Raymond LHERBIERE   Journal de Guerre
125 pages
Français

Raymond LHERBIERE Journal de Guerre

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Description

Voici un document rédigé par Raymond LHERBIERE, mobilisé dès le début de la seconde guerre mondiale, puis fait prisonnier,qui, par ses écrits, apporte un témoignage personnel, direct, saisissant, sur cette période capitale de l'histoire contemporaine.

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Publié par
Publié le 10 avril 2014
Nombre de lectures 69
Langue Français
Poids de l'ouvrage 26 Mo

Extrait

 RaymondLHERBIERE ,
 prisonnier de guerre.
 Portraitremarquable par sa ressemblance,  dessinéau crayon par un camarade  prisonnier,R. BEAUGE,  auStalag XII D à Trèves,  17avril 1941.
- Récitautobiographique -
AVANT - PROPOS _______
Raymond LHERBIERE, instituteur à Saint-Marcel dans l'Indre, a 40 ans quand il est mobilisé en septembre 39 au grade de Maréchal des Logis, 41 ans quand il relate par écrit la reddition en juin 40, au Bois de Charmes, dans les Vosges, de son régiment, le 141èRégiment d'ArtillerieLourde hippo et le début de sa captivité au camp de Forbach en Moselle puis au Stalag XII D à Trèves en Allemagne. Ces pages, ignorées, oubliéesdans les tiroirs d'un joli secrétaire, héritage familial, furent redécouvertes en 2008 et retranscrites le plus fidèlement possible, jusque dans ses format et lignage, en 2010/2011. Le récit se présente sous la forme de deux cahiers d'écolier dont la pratique était bien sûr familière à l'enseignant qu'il était. Ces deux cahiers sont recouverts de sa graphie régulière, au crayon à mine, appliquée d'abord, plus difficile à déchiffrer ensuite, peut-être en raison de la fatigue et de l'inconfort. Y sont jointes deux cartes topographiques signalant les cantonnements du régiment. La relation, très maîtrisée, comporte trois parties : '' I- Notre Odyssée du 12 juin au 26 juin 1940. '' '' II - Camp de Forbach, 27 juin - 5 août 1940.'' '' III- Camp de Trèves, 5 aout au 21 août 1940.'' Elle se termine par le brouillon assez peu lisible d'une requête au commandant du Stalag XII D de Trèves.
Quelles raisons ont poussé l'Oncle à rédiger ce texte au fur et à
mesure que les événements se déroulaient ? Qui est le destinataire de
ces pages, peut-être son épouseSimone?
Certes, il avait le sentiment d'être acteur de l'Histoire. En témoigner lui a paru essentiel. Dès le premier titre, il définit son projet : ''relation objective de la chronologie des faits'',ce qu'il fit. Cependant, son discours est largement teinté de ses opinions, de ses sentiments ; les faits sont éclairés par son ressenti, sa sensibilité, son analyse. Là, se trouve aussi la raison de ces cahiers : un besoin
vital d'écrire non seulement pour témoigner, mais aussi pour supporter l'intolérable. On devine sa crainte de sombrer dans la déprime et la ''déchéance''. Les mots appliqués à la souffranceet au chagrin ont été salvateurs.
Lire ce texte mène à la rencontre d' un homme qui, dans l'adversité la plus effroyable, tente, tout en assurant la survie de ses compagnons et la sienne, de conserver lucidité, dignité et sens de l'honneur : - un patriote pour lequel la reddition, la débâcle, l'exil et la captivité  sontpénibles, honteux, humiliants, révoltants ; - un homme solidaire pour lequel l'entraide, l'amitié, la fraternité  sont desvaleurs humaines, morales, essentielles pour survivre ; - un être fidèle à ses idéaux, qui continue coûte que coûte à espérer  en songeant à son épouse Simone, à sa famille, à sa maison,  à son pays natal, à la France.
... Un Homme qui chérit la Liberté... Cet homme qui a connu tout jeune la déflagration de la 1ère guerre mondiale, qui a été mobilisé en novembre 1918, qui a subi plusieurs campagnes militaires jusqu'en juin 1921, se retrouve dans la tourmente de la 2ème guerre mondiale ! Au-delàde l'émotion et de la compassion que suscite son récit véridique, il est étonnant de constater combien il ne s'en laisse pas conter. L'âge mûr, l'expérience, l'idée qu'il se fait de la France lui permettent d'envisager les événements et les coups du sort avec un regard critique. A bien des égards, son analyse, remarquable car effectuée ''in situ'', donne à réfléchir non seulement àl'historien, mais aussi au citoyen : n'apporte-t-elle pas un éclairage troublant, par certaines analogies, sur les mécanismes,turpitudes et politiques de l'époque  confuseque nous traversons ?
Ainsi, ce récit touche profondément, d'autant que le style est riche, fourni de belles descriptions de paysages ou de portraits, émaillé de rappels historiques ou de visées philosophiques dus à sa grande culture classique d'instituteur formé à l'Ecole de la République, nuancé de touches émouvantes ou humoristiques, fruits d'un esprit observateur  quise connaissait bien lui-même.
D. ROULET, petite-nièce deRaymond LHERBIERE.
I- Notre Odyssée : du 12 Juinau 26 Juin 194O
Relation objective etchronologique defaits vécus. ___________________________________________12 juinNous sommes à Vigy, à l'Intendance des E.O.C.H.G. où nous devons présenter, parfaitement en règle, selon l'usage, situation administrative, feuilles de prêt, feuille d'émargement et toutes autres pièces comptables. Nous trouvons les bureaux sens dessus
dessous, les secrétaires affairés et indifférents à notre paperasserie,
les chefs soucieux et démoralisés. La situation serait-elle
devenue subitement sérieuse ? L'Intendance envisagerait-elle
son repli ? Dans une pièce voisine, deux EOCA entassent
déjà de volumineux dossiers dans des caisses immenses. Nous apprenons que les payeurs doivent partir le soir même. Pour quelle destination ? Ils l'ignorent eux-mêmes.  Noussommes surpris de trouver une telle panique dans une formation cantonnée relativement loin du front.  Jesaute dans la camionnette et je file en hâte vers Hombourg, position de la B.120. En traversant les bois de Bettelainville, je croise nos 3 batteries qui ont fait mouvement durant la nuit; elles ont abandonné
précipitamment leurs positions, laissant sur place,
les réserves de munitions. A Hombourg, la B.120 tire sans arrêt
depuis le matin; je règle quelques questions et, pour retourner
à Vigy, je fais un crochet par le P.C. du III/141. Pauvre P.C. !
On a chargé à bloc toutes les voitures disponibles et cependant
la plupart du matériel doit être abandonné. Pourtant, quel mal
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ne s'était-on pas donné pour l'amener de Gondreville, matériel encombrant, inutile surtout, et que des officiers prévoyants n'auraient pas dû acquérir.  Petitealtercation avec le Commandant qui me reproche d'avoir perçu 3 journées d'avance de vivres. L'avenir immédiat démontrera que j'avais pris une initiative heureuse.  Enrentrant à Metz, nous dépassons de nombreuses colonnes d'infanterie qui descendent du front et font route vers le Sud. Décidément, la situation me semble sérieuse.
13 JuinJournée de fièvre que nous employons à préparer minutieusement Ancynotre départ. De nombreux avions allemands, des bombardiers, sont signalés à l'ouest, venant du Luxembourg et remontant la vallée de la Meuse; il semble que le front se soit subitement déplacé vers le sud et que les Allemands longent maintenant l'Aryonne. Des bruits courent Je ren-concernant une traversée du Rhin, à hauteur de Neuf-Brisack. -contre Depuisquelques jours, on ne voit plus aucun avion français M. Gauthiernotre ciel lorrain. La base de Trescaty a dans déménagé la veille. Allons- nous être pris dans une
Souricière, faits prisonniers sans combattre ? A cette pensée,
Cérémonie tempête, frappe la table de son poing, peste contre
notre p... de régiment et parle sérieusement d'entrer dans
une batterie de 75.
- p 2 -
Au soir,nous faisons mouvement vers Ars / Moselle où
nous devons passer la nuit. Après des heures de pourparlers,
le campement ne peut trouver de cantonnements suffisants
et, sur l'initiative du Lt Luneau, nous poussons jusqu'à
Ancy-Rocqueville. Là, réception aimable du maire et de la population. A 10 h. du soir, tous les hommes ne sont pas encore logés.  Lelendemain, nous apprenons que l'Intendance de Moulins a été abandonnée et livrée au pillage. La camionnette part pour ramener du butin et moi, je la suis, monté sur maMonnet-Goyon. Je n'ai pas fait 400 m qu'apparaissent
brusquement des avions allemands, et pendant un
quart d'heure, ce sont des rafales de mitrailleuses et des bombes à sirène qui s'abattent sur notre cantonnement.  Tandisque je file vers Moulins, une bombe à retardement éclate à 200m de moi et projette alentour des mottes de gazon. Je pédale alors de toute la force de mes muscles vers des lieux plus hospitaliers.  Quelledésolation à Moulins ! Tout y est abandonné. Les civils ont pénétré àl'intérieur de la Coopé et dévalisent à qui mieux mieux ; les bouteilles de Champagne volent de main en main
et les boîtes de conserve. Un tas de vêtements tout neufs,
arrosé de pétrole, brûle avec une fumée épaisse en dégageant
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une acre odeur. Nous emplissons notre camionnette : deux
demi fûts de vin, des boîtes de conserve, des sacs de haricots, des pâtes ... et nous n'oublions certes pas les bouteilles de vins fins !  Surle chemin du retour, quel désordre, quelle panique ! C'est un enchevêtrement inouï de véhicules de toutes sortes et de toutes provenances : lourds camions de l'armée, voiturettes d'infanterie, matériel d'artillerie, side-cars,
bicyclettes, motos, chars de paysans emportant des
grappes humaines, pauvres réfugiés à pied ayant au dos un léger ballot de choses précieuses, mamans poussant dans des voitures d'enfant des bébés recrus de fatigue.  Età tout ce monde, il est impossible de faire entendre raison, chacun veut fuir, fuir vers ce sud où l'on entrevoit la délivrance, la fin du cauchemar.  Lesoir, quand notre groupe fera mouvement pour Jézainville, il devra s'intégrer dans ce flot hétéroclite, se laisser porter par cette masse informe, sans pouvoir esquisser la moindre indépendance de manœuvre.  Ah! Si les bombardiers ennemis nous avaient vus ! ... ou avaient voulu nous anéantir !  Spectacledéchirant que cette retraite qui ressemblait
- p 4 -
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