Vive la République !
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  • exposé
V i v e l a R é p u b l i q u e ! 1 2 u'y a-t-il de commun entre la vie politique française du début du xxie siècle et la succession des régimes politiques – de caractère monarchiste, républicain ou impérial – que la France a connue au xixe siècle et dont les aléas ont inspiré les dessins les plus percutants de Daumier ? Lui, dont l'œuvre est l'expression même d'un engagement sans faille pour la République, ne trouverait-il pas notre paysage politique métamorphosé ? N'y verrait-il pas le triomphe éclatant de ses idées ? Sans doute.
  • véritable débat public sur les institutions et sur l'éthique des gouvernants
  • compromis politiques successifs
  • pluralisme des courants de pensée et d'opinion
  • hommes mûrs en pleine réussite
  • gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple
  • gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple
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Langue Français
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Extrait

V i v e l a Rép u b l i q u e
n oël l e l e n o i r avocate, ancienne ministre, présidente de lAssociation des Amis dHonoréDaumier
!
1 Paru aux Éditions Hazan en1996.
uy atil de commun entre la vie politique française du début q e duxxisiècle et la succession des régimes politiquesde caractère monarchiste, républicain ou impérialque la France e a connue auxixsiècle et dont les aléas ont inspiréles dessins les plus percutants de Daumier ? Lui, dont l’œuvre est lexpression même dun engagement sans faille pour la République, ne trouveraitil pas notre paysage politique métamorphosé? Ny verraitil pas le triompheéclatant de ses idées ? Sans doute.
Dabord, il constaterait que la République désigne aujourdhui en France bien davantage quun système institutionnel. La République est véritablement la référence morale de notre pays. Les responsables
politiques français, quelle que soit la sensibilitéàlaquelle ils appartien
nent, ne se lassent pas de linvoquer au nom des valeurs qui unissent
la sociétéfrançaise. Personnifiée par Marianne, elle est la puissance bienfaitrice qui protège et rassemble les citoyens autour des valeurs deliberté,égalité, fraternité”. Car son principe, comme le proclame
encore la Constitution actuelle de1958, est legouvernement du peuple,
par le peuple et pour le peuple. Il existe uneliationévidente entre cette
République et celle de Daumier. Voyons celle quil a peinteàloccasion de sa participationàun concours organiséen1848(lannée même oùla fraternitédevient partie intégrante de la devise nationale) par
le gouvernement provisoireissu desémeutes parisiennesprésidépar Dupont de lEure, avec Lamartine aux Affairesétrangères et LedruRollin àlIntérieur (voir p.186187). Le butétait de sélectionner l’œuvre symbolisant le mieux le nouveau gouvernement pour remplacer le portrait de LouisPhilippe installéàlHôtel de Ville. DansLHistoire de France en 1 cent tableaux, Jean Lacouture note que si cette toile en forme d’ébauche
nest pas le chefd’œuvre de Daumier,cest encore un chefd’œuvre, par la puissance tranquille des formes, la sobriétédes effets, la force des indications, la gravitédu message. Daumier y représente la République sous la forme sculpturale dune femme qui serre dans une de ses mains le drapeau tricolore et donne ses seins généreuxàdeux bambins avides,
tandis qu’àses pieds un troisième enfant lit un livre. La scène donne
une impression de sérénitéet de plénitude. Elle est loin de correspondre
au destin que connaîtra cette Républiqueéphémère. Paciquementétablie en février, la République débouchera dès juin sur la répression sanglante,
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par les troupes du général Cavaignac, des mouvements populaires nés des difficultéséconomiques et sociales du moment. Pourtant cette image maternelle dune République qui nourrit et instruit est restée actuelle.
Cest bien cettegure de la République que les Français se plaisent en
effetàimaginer pourécarter le spectre de la guerre civile ou encore celui du regain du racisme, de lantisémitisme ou de la xénophobie dans notre pays. AucunÉtat au monde,àlexception peutêtre desÉtatsUnis, na fait àce point de la République, comme le suggère le tableau de Daumier, le symbole de la démocratie et de la défense des droits et libertés.
On en trouve un indice dans la Constitution française dont la seule disposition censée ne pouvoirêtre modifiée est celle qui consacre la forme républicaine du gouvernement”…
Autre sujet de satisfaction posthume pour Daumier : la libertéde la presseétait si gravement malmenéeàsonépoque quil ent luimême les frais par un séjour de six moisàSaintePélagie. Or elle est aujourdhui garantie. La loi de1881sur la libertéde la presse a connu des développements qui laissent en effet libre coursàla critique des hommes
et des femmes politiques. Loffense au Président de la République, qui
gure pourtant encore parmi les délits de presse, est tombée en désuétude.
Être dans lopposition, dans trop de pays qui ne méritent pas le nom
de démocraties, cest faire dissidence. En France, comme chez nos voisins européens, cest faire usage de sa libertédexpression. Quant aux journalistes, ils ont les moyens, sils le veulent, d’être indépendants.
Ils peuvent tourner en ridicule le pouvoir en place sans pour autant être condamnés et emprisonnés, comme le fut Daumier en1832après la publication de sa fameuse lithographie représentant LouisPhilippe
en un monstrueux Gargantua (voir ill. p.17). De nos jours, la presse peut
stigmatiser le personnel politique, voire se tromper dans ses accusations.
Le temps en France oùles journaux risquaient la saisie paraît lointain.
Certes, des pressions politiques ouéconomiques peuvent exister, auxquels cèdent certains professionnels des médias. Mais la libertéde la presse nen est pas moins reconnue comme la première de nos valeurs républicaines.
Le pluralisme des courants de pensée et dopinion est même considéré,
selon les termes du Conseil constitutionnel, comme unecondition
essentielle de la démocratie. Le problème de la presse est donc bien
différent de celui qui se posaitàl’époque de Daumier. Ce dernier avait
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V i v e l a Ré!p u b l i q u e
L a v i e p o l i t i q u e d e D a u m i e ràj o u r s n o s
2 Cette merveilleuse statue, lune des dernièresœuvres de Tim avant sa mort, est un don de lAssociation des Amis dHonoréDaumier àlAssemblée nationale (voir ill. p.74).
pu développer son art de la lithographie grâceàla toute récente diffusion de la presse grand public. Cest dailleurs le succès remportépar ses dessins qui lavait fait juger dangereux par le pouvoir. Linuence de la presse dopposition sur une population toujours prompteàdescendre dans la rue, notammentàParis, explique que les dirigeants de l’époque, quelles
que soient les bonnes résolutions affichées au départ, aientnalement tous pratiquéla censure. Les lois les plus répressives, adoptées en réaction àlattentat de Fieschi contre LouisPhilippe, furent celles de1835,
diteslois scélérates. Elles obligèrent Philipon, son rédacteur en chef,
àsaborder, après seulement cinq ans dexistence,La Caricature, lhebdomadaire dans lequel Daumier avait publiéses plus dures satires de la monarchie de Juillet. Seul subsistaLe Charivari, un quotidien, mais dans lequel Daumier se résolutàne publier que des caricatures de mœurs. Il faut se replacer dans lambiance des débuts de la monarchie
parlementaire pour mesurer limpact de laction dun Charles Philipon (homme de presse, maiségalement artiste et lithographe lui aussi). Promoteur de la célèbre imprimerie Aubert au Palais Royal, créateur de La Silhouette, puis deLa Caricatureet duCharivari, cestàlui que lon doit la vogue de la caricature politique portéeàson plus haut niveau artistique.
On lui doit surtout davoir initiéDaumieràce mode dexpression. Jamais
découragé, ni intimidépar les menaces, les amendes, les saisies, les peines
de prison, Philipon, aux côtés de Daumier, a jouéun rôle fondamental
dans l’émergence de ce que lon appelle aujourdhui lequatrième pouvoir. Cest pourquoi linstallation en2001de ladmirable statue 2 de Tim reprédans la rotondesentant Daumier dessinant Ratapoil du PalaisBourbon conduisantàla tribune des journalistes ne pouvait
être plus appropriée. Ce combat en faveur de la libertéde la presse, illustrépar la lithographie du même nom réalisée par Daumier en1834, ne peut plus se concevoir dans les mêmes termes (la presse dopinion étant dautant plus libre dailleurs que son positionnementde presse dopposition ou de soutien de la majoritéen placechange régulièrement au grédes alternances). Ses enjeux se sont transformés. Ils sont maintenant tout autantéconomiques que politiques. Le danger est
plutôtàprésent dans la concentration des médias entre les mains dun nombre insuffisant dacteurs. De sorte que par une ironie de lhistoire, àlinverse du temps de Daumier, cest lintervention– financière
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ou réglementairede l’État qui peut aujourdhui savérer nécessaire pour assurer lindépendance et le pluralisme de la presse. Sil est donc vrai que les idéaux défendus par Daumierune République vivante et une presse libresont devenus réalité, pourquoi sonœuvre nous parletil encore autant ? Pourquoi Daumier estil restéle maître incontestéde tous les caricaturistes modernes ? Comment
expliquer que ses caricatures soient les plus fréquemment reproduites,
y compris dans les livres scolaires ? Un seul coup d’œilàses dessins
politiques ouàses sculptures dhommes politiques apporte la réponse : l’œuvre de Daumier dépasse lanecdote. Daumier est aussi actuel qu’àsonépoque. Il lest simplement dune autre façon. Dépouillées de leur signication militante, ses caricatures ont la même force.Àla manière dun Shakespeare, elles illustrent en effet les travers de toute classe
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1 HonoréDaumier G a r g a n t u a La Caricature,15décembre1831 Lithographie,ld 34.2 Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie, Paris
Assis sur un fauteuil daisance, LouisPhilippe / Gargantua perçoit les impôts de ses sujets qui, au mieux, ne pourront espérer en retour que décorations et insignes honoriques. Àla suite de la publication de ce numéro, La Caricatureest interdite, et Daumier condamnéàune peine de six mois de prison avec sursis, quil purgera en1832.
L a v i e
politique, voire les dérives auxquelles le pouvoir donne inévitablement lieu. Paradoxalement, cest parce que la monarchie de Juillet sous e LouisPhilippe, laIIRépublique puis la période de lEmpire libéral de NapoléonIIIsont un préludeàla démocratie parlementaire que sa
satire de ces régimes nous semble dune telle actualité. En dénonçant
les mœurs politiques et notamment parlementaires, Daumier témoigne
de la naissance en France dun véritable débat public sur les institutions
et sur l’éthique des gouvernants. Sans aller jusqu’àparler decomédie du pouvoir, pour reprendre le titre dun ouvrage de Françoise Giroud relatant son expérience ministérielle, on voit bien,àtravers sonœuvre, le caractère parodique des joutes politiques. Daumier a représentéles parlementairesàtrois moments différents de notre histoire politique : durant la monarchie de Juillet (de1831aux lois e de censure de1835), pendant laIIRépublique (de1848à1851),àlan de e lEmpire libéral jusqu’àlavènement de laIIIRépublique (de1868à1875).
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Ségolène Le Men, dans sa contribution au catalogue de l’exposition de l’Assemblée nationale sur Daumier et les parlementaires, organisée en
1996, montre que “les trois âges de la vie [jeunesse, maturité et vieillesse] se retrouvent […] dans le point de vue de Daumier sur les parlementaires, vieillards de la monarchie censitaire montrés par le jeune rapin des années
1830, hommes mûrs en pleine réussite dépeints par un caricaturiste célèbre de la génération de1848, revenants et fantômes évoqués par un artiste vieilli, solitaire et visionnaire au tournant de1870.” Certes. Pour autant, il y a une grande continuité dans son inspiration. Refusant d’être dupe du jeu politique, ce sont des idées, plus qu’une forme déterminée de
régime politique, que Daumier défend. Ainsi, en composant à l’instigation
de Philipon les trente-huit bustes de parlementaires en terre crue (exposés au musée d’Orsay) et diverses séries de portraits-charges, Daumier ne veut pas seulement faire rire. Il veut dénoncer ceux qui, malgré leurs
talents voire leurs convictions, ont selon lui confisqué la liberté. Le buste
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2 Honoré Daumier V u e d ’ e n s e m b l e d e s “ C é l é b r i t é s d u j u s t e m i l i e u ” Terre crue coloriée Vers1831-1835 Musée d’Orsay, Paris
Dans un discours du30janvier1831, Louis-Philippe définissait ainsi son idéal du positionnement politique : “se tenir dans un juste milieu également éloigné des excès du pouvoir populaire et des abus du pouvoir royal”. L’expression fit dès lors florès. Les portraits-charges des ministres et des parlementaires paraîtront dansLe Charivaride 1832à1835.
L a v i e
3 HonoréDaumier M r. G u i z . La Caricature,13décembre1833 Lithographie Musée dOrsay, Paris
François Guizot (17871874), ministre de lIntérieur en1830, puis de lInstruction publique entre 1832et1837avant d’êtreàla tête du gouvernement de1840à1848, est lune des cibles privilégiées de Daumier, du moins jusqu’àla radicalisation de la censure en1835la loi du 7septembre1835instituant les délits dopinion par voie de presse et le cautionnement des journaux.
et le portrait de Guizot sont particulièrement illustratifs dune telle
intention. Ministre de lIntérieur, puis Premier ministre de LouisPhilippe, le grand historien, qui donnera au motdoctrinaire, du nom du parti quil dirigeait, sa pleine signication, y laisse transparaître sans ambiguïté
son intransigeance et sondédain du vulgaire, suivant lexpression de Lamartine. Quantàla lithographie datant de1834intituléeLe Ventre législatif(voir ill. p.27), lune desœuvres maîtresses de Daumier, en
montrant une assemblée de gérontes bien installés, repus et somnolents et que lon soupçonne d’être corrompus, elle se passe de commentaires. La série desReprésentants représentés, publiée en1849et1850, est
différente puisque ce sont les amis républicains de Daumier qui sont
au pouvoir. Cette foisci, Daumier met surtout en lumière la fatuité caractérisant le comportement de certains hommes de pouvoir. Ainsi le plus sombre de tous les hommes graves, comme le dit la légende dune
lithographie parue dans la série desGrosses Têtes, estil du plus haut burlesque. Le retour de la République après1870permetàDaumier de prendre acte des progrès de la démocratie et ce faisant de mettre laccent sur une certaine fragilitédu parlementaire dans son nouveau rôle faceàl’électeur. Larépétition de sourirepar le candidat devant
son miroir avant de se présenteràsesélecteurs, la peur chez le nouvel élu dune invalidation de sonélection, le contentement de soi du nouveau députéentrant dans lhémicycle, langoisse de lan de mandat née des incertitudes de la réélection sont autant de thèmes traités avec bonhomie par Daumier. De même que lon ne peut sempêcher de faire un parallèle entre la description par lartiste du climat anarchique des débatsàlAssemblée et certains débats parlementaires télévisés,
en particulier ceux des séances hebdomadaires de questions dactualité. Daumier ne se prive pas, parfois, dune note dantiparlementarisme décelable par exempleàtravers sa lithographie intituléeUne session
bien remplie(voir ill. p.122). En ironisant sur la paresse des députés, il nous renvoie aux critiques actuelles de labsentéisme des parlementaires aux séances plénières
Daumier sengage pour ses idées, mais il ne se mêle pas directement de
politique. Ce nest pas un partisan. Cest sans doute la raison pour laquelle son regard sur les mœurs politiques est si perçant plus dun siècle et demi
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4 HonoréDaumier C h . d e L a mLa Caricature,26avril1832 Lithographie,ld 43 Musée dOrsay, Paris
Le comte CharlesFrançoisMalo de Lameth (17521832) se sera successivement ralliéaux idées de la Révolution de1789puis de la Restauration, avant dadhérer au principe de la monarchie orléaniste. Son blason, imaginépar Daumier, reprend ces compromis politiques successifs : la poire pour LouisPhilippe, laeur de lys pour lAncien Régime, la croix pour l’Église et le bonnet phrygien pour la Révolution. En1792, Charles de Lameth, fuyant la Révolution, avait quittéla France pour Hambourg, doùsa devise“émigrer nest pas déserter.
5 HonoréDaumier DA r gLa Caricature,9août1832 Lithographie,ld 48 Musée dOrsay, Paris
Le comte dArgout (17821858), pair de France en1830, est unegure récurrente du nouveau régime, en se voyant coner une succession de portefeuilles (ministre de la Marine, puis du Commerce et des Travaux publics, et enn des BeauxArts).
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