Crise des dettes souveraines : la zone euro dans la tourmente
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Avec la mise en place de l’euro, les ajustements au sein de l’Union monétaire, face à des chocs asymétriques, sont
devenus plus complexes.

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Publié le 14 février 2013
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Langue Français

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LNA#59/chroniques d'économie politique coordonnées par Richard Sobel
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CrIse Des DeTTes sOUveraInes : la zOne eUrO Dans la TOUrmenTe
ParVIncenT duWiCQuEt Maître de conférences en économie à l’Université Lille 1, chercheur au Clersé (UMR 8019 CNRS)
Avec la mise en place de l’euro, les ajustements au sein de l’Union monétaire, face à des chocs asymétriques, sont devenus plus complexes. Depuis 1999, les divergences dans les évolutions des différents pays européens ont été plus importantes qu’il n’était généralement attendu. Le ralentissement aprÈs 2001, comme la crise financiÈre de 2007-2008, n’ont pas touché les pays de la même façon. La « crise grecque » a montré la fragilité du fonctionnement de la zone euro. Cette crise a révélé les incohérences macroéconomiques et politiques caractérisant la zone, si bien qu’un scénario de sortie de la zone euro d’un ou de plusieurs pays n’est plus considéré comme fantaisiste. Un tel contexte a redonné de l’actualité aux questions traditionnelles posées par le fonctionnement d’une Union monétaire, en particulier par les mécanismes d’ajustement face à des évolutions asymétriques.
L’importance des déséquilibres structurels à l’inté-rieur de la zone euro
La zone euro est aujourd’hui constituée de dix-sept pays aux tailles et structures économiques hétérogènes. La poli-tique monétaire commune ne peut être adaptée à tous. Par conséquent, des divergences réelles apparaissent. Cette hétérogénéité est bien illustrée par les déséquilibres exté-rieurs croissants qui caractérisent la zone euro. La position extérieure nette (graphique 1) décrit la situation d’un pays vis-à-vis du reste du monde. Lorsque la position est posi-tive (cas des Pays-Bas, de l’Allemagne ou de la Belgique), cela signifie que le pays est créancier vis-à-vis du reste du monde, tandis qu’une position négative indique que le pays est débiteur vis-à-vis du reste du monde (cas de l’Irlande, de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne et dans une moindre ampleur de l’Italie, la France et la zone euro dans son ensemble).
Position extérieure nette en pourcentage du PIB
Source :Eurostat, Bundesbank. Les données correspondent à la fin du quatrième trimestre 2010 pour la zone euro et l’Allemagne et à la fin du premier trimestre 2011 pour les autres pays.
Au niveau de la zone euro dans son ensemble, la position extérieure nette est proche de l’équilibre. En revanche, à l’intérieur de la zone euro, les déséquilibres sont consi-dérables. Les pays d’Europe du Sud (Grèce, Portugal et
Espagne) souffrent d’une dette extérieure très importante (80 % du PIB pour l’Espagne et 100 % du PIB pour la Grèce et le Portugal), qui s’explique en partie par une valeur de l’euro trop élevée par rapport aux autres monnaies internationales. En 2010, l’euro serait surévalué de 26 % en Grèce, de 22 % au Portugal, de 21 % en Espagne et de 14 % en France, mais sous-évalué en Allemagne et aux Pays-Bas, respectivement de 17 % et de 5 %. Cet euro « trop fort » pour les pays du Sud (dont la France) défavorise les expor-tations et la croissance alors que celle-ci est stimulée dans les pays comme l’Allemagne où près de 75 % des excédents commerciaux se font vis-à-vis des autres pays de la zone euro. Depuis l’euro, le coût unitaire relatif (par rapport à la zone euro) de la main d’œuvre a augmenté dans les pays du Sud (+ 40 % en Grèce, + 25 % en Italie et en Espagne, + 12 % au Portugal et + 4 % en France), mais diminué en Allemagne (- 10 %), en Autriche (- 10 %) et en Finlande (- 18 %). Une telle situation a défavorisé les exportations et favorisé les importations du Sud (et donc les exportations du Nord, en particulier de l’Allemagne), ce qui a contribué à dégrader la balance courante et augmenter la dette des pays du Sud tandis que le phénomène inverse s’opérait au Nord.
Comment les pays de la zone euro peuvent-ils faire face aux chocs asymétriques ?
Pour faire face aux chocs asymétriques, les pays de la zone euro sont aujourd’hui privés de deux mécanismes d’ajuste-ment : le taux de change et les transferts budgétaires. Géné-ralement, à la suite d’un choc négatif sur la production d’un pays donné, la monnaie de ce pays se déprécie, permettant à terme de relancer les exportations et de rétablir le niveau de la production. En Union monétaire, cet ajustement n’est plus possible. Pour autant, un ajustement efficace peut se mettre en place entre des régions (pays) ayant adopté une monnaie unique. Aux États-Unis, un budget fédéral permet de stabi-
chroniques d'économie politique coordonnées par Richard Sobel/LNA#59
liser les chocs asymétriques entre les États américains. Entre les pays de la zone euro, aucun mécanisme budgétaire n’a été créé. Cette absence de solidarité budgétaire est problé-matique dans la mesure où la mobilité du travail est faible au sein de la zone euro. Dans ce contexte, l’ajustement par les prix et les salaires est privilégié. En théorie, une baisse des salaires qui se diffuserait aux prix permettrait de gagner en compétitivité et de stimuler les exportations et donc la croissance. Mais cet ajustement est coûteux en termes de croissance et d’emploi, comme l’ont illustré les cas français et allemand depuis les années 1980. Outre la flexibilité des prix et des salaires, les autorités européennes encouragent l’approfondissement de l’intégration financière intra-zone comme facteur de stabilisation des chocs asymétriques. Le risque macroéconomique serait alors partagé à travers les marchés financiers plutôt que par l’instauration d’un bud-get fédéral. Mais ce partage ne peut se faire efficacement sans régulation politique. La crise financière de 2007-2008 a mis en lumière l’instabilité intrinsèque des marchés finan-ciers. De plus, l’intégration financière a été un vecteur de diffusion des chocs en Union monétaire, notamment en transférant la récession entre les pays.
Comment sortir de la tourmente ?
La crise financière de 2007-2008 a aggravé la situation de la zone euro dans la mesure où le secteur public a pris en charge les coûts de la crise. La hausse de la dette publique, jugée trop importante par les marchés financiers, a été sanc-tionnée par un financement plus couteux (hausse des taux d’intérêt sur les dettes souveraines), devenu insoutenable pour les pays les plus fragiles de la zone euro. La Grèce fut la première en difficulté (printemps 2010) avant l’Irlande (Automne 2010) et le Portugal (Printemps 2011). Le cas irlandais est cependant plus atypique. L’Irlande étant un pays très ouvert, elle a été très fortement touchée par la crise financière, en particulier via son secteur bancaire. Comme le montre le graphique 1, la position extérieure nette était à l’équilibre en 2006 et s’est dégradée à -170 % du PIB en 2011. Cependant, l’Irlande pratique un taux d’imposition sur les sociétés très bas (12,5 % contre 34 % en France, 31 % en Italie et 30 % en Allemagne et en Espagne) et est très dépendante de la conjoncture mondiale, ce qui lui permet d’attirer les capitaux étrangers. Les politiques d’austérité salariale et budgétaire menées en Irlande en 2010 ont eu un effet bénéfique sur la balance courante en redressant les exportations et la croissance. Au second trimestre 2011, le
PIB a progressé de 1,6 %. À en croire ces performances, l’Irlande serait donc l’exemple à suivre pour les pays du Sud de l’Europe. Néanmoins, le constat du plan d’austérité irlandais n’est pas si flatteur : le taux de chômage culmine toujours à 14 % et la consommation des ménages est atone. Comme nous l’avons déjà souligné, le coût social d’un ajustement par les salaires et les prix relatifs demeure consi-dérablement élevé (baisse de pouvoir d’achat, augmentation de la précarité, hausse du chômage), même pour les pays très ouverts. Ce type d’ajustement, mis en place au Portugal et en Grèce, sera encore plus néfaste sur la demande interne dans la mesure où ces deux pays sont bien moins ouverts que l’Irlande. Les degrés d’ouverture en 2011 de la Grèce et du Portugal sont respectivement de 26 % et 36 % alors que l’Irlande affiche un degré de 96 %. La France, l’Italie et l’Espagne ont eux un degré d’ouverture inférieur à 30 %. Pour ces pays (Grèce, Portugal, Italie, Espagne, France), les attentes liées à la reprise des exportations ne suffiront pas à faire contre-poids à la récession cumulative entretenue par les plans de rigueur qui bloquent la croissance et ne permettent pas de réduire les dettes et le chômage.
Les plans d’aide à la Grèce qui se succèdent illustrent bien l’incomplétude de la zone euro. Sans mécanisme budgétaire au niveau de l’ensemble de la zone euro (impôts et transferts budgétaires comme cela est le cas aux États-Unis), les désé-quilibres intra-zone ne pourront être corrigés, augmentant ainsi le risque d’éclatement de la zone. Sans une véritable solidarité, cette situation de « crise » perdurera en condam-nant les pays en difficulté à s’ajuster nationalement par des politiques restrictives désastreuses en termes d’emploi, de bien être et de croissance économique.
Bibliographie
Aglietta M., Berrabi L.,Désordres dans le capitalisme mondial, éd. Odile Jacob, 2007. Brender A., Pisani F.,Les déséquilibres financiers internationaux, éd. La Découverte, coll. Repères, 2007. Cordonnier L.,des ToambapiksL’ économie, éd. Raisons d’Agir, 2010. Mazier, J.,Les grandes économies européennes, éd. La Découverte, coll. Repères, 1999.
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