L'Organisation de la Conférence islamique - article ; n°1 ; vol.28, pg 265-291

Taoufik Bouachba

Description

Annuaire français de droit international - Année 1982 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 265-291
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• droit administratif
• juridique
• Droit et juridique

Informations

• Publié par: ANNUAIRE_FRANCAIS_DE_DROIT_INTERNATIONAL
• Publié le: 01 janvier 1982
• Nombre de lectures: 46
• Langue: Français
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Extrait

M. le Professeur Taoufik
Bouachba
L'Organisation de la Conférence islamique
In: Annuaire français de droit international, volume 28, 1982. pp. 265-291.
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Bouachba Taoufik. L'Organisation de la Conférence islamique. In: Annuaire français de droit international, volume 28, 1982. pp.
265-291.
doi : 10.3406/afdi.1982.2492
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1982_num_28_1_2492L'ORGANISATION
DE LA CONFÉRENCE ISLAMIQUE
Taoufik BOUACHBA
INTRODUCTION
La dissolution du Califat (l) prononcée en 1924 en Turquie eut pour
conséquence d'introduire dans le monde islamique déjà souffrant une certaine
désagrégation que l'Etat ottoman ne put contenir dans une nouvelle phase de son
histoire. Cette dissolution eut ainsi pour conséquence la chute de ce qui resta du
Grand Etat islamique ou « Dar-El-Islam ». Une telle décomposition du grand Etat
se trouvera cristallisée et renforcée sous l'effet de la colonisation et de la
domination étrangère. Pourtant la crise qui menaçait cet Etat apparut bien avant
la chute du Califat. Certains penseurs et réformateurs musulmans s'en rendaient
bien compte lorsqu'ils attiraient l'attention de l'« Ummah » sur l'évolution
négative de l'Etat particulièrement sous le règne des Ottomans (2).
Lorsque l'abolition du Califat fut prononcée d'une manière plutôt arbitraire,
diverses réunions se tinrent dans le but d'examiner la situation ainsi créée par un
tel acte et de voir dans quelle mesure il serait possible de redonner vie au régime
du Califat, jugé seul garant de l'unité du monde islamique.
Concrétisant l'idée formulée par un eminent penseur musulman, Al
Kawakibi (3), de réunir une conférence à laquelle participeraient les représentants
de l'« Ummah », une première Conférence islamique fut tenue au Caire au mois
de mars 1926 sous la présidence du Cheikh de l'Université d'Al Azhar et une
(*) Taoufik BOUACHBA, Docteur d'Etat en Droit (Paris), thèse sur •L'expérience
algérienne d'unité de juridiction et le droit administratif », ancien chargé de cours à
l'Université d'Anaba, Professeur assistant à la Faculté d'Economie et d'Administration
(Département Droit), King Abdulaziz University, Jeddah.
(1) Le Califat correspond à la fois à une institution et à un régime politiques propres à l'Etat
islamique auquel le problème du Gouvernement s'est posé à la mort du Prophète qui en était le Chef.
Les successeurs du Prophète à la tête de l'Etat islamique ont reçu le titre de Calife (parfois d'Imam).
C'est sous le régime du Califat que l'Etat islamique unifié a toujours vécu jusqu'en 1924 lorsque le
jeune pouvoir turc laïc a aboli cette institution alors exercée par le Sultan Ottoman.
(2) Nous pouvons citer à cet égard les réformateurs islamistes Mohamed Ibn Abdelwahab
(1703-1792), Mohamed Ibn Ali Senoussi (1787-1859), Jameleddine Al-Afghani (1938-1897) Mohamed
Abdou (1849-1905).
(3) II s'agit du penseur musulman Abderrahman Al Kawakibi (1848-1902) qui a écrit
notamment un livre ayant pour titre « Oum El-Koura » dans lequel il imagina la tenue d'une
conférence regroupant les Chefs islamiques à l'occasion du pèlerinage à la Mecque qui devait aboutir
à l'institution d'une Organisation islamique. 266 L'ORGANISATION DE LA CONFÉRENCE ISLAMIQUE
deuxième fut réunie quelques mois après par le Roi Abdelaziz à la Mecque
(Makkah Al Moukarramah). A ces deux Conférences islamiques s'ajoutera une
troisième, tenue à Jérusalem (Al Quods) en 1931 sous la présidence du Muphti de
Palestine et du leader indien Shaoukat (4).
Ces conférences cependant ne dégagèrent aucun résultat concret et le retour
au régime du Califat parut très difficile en raison de la désagrégation consommée
des pays musulmans, dont la plupart se trouvaient sous le joug de la colonisation
étrangère. Tout au plus la troisième conférence tenue à Jérusalem put-elle
aboutir à l'institution de ce que l'on peut considérer comme la première
organisation internationale du monde islamique. Les congressistes de Jérusalem
ont décidé, en effet, la création pour le monde islamique d'une organisation
(internationale) dotée d'une structure tripartite comportant un congrès général,
un comité exécutif élu et un secrétariat général. Mais pareille n'a
pas vu le jour.
L'idée de Conférence islamique fut néanmoins poursuivie afin de trouver une
solution de rechange à l'impossibilité constatée de réinstaurer le régime du
Califat pour l'ensemble du monde islamique.
Après une « période creuse » correspondant à l'institution de la « Ligue des
Etats Arabes », qui eut pour effet de bloquer dans une certaine mesure les efforts
consistant à trouver une solution à l'unité recherchée du monde islamique, la
première conférence réunissant des leaders politiques (les conférences précédentes
ayant plutôt réuni des penseurs, savants et intellectuels musulmans) fut tenue à
la Mecque au mois d'août 1954 avec la participation du Roi Saoud, du Président
Gamal Abdel Nasser et du Chef du Gouvernement pakistanais Mohammed Ali (5).
Un projet de Charte constitutive d'une nouvelle organisation panislamique
dotée d'une Assemblée générale, d'un Conseil exécutif et d'un Secrétariat général
fut alors élaboré. Mais ce projet ne fut point réalisé.
L'idée de Conférence Islamique fut néanmoins reprise dix années après,
environ, lorsque des chefs d'Etat et de gouvernement islamiques se réunirent à
Mogadiscio (capitale de la Somalie) et convinrent de réunir une conférence
regroupant tous les Chefs d'Etat islamiques afin d'examiner les problèmes et
questions intéressant le monde islamique. L'invitation fut adressée par le
Roi Fayçal en vue de la tenue de la réunion en 1965...
Mais c'est en 1969 que la première et véritable Conférence Islamique au
Sommet fut tenue à la suite de l'incendie d'origine criminelle commis contre la
Mosquée sainte d'Al Aqsa par des éléments sionistes. Cette grande Conférence
Islamique à laquelle participèrent presque tous les chefs d'Etat islamiques fut
réunie à Rabat (Royaume du Maroc) sur invitation du Roi Hassan II. Il en résulta
le premier communiqué commun élaboré par les leaders du monde islamique.
A la suite de cette Conférence Islamique au Sommet fut consacrée l'idée de
créer un cadre institutionnalisé permettant de réunir l'ensemble du monde
islamique à travers une association composée des gouvernements des Etats
islamiques. L'adoption de la Charte de la Conférence Islamique en 1972 par la
(4) Voir : H.A.R. GfflB : « The Islamic Congress at Jerusalem in Décembre 1931 ». A.J. cité par
M. Khaddoumi in < La guerre et la paix dans la législation de l'Islam », en arabe, Beyrouth, 1973,
p. 287.
(5) Maurice Flory : « Les Conférences Islamiques » A.F.D.L, 1970, p. 233-243. Voir aussi
G. Fischer, « Une tentative de protection internationale d'une minorité : la Conférence Islamique et
les Musulmans philippins », A.F.D.I., 1977, pp. 325-341. L'ORGANISATION DE LA CONFÉRENCE ISLAMIQUE 267
Troisième Conférence des Ministres des Affaires étrangères des Etats islamiques
a par la suite consacré le passage de la « Conférence Internationale » à l'« Organi
sation internationale ». Ainsi est née l'« Organisation de la Conférence Islami
que », qui correspond à une organisation internationale au sens juridique de
l'expression, c'est-à-dire à une association d'Etats (donc inter-gouvernementale)
dotée d'organes permanents et poursuivant certains objectifs d'intérêt commun.
A ce propos, il convient de noter que cette Organisation ne vise pas la réalisation
de l'intégration des diverses parties du monde islamique. Il s'agit plutôt d'une
organisation de coopération mettant l'accent sur la notion de solidarité islamique.
Une telle considération peut être aisément dégagée de l'article 2 de la Charte
de la Conférence Islamique, qui