La nationalisation du Canal de Suez et le droit international - article ; n°1 ; vol.2, pg 3-19
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La nationalisation du Canal de Suez et le droit international - article ; n°1 ; vol.2, pg 3-19

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annuaire français de droit international - Année 1956 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 3-19
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. le Professeur Georges Scelle
La nationalisation du Canal de Suez et le droit international
In: Annuaire français de droit international, volume 2, 1956. pp. 3-19.
Citer ce document / Cite this document :
Scelle Georges. La nationalisation du Canal de Suez et le droit international. In: Annuaire français de droit international, volume
2, 1956. pp. 3-19.
doi : 10.3406/afdi.1956.1223
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1956_num_2_1_1223NATIONALISATION DU CANAL DE SUEZ LA
ET LE DROIT INTERNATIONAL
Georges SCELLE
Professeur honoraire à la Faculté de Droit de Paris
1. — Comme tout conflit international, l'affaire de Suez présente
un aspect politique et un aspect juridique intimement mêlés. Comme
d'usage, le premier domine l'autre et le second présente des obscurités
ainsi qu'il est fatal, dans une discipline juridique encore inorganique,
dont la morphologie se distingue à peine sous les fictions classiques de
la souveraineté. C'est pourtant du point de vue de la technique juridi
que que nous voudrions nous placer en toute objectivité.
La loi égyptienne, n° 285 de 1956, nationalise la Compagnie univers
elle du Canal de Suez et confie à un organisme égyptien de droit
public doté de la personnalité morale la gestion de l'entreprise. Cette
loi « aux yeux du Droit international et de la Cour permanente de
justice internationale qui en est l'organe » doit être considérée comme
un simple fait (1) . Elle est certainement un fait illicite. Toutefois, ne
suffit-il pas, pour le constater, de montrer qu'elle aboutit à la violation
d'un ensemble imposant de textes conventionnels (2) . Il faut montrer
que la nationalisation était internationalement illégale parce qu'il s'agis
sait de la révocation injustifiée d'une concession internationale sur le
domaine public international et qu'un gouvernement étatique n'avait
pas compétence pour y procéder.
Dans une interview donnée au journal « Le Monde », le 4 août
1956, le Président du Conseil d'Administration de la Compagnie uni
verselle développe un argument qui nous paraît particulièrement juri
dique : c'est celui de la liaison intime qui existe entre la concession
— disons plutôt les concessions — du khédive accordées à la Compagnie
et la Convention de 1888. Le préambule de cette Convention et plu-
(1) V. Arrêt n° VII de la CP.J.I. : Intérêts allemands en Haute Silésie polonaise.
(2) Convention de Constantinople du 29 octobre 1888, — Traité de Versailles de 1919
et autres traités ayant mis fin à la première guerre mondiale, — Traités d'alliance entre
la Grande-Bretagne et l'Egypte de 1936, — Convention anglo-égyptienne du 19 octobre 1954
et aussi Concessions accordées à la Compagnie universelle, en 1854, 1856, 1866. 4 LA NATIONALISATION DU CANAL DE SUEZ
sieurs de ses articles (3) s'y réfèrent expressément, de telle sorte que le
statut international de la Compagnie et du Canal comprend à la fois
les stipulations conventionnelles interétatiques et les engagement con
tractuels. Ce sont d'ailleurs les mêmes fondamentalement : libre usage
de la voie d'eau; égalité de traitement des usagers; établissement de
tarifs modérés par le Conseil d'administration; obligations d'entretien et
perfectionnement de la navigabilité; gestion technique scrupuleuse, etc..
La personnalité du concessionnaire constitue, comme dans toute concess
ion, un élément essentiel et tant que sa gestion n'est ni critiquée, ni
déficiente, elle s'impose, sauf renouvellement, jusqu'au terme de la
concession (1968). La nationalisation arbitraire est une violation à la
fois du régime contractuel et conventionnel; elle l'est d'une façon aveu
glante si elle est le fait d'un seul des gouvernements intéressés parmi
ceux qui sont intervenus effectivement pour son octroi et son maintien,
et plus encore si elle est le fait du moins qualifié d'entre eux dont on
pourrait dire qu'il était une sorte de gouvernement prête-nom. Mais
c'est ici qu'un certain nombre d'explications sont nécessaires.
2. — La naissance et la vie des ordres juridiques interétatiques (ces
systèmes positifs de Droit international innombrables , couronnés par
l'ordre international oecuménique de la Société humaine globale) , obéis
sent aux mêmes facteurs sociologiques que tout autre ordre juridique,
interne ou extraétatique. Ils obéissent, d'abord, à la loi de hiérarchie des
ordres qui transgresse les frontières et fait que tout ordre juridique
superposé, plus vaste que ses composants, en modifie automatiquement
les normes lorsqu'il les double. Ils obéissent en même temps aux princi
pes généraux qui se forment dans leur complexe, comme aux règles
coutumières qui naissent spontanément de la solidarité des communaut
és étatiques. Spontanément et anonymement, avant que les gouvernants
de ces groupes humains éprouvent le besoin de solidifier et de préciser
ces règles en des instruments conventionnels. De là l'importance de
ces normes primaires que l'on a qualifiées de « principes politiques »
mais qui sont pour nous de véritables normes positives, incoordonnées,
variables, mais de même valeur juridique que les traités. Il en est ainsi,
par exemple, des libertés fondamentales de l'individu, du droit des peu
ples à disposer d'eux-mêmes, de la formation du domaine public inter
national. Ce sont là, répétons-le, des normes de Droit positif en format
ion, parfois épisodiques, mais à certaines époques et dans certains
groupements « reconnues comme étant le Droit ».
Toute société humaine en voie d'intégration implique l'existence
d'un domaine public indispensable à de multiples rapports sociaux (com
munications, échanges), sans lesquels la vie commune ne se conçoit
même pas. Le domaine public de la Société oecuménique internationale
(3) V. Art. 2, 3, 14. ET LE DROIT INTERNATIONAL 5
comporte actuellement une sorte de « classement » implicite qui fait
tacitement partie des règles fondamentales de l'occupation des territoi
res de la planète et dont la réglementation varie avec « l'affec
tation » de leurs parcelles. Il comprend, et depuis des siècles, la haute
mer et les voies de communication qui relient les océans (détroits,
canaux) ; la mer territoriale ouverte au passage innocent (4) ; les ports
ouverts au commerce; les fleuves d'intérêt international; certaines voies
de terre (notamment entre pays limitrophes); les communications
atmosphériques. La caractéristique essentielle de ces dépendances du
domaine public, c'est que malgré l'emprise des gouvernements étatiques
sous le nom de souveraineté territoriale (maritime, atmosphérique), les
dites dépendances, quel que soit leur mode de classement, coutumier ou
conventionnel, ne sont plus appropriables en exclusivité par tel ou tel
gouvernant et pour l'usage de telle ou telle collectivité, mais sont ouverts
à l'usage de tous et, sans cesser d'appartenir au domaine public étatique,
comportent un nouveau classement dans le international (5) .
Cette notion nécessaire du domaine public semble
avoir échappé à un assez grand nombre d'internationalistes qui s'att
achent encore aux critères formels et non aux critères matériels, atten
dant sans doute pour s'aviser de l'existence du domaine public, de
pouvoir enregistrer celle d'administrations internationales ou d'un quel
conque gouvernement super-étatique pour en assurer la gérance. Ils
négligent l'existence de services publics internationaux tels que l'Union
postale universelle — entre tant d'autres — dans la croyance tradition
nelle que seule l'initiative des gouvernements peut engendrer des créa
tions effectives. Ils négligent aussi le fait du dédoublement fonctionnel
qui donne aux autorités constitutionnelles des Etats compétence pour
être les agents de réalisation du Droit international, que celui-ci soit
ou non d'essence conventionnelle. Surtout, sont-ils obnubilés par le faux
dogme de la souveraineté considérée comme attribut originaire essent
iel de l'Etat-personne et dont les abandons ne se présumeraient pas (6) .
Mais ce n'est pas seulement en économie politique que derrière ce
qu'on voit il y a ce qu'on ne voit pas, comme disait Bastiat, c'est dans
tous les rapports humains et la for

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents