Cette étude sur la question de péréquation analyse les modèles internationaux de référence que sont les modèles canadiens , suisses et australiens. Elle propose sur base de ces modèles un système adapté aux réalités économiques, sociales et juridiques de la République Démocratique du Congo. L'étude présente les difficultés que rencontreraient la mise en oeuvre d'un système de péréquation en RDC et propose des pistes pour les contourner. Nous pensons que les décideurs politiques et les analystes des questions liées aux finances publiques trouveront un intérêt à lire ce document. L'auteur est ouvert au débat et à la critique.
Péréquation en RDC : Pour un Etat plus juste, plus efficace et plus proche du Citoyen
INTRODUCTION
DE LA PRATIQUE DE LA PEREQUATION
DANS L’ALLOCATION DES RESSOURCES
FINANCIERES AUX PROVINCES ET
AUX ENTITES DECENTRALISEES EN RDC
FONDEMENTS THEORIQUES DE LA PEREQUATION FINANCIERE, MODELES
INTERNATIONAUX DE REFERENCE, INTRODUCTION EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO
PAR
Alphonse-F. BANGILA
Licencié en Sciences Economiques
Consultant
bangila@gmail.com
+243815039008
2012
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Péréquation en RDC : Pour un Etat plus juste, plus efficace et plus proche du Citoyen
INTRODUCTION GENERALE
Dans le souci de promouvoir la qualité, l’efficience et la proximité des services offerts par
les pouvoirs publics aux citoyens congolais, dans les différents domaines sociaux,
1économiques et politico – administratifs, la Constitution de la IIIème République , a mis
2en place une nouvelle articulation des différentes entités territoriales infranationales.
En effet, en vertu des dispositions constitutionnelles relatives à l’administration du
territoire, ces différentes entités, dans le but de leur permettre de faire face aux
responsabilités accrues qui leur sont conférées dans l’exécution des tâches publiques,
disposent d’un éventail plus large de prérogatives administratives, soit en exclusivité, soit
en concurrence avec le pouvoir central. Ainsi, à l’instar des régimes typiquement
fédéraux, elles sont dotées d’institutions administratives (exécutives et législatives)
jouissant d’une large autonomie décisionnelle, càd d’un pouvoir de décision
« décentralisé ». Spécialement au plan financier elles disposeront des ressources
3budgétaires propres , distinctes de celle de l’Etat, consolidant ainsi en République
4Démocratique du Congo la décentralisation administrative .
Cependant cette nouvelle répartition verticale des tâches publiques entre
administrations publiques organisées par pallier à différents niveaux du pouvoir d’état
ainsi que ce remodelage des compétences en matière de gestion financière sont
susceptibles d’engendrer des différences de développement entre entités
administratives (ou Administrations décentralisées) de même niveau. Cela, en raison de
nombreux facteurs conditionnant leurs capacités financières respectives et liés
essentiellement à l’inégale répartition des richesses naturelles entre elles ainsi qu’à leurs
différentes caractéristiques démographiques et géo – topographiques.
1 La Constitution de la IIIème République a été adoptée par le référendum populaire du 18/12/2005 et a été
promulguée le 18/02/2006, date de son entrée en vigueur.
2 Il s’agit des Provinces, Villes, Secteurs et Chefferies toutes dotées de la personnalité juridique (cfr Art 3)
3 Tout particulièrement, celles des provinces seront constituées d’une part des prélèvements fiscaux opérés sur
des matières relevant de leur compétence, et d’autre part d’une proportion – 40% - des revenus dus à l’Etat
au titre d’impôt et perçus au sein de leurs circonscriptions respectives.
4 La décentralisation administrative et financière de la RDC est un processus amorcée depuis les premières
années postindépendance. La IIème République aussi s’est employée à lui donner une dynamique particulière
avec les découpages territoriaux opérés dans l’ex-Kivu et les renforcements successifs, du moins au plan
juridique, des prérogatives des différentes entités territoriales. Elle s’est révélée au fil des années comme étant
une exigence pour améliorer la gouvernance d’un état aux dimensions continentales et présentant une
importante diversité économique, sociale et culturelle.
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Péréquation en RDC : Pour un Etat plus juste, plus efficace et plus proche du Citoyen
C’est ainsi qu’en vue de prévenir l’apparition de ces disparités, de remédier à celles
existantes actuellement et d’assurer, ce faisant, à tous les congolais les mêmes
conditions de développement, le législateur congolais a institué un organisme public
dont la mission sera d’ajuster horizontalement les capacités d’investissement des
administrations décentralisées : la « Caisse Nationale de Péréquation ». Cet organisme,
5alimenté par le budget de l’Etat , aura pour ce faire la charge d’actionner des
mécanismes de péréquation horizontale formant dans leur ensemble un système
complexe appelé « système de péréquation ».
Comment ce système peut-il être opérationnel en RDC au sein de l’administration
financière publique ? Quelles doivent être ses caractéristiques ? Dans quel cadre
organisationnel doit-il être géré ? Quels sont les préalables à sa mise en œuvre
effective ? Telles sont les questions fondamentales auxquelles le présent document tente
d’apporter des réponses par un éclairage scientifique sur une pratique superficiellement
connue/inconnue du grand public et qui requiert l’émergence d’une nouvelle expertise
nationale. A l’évidence, l’objectif central de ce document est de proposer un modèle
susceptible de fonder la construction et le fonctionnement d’un système de péréquation
en RDC.
A cette fin, il nous paraît important dans un premier temps d’étayer les principes
théoriques universellement reconnus qui fondent la pratique de la péréquation et, dans
un second temps, d’analyser les traits caractéristiques essentiels des systèmes de
péréquation considérés comme modèles de référence dans le monde (les modèles
canadien, suisse et australien).
Ce document, qui peut ne pas être le premier du genre en RDC, a aussi l’ambition de
susciter dans l’esprit des économistes, des professionnels des finances publiques et des
décideurs politiques un intérêt tout particulier sur ce mécanisme financier dont la
manipulation semble être la déterminante d’un développement national équilibré et
équitablement profitable à tous les congolais.
5 Le budget de la Caisse Nationale de Péréquation est alimenté par le Trésor public à concurrence de 10% du
budget de l’Etat.
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Péréquation en RDC : Pour un Etat plus juste, plus efficace et plus proche du Citoyen
PARTIE I :
FONDEMENTS THEORIQUES DE LA PEREQUATION
DEFINITION, OBJECTIFS ET PRINCIPES UNIVERSELS DE BASE DE LA PEREQUATION
La péréquation n’est pas une création originale de la
RDC. Elle est en œuvre dans la gestion des finances de
tous les états fédéraux et de la plupart des états
fortement décentralisés, càd en règle générale, dans les
finances des pays où les entités administratives
infranationales – les entités fédérées ou décentralisées
– disposent de larges prérogatives dans le domaine
fiscal et d’importantes responsabilités dans l’exécution
des tâches d’intérêt public au sein de leurs
circonscriptions respectives. En quoi consiste-t-elle
exactement ? Quels sont les objectifs qui lui sont
assignés ? Et quels sont les principes qui sous-tendent sa
mise en œuvre ? Telles sont les questions auxquelles
cette première partie du présent document s’efforcera
d’apporter d’un point de vue universellement admis des
réponses claires. Celles-ci sont des éléments de pure
théorie basés sur des expériences vécues depuis des
décennies par de nombreux états fédéraux, ou plus
généralement fortement décentralisés, qui la pratiquent.
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Péréquation en RDC : Pour un Etat plus juste, plus efficace et plus proche du Citoyen
I.1 DEFINITION ET OBJECTIFS DE LA PEREQUATION
Dans les états fédéraux et/ou décentralisés, le pouvoir d’état est organisé par pallier à
différents niveaux de l’articulation des entités territoriales infra nationales. Celles-ci sont à
chaque niveau dotées d’organes de gestion relativement autonomes, disposant
d’importantes responsabilités dans l’exécution des tâches d’intérêt public ainsi que de
larges prérogatives administratives et financières. Ces entités qui constituent des
6« administrations décentralisées » disposent ainsi, pour couvrir leurs besoins de
dépenses, des budgets propres.
Cependant, ces budgets sont alimentés par des ressources fiscales locales dont le
volume varie d’une entité administrative à une autre, en raison des données
géographiques, socio – démographiques, naturelles, etc… propres à chaque entité et
conditionnant le niveau de l’activité économique y développé et donc celui de la
fiscalité. Situation de nature d’une part, à mettre en péril l’obligation qu’ont en règle
générale les pouvoirs publics (l’Administration centrale très particulièrement) d’assurer
l’équité entre les citoyens et le respect de leur droit à avoir accès à des services publics
de même niveau où qu’ils se trouvent sur le territoire national, et d’autre part à générer
des distorsions économiques, et donc des déséquilibres de développement
économique. D’où l’impérieuse nécessité pour les administrations centrales des états
fédéraux (ou des états décentralisés) de mettre en place des mécanismes d’ajustement
des ressources des administrations décentralisées. C’est dans l’engrenage de ces
mécanismes actifs au sein des finances publiques nationales qu’est en œuvre celui qui
fait l’objet de ce document : « la péréquation » financière.
Son cadre d’opération ainsi circonscrit, la péréquation consiste, d’un point de vue
universellement admis, à opérer des transferts budgétaires d’une administration
7(centrale) donnée vers d’autres administrations de niveau inférieur dans le but
d’égaliser les capacités de ces dernières à fournir des services publics de même niveau
avec des régimes fiscaux sensiblement comparables. Ainsi dit, la péréquation vise à
« niveler » la situation des administrations décentralisées en matière de prestations de
services en les rapprochant d’une situation où elles ont toutes, potentiellement, à peu
près les mêmes moyens pour fournir des services de base comparables aux administrés.
Objectif susceptible, dans certains pays, d’être intégr