond le pluriel
rasâmîl.
100 c'est-à-dire basique ou lui-même dérivé d'un mot triconsonantique (à tout secondaire,
le moins : lexicalement relié à lui) 8.
Là encore, il n'y a aucune différence, sur le plan morphologique, entre un verbe
comme taqtaqa = faire (le bruit) taq taq et un verbe comme sahsaha bi-hi = faire
sah sah, pourtant paraphrasé par &#

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