L affaire Pinochet devant la Chambre des Lords - article ; n°1 ; vol.45, pg 72-100
30 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'affaire Pinochet devant la Chambre des Lords - article ; n°1 ; vol.45, pg 72-100

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
30 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annuaire français de droit international - Année 1999 - Volume 45 - Numéro 1 - Pages 72-100
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

M. le Professeur Jean-Yves de
Cara
L'affaire Pinochet devant la Chambre des Lords
In: Annuaire français de droit international, volume 45, 1999. pp. 72-100.
Citer ce document / Cite this document :
de Cara Jean-Yves. L'affaire Pinochet devant la Chambre des Lords. In: Annuaire français de droit international, volume 45,
1999. pp. 72-100.
doi : 10.3406/afdi.1999.3554
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1999_num_45_1_3554ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL
XLV - 1999 - CNRS Editions, Paris
L'AFFAIRE PINOCHET
DEVANT LA CHAMBRE DES LORDS
Je an- Yves de CARA
Lasting legacy. ..En annonçant le retour du général Pinochet dans son
pays, le Ministre britannique de l'intérieur a estimé que par delà l'émotion
que soulevait sa décision de ne pas donner suite à la demande d'extradition
de l'Espagne, l'arrêt rendu par la Chambre des Lords en l'espèce était une
« décision phare » laissant un « héritage durable » (1).
L'affaire, il est vrai, a les dimensions d'un drame shakespearien : l'ombre
du coup d'Etat et les allégations de torture et de crimes de sang contre
l'ancien chef de l'Etat étaient de nature à troubler la sérénité du débat
judiciaire, mais la décision de mettre à l'écart un arrêt de la juridiction
suprême pour manquement d'un Lord aux devoirs de sa charge était aussi
sans précédent.
Nouée dans la précipitation, elle a pris par surprise aussi bien les
autorités britanniques que le gouvernement espagnol.
Le 22 septembre 1998 le sénateur Augusto Pinochet est entré au
Royaume-Uni muni d'un passeport diplomatique en qualité d'Ambassadeur
chargé d'une mission spéciale par le gouvernement du président Eduardo
Frei. A son arrivée il a bénéficié des privilèges accordés aux ambassadeurs
en mission spéciale et de la protection de la brigade de police pour la
protection des diplomates. Le 16 octobre, peu de temps avant le retour de
l'intéressé au Chili, un mandat provisoire d'arrestation du sénateur Pinochet
est émis par la Bow Street Magistrates Court au titre de la loi de 1989
relative à l'extradition, pour assassinat de citoyens espagnols au Chili entre
le 11 septembre 1973 et le 31 décembre 1983, crime relevant de la juridiction
espagnole. Aux termes du second mandat provisoire du 22 octobre 1998, il
est allégué qu' entre janvier 1976 et décembre 1992, le réclamé, en qualité
d'agent de la fonction publique (public officiai) a infligé des douleurs et des
souffrances à d'autres personnes au cours de l'exercice de ses fonctions
officielles, qu'il a conspiré avec d'autres personnes inconnues pour infliger
de telles tortures, qu'il a détenu comme otages d'autres personnes en vue
de les obliger à accomplir certains actes ou à s'en abstenir, et a menacé de
les tuer, blesser ou détenir comme otages, qu'il a conspiré à de telles prises
d'otages ainsi qu'à des assassinats, tous ces actes entrant dans la compétence
des juridictions espagnoles.
Ces mandats ont été émis à la demande de l'autorité de police qui
agissait sur requête du juge d'instruction Baltasar Garzon Real, de la chamb
re criminelle de YAudiencia Nacional de Madrid. En effet, le 16 octobre ce
(*) Jean- Yves de Cara, professeur à l'Université Lyon III (Jean Moulin).
(1) Déclaration du 2 mars 2000. L'AFFAIRE PINOCHET DEVANT LA CHAMBRE DES LORDS 73
juge avait déclaré recevables deux plaintes déposées contre le général Pino
chet (2). Avant le 16 octobre, l'instruction du juge Garzon avait porté sur
les événements d'Argentine et ce magistrat n'était saisi d'aucune accusation
contre le général Pinochet, le dossier relatif au Chili relevant de la compé
tence du juge Garcia-Castellon. Ce dernier n'avait pas estimé utile ni op
portun à ce stade de la procédure de lancer un mandat d'arrêt contre le
sénateur Pinochet.
Aussitôt, le gouvernement du Chili proteste, les 17 et 23 octobre en vue
de faire respecter l'immunité de l'ancien chef de l'Etat et d'obtenir pour lui
une immédiate liberté de mouvement (3).
Par un jugement du 28 octobre 1998, la Divisional Court présidée par
Lord Bingham of Cornhill annule les deux mandats d'arrêt en considérant
que le sénateur Pinochet bénéficie d'une immunité de juridiction civile et
criminelle au Royaume-Uni en qualité d'ancien chef de l'Etat. Le premier
mandat est annulé aussi au motif que le comportement allégué ne constituait
pas un crime susceptible de donner lieu à une extradition aux termes de la
section 2 de la loi de 1989 ; cela ne sera pas contesté en appel par l'Espagne.
Toutefois, la Divisional Court autorise l'appel du Royaume d'Espagne en
raison de l'importance du point de droit en cause, à savoir l'interprétation
et la portée de la règle de l'immunité d'un ancien chef d'Etat objet d'une
arrestation et d'une procédure d'extradition au Royaume-Uni en raison d'ac
tes commis pendant qu'il était en fonction. L'annulation du second mandat
est suspendue à la décision en appel de la Chambre des Lords, le sénateur
Pinochet étant mis en liberté provisoire.
Le 4 novembre 1998 une demande formelle d'extradition du sénateur
Pinochet est formulée par le gouvernement espagnol (4). Ce jour là, s'ouvre
l'audience devant le comité judiciaire de la Chambre des Lords qui a autorisé
l'intervention de plusieurs organisations et groupements, notamment Amnest
y International et Human Rights Watch. Le 25 novembre le comité judiciaire
fait droit à l'appel de l'Espagne et confirme le second mandat au motif que
le sénateur Pinochet ne bénéficie pas d'immunité en qualité d'ancien chef
de l'Etat en ce qui concerne les comportements allégués (5). Le 9 décembre
le ministre de l'intérieur autorise la poursuite de la procédure d'extradition
(Authority to Proceed) en visant les crimes de « torture, complot en vue de
torturer, tentative d'assassinat, complicité d'assassinat, prise d'otages et
complicité de prise d'otage ». Le lendemain, le sénateur Pinochet introduit
une demande tendant à écarter le jugement du 25 novembre pour cause de
suspicion légitime à l'égard d'un membre du comité judiciaire, Lord Hof
fmann, président d'une association charitable constituée pour le financement
d Amnesty International. Le 11 décembre, il obtient de nouveau la liberté
conditionnelle et le 17 décembre une nouvelle formation du comité judiciaire
de la Chambre des Lords écarte (set aside) l'arrêt du 25 novembre et ordonne
la réouverture de la procédure d'appel (6).
(2) Plaintes déposées par l'Izquierda Unida, coalition de partis politiques comprenant le
parti communiste et par YAgrupacion de Familiares de Detenidos y Desaparecidos de Chile avec
Mme Herminia Antequera Latrille.
(3) Ceci est rappelé par Lord Lloyd of Berwick dans son opinion du 25 novembre 1998,
[1998] 3 Weekly Law Report 1456.
(4) Demande reçue par le Home Office le 11 novembre. Sur la base de l'article 13 de la
Convention européenne d'extradition, le gouvernement espagnol a produit des compléments d'i
nformation à plusieurs reprises, les 10 et 24 décembre 1998, 26 mars 1999, 5, 27 et 30 avril 1999,
2 juin 1999 et 24 septembre 1999.
(5) [1998] 3 Weekly Law Report 1456.
(6) [1999] 2 W.L.R. 272. 74 L'AFFAIRE PINOCHET DEVANT LA CHAMBRE DES LORDS
Cette solution exceptionnelle, de nature à entacher l'autorité de l'organe
judiciaire suprême du Royaume, explique que la formation du comité judi
ciaire chargé de reprendre la procédure annulée a été élargie à sept membres.
Le nouvel arrêt, rendu le 24 mars 1999 (7), restreint la portée de la précé
dente décision. Les Lords ont en effet jugé que le sénateur Pinochet bénéf
iciait de l'immunité de juridiction pour tous actes commis avant le 8
décembre 1988, date de la ratification par le Royaume-Uni de la convention
des Nations Unies sur la prévention et la suppression de la torture, mais
qu'il ne pouvait en bénéficier après cette date. Cette décision a pour effet
de réduire considérablement les charges qui pèsent sur l'ancien chef de l'Etat
chilien, qui ne consistent

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents