un converti
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Description

Chapitre 1 : Arnaud, Karim C’était un mardi. Peut être un mercredi. Il ne chercha pas à savoir. A travers les interstices des volets, les éclairages publics difusaient leur lumière dans la chambre. Dehors, le bruit des portières de voitures avait commencé à retentir dans ce qui restait de la nuit. Il eut aussitôt envie de se recoucher. Il était déjà fatigué mais il savait que cette fatigue était de nature mentale.Si seulement mon cerveau pouvait s’arrêter de réléchir… Il se concentra sur sa respiration. Il avait besoin de visualiser chacune de ces inspirations. Il fallait disloquer le bloc des problèmes. Contrôler son soule lui donnait l’impression d’être capable de voir les problèmes de la journée arriver un par un.Après un bon départ, tu peux continuer sur ta lancée tout comme tu peux dérailler. Un mauvais départ ne te laisse presque aucune chance.Il ne fallait pas penser d’avantage, juste continuer à respirer. Au bout de quelques minutes, il se sentit capable d’afronter n’importe quel événement aussi imprévisible puisse-t-il être. Il se leva puis marcha lentement jusqu’à la salle de bain. Les vides ordures étaient à nouveau bouchés. Les escaliers sentaient la charogne. Il commença à respirer par à coups.Comment c’est possible de boucher à chaque fois ces p…, ces f… vides ordures ? Je dois me calmer. Je dois me calmer La mosquée était à deux cent mètres au bout de la rue. Le lever de soleil était prévu pour quatre heures trente deux.

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Publié le 07 octobre 2015
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Langue Français

Extrait

Chapitre 1 : Arnaud, Karim
C’était un mardi. Peut être un mercredi. Il ne chercha pas à savoir. A travers les interstices des volets, les éclairages publics difusaient leur lumière dans la chambre. Dehors, le bruit des portières de voitures avait commencé à retentir dans ce qui restait de la nuit. Il eut aussitôt envie de se recoucher. Il était déjà Fatigué mais il savait que cette Fatigue était de nature mentale.Si seulement mon cerveau pouvait s’arrêter de réLéchir… Il se concentra sur sa respiration. Il avait besoin de visualiser chacune de
ces inspirations. Il Fallait disloquer le bloc des problèmes. Contrôler son
souLe lui donnait l’impression d’être capable de voir les problèmes de la journée arriver un par un.Après un bon départ, tu peux continuer sur ta lancée tout comme tu peux dérailler. Un mauvais départ ne te laisse
presque aucune chance.Il ne Fallait pas penser d’avantage, juste continuer à respirer. Au bout de quelques minutes, il se sentit capable d’afronter n’importe quel événement aussi imprévisible puisse-t-il être. Il
se leva puis marcha lentement jusqu’à la salle de bain. es vides ordures étaient à nouveau bouchés. es escaliers sentaient la
charogne. Il commença à respirer par à coups.Comment c’est possible de
boucher à chaque foisces p…, ces f… vides ordures ? Je dois me calmer.
Je dois me calmera mosquée était à deux cent mètres au bout de la rue. e lever de soleil
était prévu pour quatre heures trente deux. Une Fois la prière Faite, il avait
à peine le temps de revenir chez lui, enlever sonjilbab, et enîler ses
vêtements de travail. Cela Faisait huit mois qu’Arnaud travaillait comme éboueur au Grand yon. Deux cent vingt quatre jours. Il lui arrivait souvent de repenser à son séjour au Pérou, une Façon de se rappeler de tout ce qu’on peut Faire de
positiF dans une journée. De cette manière aussi, il pouvait prendre
conscience de ce que représentaient réellement ces cent vingt quatre
jours passés à l’arrière de la benne à ordures. Une piqure de rappel. En repensant à tout ça, il n’avait plus envie de se presser et il se dit qu’il allait înalement prendre le temps de beurrer deux ou trois tartines et de boire son verre de jus d’orange.Bienmanger, c’est le début du bonheur. Son portable n’était pas dans sa poche.Il a du rester dans leJilbab.Tant
pis, c’était pour mettre la radio. A cette heure là, il aurait eu droit aux inFos
traîc et à l’horoscope de Bernadette. Sans savoir comment ni pourquoi, il
pensa au divorce. Pourquoi l’horoscope ou encore les inFos traîc
provoqueraient elles une telle pensée chez un célibataire n’ayant jamais été marié ? Il monta sur son vélo. A vingt huit ans, il n’avait pas le permis de conduire. Il devait avoir sept ou huit ans quand son père lui acheta son premier vélo.
Il le garda jusqu’au lycée. A cet âge, ses copains du quartier commençaient à rouler en scooter. Arnaud avait choisi de rester à vélo. Il en racheta donc un autre adapté à sa corpulence. Vinrent par la suite les
petits boulots, puis la Fac et les jobs étudiants. Passer le permis ne Fut jamais une priorité. Il pédalait lentement en proîtant de la Fraïcheur du matin. Tantôt il regardait le euve, tantôt droit devant mais jamais à sa droite. C’était peut
être pour éviter la vue des voitures. Chaque inspiration lui Faisait un grand
bien. A un moment, il s’imagina sur la rive, en bordure de euve, les pieds presque dans l’eau. Il touchait le sable mouillé. Il connaissait bien cette sensation. Ses parents les emmenaient lui et sa sœur Célia Faire des
balades sur les berges de l’Isère. Il pensa à nouveau à son voyage au
Pérou. Il se dit que ce serait bien de vivre dans une ville côtière.Toucher le
sable de plage est ce aussi agréable que le sable humide des Leuves ?Il
eut l’impression à un moment que c’était quelqu’un d’autre qui pédalait à
sa place. ui, était toujours sur le rivage, occupé à toucher le sable mouillé
et imaginer les secrets de la Faune et la ore. Il pensa au métro, aux gens
entassés, ceux qui sont Fatigués mais qui ne trouvent pas de place pour
s’assoir, ceux qui sont stressés. Il pensa qu’il était bien, là où il était, sur
son vélo, à rêver de ce qu’il voulait. Il arriva à Hôtel de Ville, peut être à cinq ou six kilomètres de son lieu de
travail. Il était cinq heures treize minutes. Il restait dix sept minutes. Bien que connaissant la réponse, il ne pouvait s’empêcher de se demander
à chaque Fois qu’il longeait les quais s’il serait capable de nager à contre
courant. Pendant leurs longues balades sur les berges, son père ne
manquait pas une seule occasion de leur rappeler à sa sœur et surtout à
lui qu’une chute dans l’eau serait sans aucun doute Fatale. Au Fond, il ne
l’avait jamais vraiment cru.
 Il mit ses chaussures de sécurité. Après avoir quitté les vestiaires, il dut y retourner car il avait oublié son oreillette. QuelqueFois, pendant le
travail, il lui arrivait de la garder même quand la radio n’était pas allumée. Karim, son « binôme », l’attendait devant le camion. Quand il le rencontra
pour la première Fois, Arnaud pensa qu’il aurait très bien pu avoir dix huit
comme trente ans. es deux hommes ne communiquaient désormais plus
beaucoup. Ils se donnèrent une Franche poignée de mains, échangèrent
quelques banalités climatiques et îrent une mise au point du circuit de la
matinée puis le silence s’installa. Karim alluma une cigarette. Arnaud guettait au loin. e chaufeur du camion était en retard. Karim se plaignit de son briquet. Il regardait tantôt à gauche tantôt à droite, avançait puis reculait, Faisait les cent pas et plus
Arnaud restait immobile, plus le jeune homme ressentait le besoin de Faire quelque chose. A leur première rencontre, Karim s’était montré distant. e lendemain, Arnaud l’avait salué en lui lançant un« salamou alaykoum». Karim ne répondit pas. Pendant la matinée, le jeune homme se montra un peu plus ouvert que la veille en partageant notamment avec Arnaud ses petites
astuces pour « pas s’casser l’ dos avec les grosses bennes ». « T’es un converti » ?, osa –t-il înalement. « Oui », répondit Arnaud «Machallah» reprit Karim, avec un sourire gêné qu’Arnaud connaissait
très bien. « Tu Fais lasalate » ? «Oui » répondit Arnaud, gêné à son tour. es jours suivants, bien que se montrant plus décontracté qu’à leur
première rencontre, Karim ne parlait pas beaucoup. Même quand il se sentait envahi par la lassitude, Arnaud veillait à toujours se montrer souriant vis-à-vis de son jeune camarade. C’était à peu près huit heures et demie. Ils avaient déjà Fait les
principales rues de Gerland. Ils n’étaient plus très loin du Boulevard Yves
arge ; l’occasion pour Karim de montrer ses talents de séducteur. Un lycée Faisait l’angle, à l’intersection du boulevard et d’une ruelle. es lycéennes n’hésitaient pas beaucoup avant de répondre avec un léger
sourire ou une réponse timide aux petites remarques adressées par Karim.
Arnaud esquissait à chaque Fois un sourire et Karim recommençait le lendemain et le jour d’après avec toujours autant d’à propos.
Arnaud était au courant-un peu malgré lui- des histoires de cœur de son
jeune collègue. C’est à partir de là que l’oreillette radio lui était devenue indispensable. es relations qu’entretenait Karim avec ses copines ne duraient jamais. Arnaud commençait à trouver tous ces récits de moins en
moins drôles. Il souriait moins Fréquemment, arborait une expression impassible quand ce qui arrivait à ses oreilles ne lui plaisait pas. Ce jour là, Karim avait mis sa casquette. Elle était baissée et on voyait à peine ses yeux. Il s’était montré très discret aux abords du lycée. a relation entre les deux hommes devint ce qu’elle aurait du être dès le début : une
relation de respect entre deux adultes ne Faisant pas partie du même
monde. De temps à autres, Il arrivait que Karim lui pose des questions
concernant la religion. Arnaud y répondait, brièvement, sans s’épancher.
Quand Karim brisait le silence, c’était pour dénoncer des injustices ou les
mauvais comportements des « gars du quartier qui dorment jusqu’à trois
heures de l’après midi et qui Font les guetteurs en bas des tours ». Arnaud
se contentait d’approuver, sans en rajouter. Mais avant que les relations
deviennent moins chaleureuses, Arnaud avait eu le temps d’apprendre des choses sur le jeune homme. Karim a arrêté l’école à seize ans. es nombreuses petites cicatrices visibles sur son visage-dont une assez remarquée au niveau de la
pommette- laissaient imaginer une période agitée après cette
déscolarisation. Il évoquait souvent son passage à l’armée ainsi que les
nombreuses missions d’intérim qu’il efectua avant de trouver ce CDI.
Arnaud lui aurait bien demandé son âge mais il ne le ît jamais. Il se
contentait de l’écouter parler de sa vie. Au vu de ce qui lui avait raconté, il
estima qu’il devait avoir vingt quatre ou vingt cinq ans. Arnaud monta sur son vélo. Il était un peu plus de midi trente. e brouillard subsistait. Il pédalait en rééchissant à ce qu’il allait Faire de son après midi. e travail ne l’avait pas assez Fatigué. Il hésitait entre une
séance de musculation et un dix kilomètres. Il n’arrivait pas à se décider. Il
pensa au lendemain, au réveil, à la clope de Karim, aux lycéennes
habillées toutes pareil, aux jeunes cadres stressés et dynamiques qu’il
allait croiser vers sept heures et demi avenue Berthelot et qui
ressemblaient tellement à ce qu’il avait reFusé de devenir. Il ne deviendra
jamais ce cadre supérieur à l’ambition débordante. Il était éboueur par
déFaut. Autrement dit, pour ceux qui le connaissaient, il n’était rien. Il regarda sa montre. Il restait un quart d’heure avant la prière duDuhr.Il
n’était pas loin de la Place du pont. Il attacha son vélo aux abords de la
mosquée en espérant le retrouver à la sortie. Il ît ses ablutions. Il restait
une dizaine de minutes avant le début de la prière. Il efectua la prière de
salutation des lieux. Il n’arrivait pas à se concentrer. Une Fois ces deux unités de prières terminées, il s’assit au Fond de la pièce.Montre moi le chemin et facilite moi ce qui est juste. Pardonne-moi mes oublis et guide
mes pas.Un barbu lui tendit une îole parFumée. Arnaud s’aspergea de quelques gouttes avant de restituer la îole avec un grand sourire. Sa conversion à l’islam aura eu au moins comme avantage de le rendre plus
souriant, lui qui ne souriait presque jamais. Il sortit de la mosquée. Comme à chaque Fois, plus rien ne semblait avoir d’importance. Il ne tergiversa pas d’avantage. Il ira à la salle de sport. Après, il ira emprunter un bouquin à la bibliothèque. Il hésitera quelques
minutes entre le rayon des philosophes Allemands et celui des philosophes
rançais mais il verra ça le moment venu. es cinquante minutes d’entraïnement Furent intenses. Durant les dix dernières minutes, il se déFoula littéralement sur le sac de sable. Il s’attarda sous la douche. Il revoyait ces jeunes Femmes regroupées devant
le lycée ; à la Fois si jolies et tellement superîcielles. Il pensa à Amel. Il
arriva à retenir le coup de poing qui était prêt à partir en direction de la
douche. Dire que ce qu’elle lui a Fait ou plutôt ce qu’elle a Fait au bébé
relevait du destin était une erreur.C’est la fatalité.
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