Pour une réévaluation de la critique d art de Gautier - article ; n°1 ; vol.55, pg 401-421
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 2003 - Volume 55 - Numéro 1 - Pages 401-421
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Wolfgang DROST
Pour une réévaluation de la critique d'art de Gautier
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2003, N°55. pp. 401-421.
Citer ce document / Cite this document :
DROST Wolfgang. Pour une réévaluation de la critique d'art de Gautier. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 2003, N°55. pp. 401-421.
doi : 10.3406/caief.2003.1509
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_2003_num_55_1_1509POUR UNE REEVALUATION
DE LA CRITIQUE D'ART DE GAUTIER
Communication de M. Wolfgang DROST
(Université de Siegen)
au LIVe Congrès de l'Association, le 10 juillet 2002
« Ce goût inné de la forme et de la
perfection dans la forme devait néces
sairement faire de Théophile Gautier
un auteur critique tout à fait à part.
Nul n'a mieux su que lui exprimer le
bonheur que donne à l'imagination la
vue d'un bel object d'art, fût-il le plus
désolé et le plus terrible qu'on puisse
supposer »
Charles Baudelaire (1).
Gautier a été un des rares critiques d'art qui ont rendu
régulièrement compte de l'art contemporain pendant un
laps de temps très long — de 1832 jusqu'à 1872, donc du
romantisme jusqu'au début de l'impressionnisme. Ses
articles présentent une source précieuse pour les histo
riens de l'art autant que pour les littéraires (2). Pourtant
(1) Baudelaire, « Théophile Gautier » dans : Oeuvres complètes, Gallimard
(Pléiade) t. II, 1976, p. 122 sq. Article paru dans L'Artiste, 13 mars 1859.
(2) Ses comptes rendus des Salons font l'objet d'un projet de publication par
une équipe dont les membres sont Marie-Hélène Girard (Université d'A
miens), Cassandra Hamrick (Saint Louis University), Karen Sorenson (Aus- 402 WOLFGANG DROST
on voit souvent le mérite de Gautier critique d'art surtout
dans ses dons de poète et la force évocatrice de sa plume.
Avec une pointe d'ironie, Sainte-Beuve admire son « sys
tème de transposition » : Gautier « réduit un tableau à
l'article... Ce sont là de ces comptes rendus qui parlent et
qui vivent » (3). En 1855, Delacroix juge sévèrement
Gautier, verdict d'autant plus grave que le peintre a été
expert en théorie d'art. Il reconnaît le poète « prend
un tableau, le décrit à sa manière, fait lui-même un
tableau qui est charmant, mais il n'a pas fait acte de véri
table critique ». Selon Delacroix, Gautier restreint son acti
vité de à « son but d'écrivain curieux, et je crois
qu'il ne voit pas au-delà. [...] Il n'y aura ni enseignement
ni philosophie dans une pareille critique » (4). L'éminent
historien Emile Faguet enfin, dans son Dix-Neuvième
Siècle, condamne avec une brutalité aussi étonnante qu'in
juste la critique d'art de Gautier : « Le fond était nul. Pas
une idée » (5).
Parmi les contemporains, et non les moindres, il y en a
beaucoup qui apprécient ses qualités. Du Camp rend
hommage à Gautier, « le grand maître es critiques artis
tiques » (6). Baudelaire reconnaît à juste titre que Gautier
fut un des médiateurs de l'art contemporain pour ceux
qui n'avaient pas la possibilité de voir de leurs propres
tin Peay State University), Stéphane Guégan (Musée d'Orsay), James Kearns
(University of Exeter), Francis Moulinât (Paris) et Wolfgang Drost (Universi-
tàt Siegen).
(3) Nouveaux Lundis, VI, Paris, Calmann éditeurs, 1894, p. 318. Je renvoie au
premier chapitre de mon introduction « Gautier critique d'art en 1859 » :
« L'Esthétique de l'empathie et les prétendues contradictions de Gautier »
dans Th. Gautier, Exposition de 1859, édition illustrée de 217 reproductions,
annotée par W. Drost et U. Henninges, Heidelberg, Universitàtsverlag Wint
er, 1992.
(4) Delacroix, Journal publié par Paul Fiat, Paris, Pion, t. III, 1926, p. 40.
Entrée du 17 juin 1855. Quelques mois plus tard, le 22 septembre 1855, Dela
croix écrira une lettre de remerciement dans laquelle il lui rend justice de l'
avoir défendu autrefois « à peu près seul » (t. II, p. 131).
(5) Faguet, Dix-Neuvième Siècle. Etudes littéraires. Paris, Boivin, 1949, p. 213.
La préface est datée de 1887.
(6) Maxime Du Camp, Le Salon de 1859, Paris, Bourdilliat, 1859, p. 104. GAUTIER CRITIQUE D'ART 403
yeux. « II remplit, depuis bien des années, Paris et la pro
vince du bruit de ses feuilletons ». Les lecteurs attendent
« impatiemment » « ses comptes rendus des Salons, si
calmes, si pleins de candeur et de majesté », qui « sont des
oracles pour tous les exilés qui ne peuvent juger et sentir
par leurs propres yeux. Pour tous ces publics divers,
Théophile Gautier est un critique incomparable et
indispensable » (7).
Que faut-il conclure de ces jugements divergents ?
Dans l'esthétique de Gautier, il y a deux points de
répère constants : son amour de l'antiquité grecque
qu'Anne Ubersfeld lui a reproché comme une sorte de
nécrophilie (8), et l'exclusion de l'art social. Paolo Torto-
nese constate que « personne n'a encore trouvé la formule
idéale pour saisir le vrai Gautier, pour le résumer, pour
exprimer sa complexité » (9). Si je ne puis présenter une
formule idéale pour caractériser Gautier critique d'art, je
voudrais cependant essayer de jeter un peu de lumière
sur cette complexité étonnante. Je le ferai en deux parties :
la première évoquera le contexte historique et les
contraintes d'un critique d'art ; dans la seconde, je me
propose d'analyser quelques échantillons de ses réflexions
sur des artistes pour mettre au point sa méthode.
*
* *
Les journalistes et critiques d'art étaient chargés par les
journaux et revues pour lesquels ils travaillaient de rendre
compte des événements culturels dans la capitale. Ils
avaient à présenter les abondantes découvertes archéolo
giques du monde antique, de la Grèce, de l'Egypte, de
(7) Œuvres complètes, t. II, op. cit., p. 104 sq.
(8) Conférence d'Anne Ubersfeld au Musée d'Orsay, citée par Paolo Torto-
nese, « Gautier classique, Gautier romantique : vanité d'une opposition »,
48 Д4. La Revue du Musée d'Orsay, n° 5, automne 1997, p. 58-64, ici p. 58 sq.
(9) Ibidem, p. 58. 404 WOLFGANG DROST
l'Empire Romain avec Pompéi (10), de l'Assyrie avec
Khorsabad dont des œuvres et même des parties de
monuments étonnants entraient au Louvre. D'autre part,
ils devaient faire des introductions aux différentes civil
isations du monde entier qui avaient été rendues accessibles
au grand public par l'institution des expositions univers
elles à Londres en 1851, à Paris en 1855 et 1867, à Vienne
en 1873. Même si au siècle des Lettres Persanes, les Indes et
la Chine étaient présentes dans la littérature et les beaux-
arts, ce n'est que du temps de Gautier qu'elles furent pré
sentées concrètement et dans une éclatante mise en scène,
dans de splendides Palais d'exposition.
Il y a un troisième facteur extrêmement important : la
situation de l'art du XIXe siècle, qui nécessitait une largeur
de vue particulière de la part des journalistes. Pour la pre
mière fois dans l'histoire, il y a une richesse extraordinaire
de styles simultanés et de mouvements qui s'entrecroisent
ou qui se suivent à une cadence jusqu'alors inouïe. Au
lieu d'un seul style dominant un siècle comme pour la
Renaissance ou le classicisme, il y a le romantisme et le
néo-classicisme avec Ingres et Delacroix, le réalisme avec
Courbet, ensuite l'impressionnisme à côté du symbol
isme, Manet et Monet à côté de Moreau et de Puvis de
Chavannes. C'est cette situation complexe qui se reflète
jusqu'à un certain point dans les oscillations de Gautier qui
laissent parfois perplexes les amateurs du poète.
Car le métier demandait à Gautier et à ses confrères d'ê
tre des initiateurs du grand public à des domaines jus
qu'alors inconnus. Cette fonction leur recommandait une
attitude conciliante qui correspondait du reste bien au
naturel de Gautier, homme du monde voulant ménager la
susceptibilité des artistes quand il s'agissait d'œuvres
c

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