Le « droit à l intimité » aux Etats-Unis. - article ; n°2 ; vol.17, pg 365-376
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Le « droit à l'intimité » aux Etats-Unis. - article ; n°2 ; vol.17, pg 365-376

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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1965 - Volume 17 - Numéro 2 - Pages 365-376
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Wienczyslaw J. Wagner
Le « droit à l'intimité » aux Etats-Unis.
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 17 N°2, Avril-juin 1965. pp. 365-376.
Citer ce document / Cite this document :
Wagner Wienczyslaw J. Le « droit à l'intimité » aux Etats-Unis. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 17 N°2, Avril-juin
1965. pp. 365-376.
doi : 10.3406/ridc.1965.14193
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1965_num_17_2_14193« DROIT A L'INTIMITÉ» AUX ÉTATS-UNIS LE
par
WlENCZYSLAW J. WAGNER
Professeur à Indiana University
I. — Esquisse historique de la question
On pense généralement que le « droit à l'intimité » (1) dans le sys
tème du droit américain est d'origine récente, et que l'ancienne com
mon law ne le connaissait pas. Ceux qui le croient ont très probable
ment raison.
Cependant, quelques savants juristes voient l'origine du droit à
l'intimité dans une espèce anglaise ancienne, de 1348, /. de S. et ux.
v. W. de 8. (2), dans laquelle le défendeur se rendit une nuit à la
taverne des demandeurs pour leur acheter du vin ; la porte étant fer
mée, il commença à la heurter avec la hachette qu'il tenait à la main.
La demanderesse passa la tête à la fenêtre et lui demanda de cesser.
Ce qui se passa ensuite n'est pas tout à fait clair. Le jugement est
écrit en vieux français et peut être compris de manières différentes.
Le défendeur continua à manipuler sa hachette (l'expression utilisée
dans le texte du jugement est « /erist ») ; il n'apparaît pas claire
ment s'il chercha à frapper la femme ou s'il continua seulement à
heurter la porte. En tout cas, bien que la demanderesse n'eût pas été
atteinte, des dommages-intérêts lui furent alloués, parce qu'un
« mal » avait été commis.
Quel était ce « mal », reconnu par le juge ? Si le défendeur s'était
attaqué à la femme, il s'agissait évidemment d'une agression (assault) ,
l'un des délits civils classiques du droit anglo-saxon. Autrement, le
jugement doit être considéré comme poussant très loin la protection
de l'inviolabilité de la personne et de sa tranquillité morale, ou même
comme reconnaissant pour la première fois dans les annales judiciai
res le droit à l'intimité.
En soulignant les deux possibilités d'interprétation du juge-
(*) Le texte de cet article reprend en partie celui d'une communication faite par
l'auteur à Nancy le 29 mai 1963 lors des Journées d'histoire du droit.
(1) Cette expression traduit sans doute mieux l'idée du droit américain connu comme
« the right of privacy » que ne le ferait une traduction littérale : t droit à la vie privée ».
(2) Y.B. Liber Assisarum f. 99, pi. 60 (1348).
24 366 LE « DROIT A L'INTIMITÉ » AUX ÉTATS-UNIS
ment, son traducteur en anglais, le professeur Woodbine, incline à
la première. Mais les professeurs Green, Malone, Pedrick et Rahl,
dans leur recueil des espèces sur la responsibility civile délictuelle et
quasi délictuelle, classifient cette espèce comme un important précé
dent non seulement dans le droit de l'agression mais aussi dans celui
de l'intimité (3).
Quoi qu'il en soit, pendant les quatre siècles et demi qui suivi
rent, le droit à l'intimité ne fut jamais mentionné par les cours an
glaises et américaines. Cependant, le développement de la presse et la
liberté dont elle jouissait de publier des détails intimes de la vie des
individus rendaient la reconnaissance et la délimitation définitive de
ce droit de plus en plus nécessaires. Selon la définition de Cooley,
de 1888 (4), le droit à l'intimité n'est rien autre que le droit à « être
laissé tranquille ». La doctrine américaine a devancé la doctrine an
glaise et il est intéressant de noter que, dans un pays où les tribunaux
plutôt que la doctrine établissent la voie que le développement du
droit doit suivre, c'est un article publié dans une revue juridique qui
donna l'essor final à l'idée de protection de l'intimité. La première
discussion de ce droit eut lieu dans un essai de 1860 mais ce n'est que
trente ans plus tard que l'idée fut présentée avec une force de per
suasion suffisamment grande pour remporter, peu après, une victoire
éclatante.
L'article en question est né de l'atmosphère de potins qui enva
hissait la haute société bostonienne à la fin du siècle dernier.
Mme Samuel D. Warren, fille d'un sénateur et femme d'un avocat et
industriel, menait une vie très active et son salon était largement
ouvert. Les journaux de Boston s'efforçaient d'obtenir tous les dé
tails possibles sur ce qui se passait chez les Warren afin de les pu
blier. Lors du mariage de la fille des époux Warren, les informations
données par la presse devinrent plus embarrassantes et les comment
aires plus insolents que jamais. C'est alors que Warren et son asso
cié, Louis D. Brandeis (qui devait être plus tard l'un des juges les
plus célèbres de la Cour Suprême des Etats-Unis), écrivirent et pu
blièrent, en 1890, leur article classique sur le droit à l'intimité (5)
qui devint par la suite le fondement théorique d'une nouvelle bran
che du droit américain, branche qui continue à ne pas être reconnue
en Angleterre comme autonome et protégeant l'individu sans que ses
droits traditionnels soient violés.
Les auteurs de l'article donnèrent un aperçu historique de la
common law qui changeait avec le développement des relations socia
les et offrait une protection de plus .en plus étendue à la personne
et aux biens des individus. Ainsi, à la responsabilité pour voies de
fait (battery) le droit avait ajouté, au cours du xiv° siècle, la re
sponsabilité pour agression et diffamation ; au xvie siècle, le droit à
(3) Cases on the Law of Toris, pp. 4-5, 14 (1957).
(4) Torts, p. 29 (1888).
(5) « The Right to Privacy », 4 Harvard Law Review, p. 193 (1890). LE « DROIT A L'INTIMITÉ » AUX ÉTATS-UNIS 367
la propriété littéraire avait été réglementé, etc. Il était temps, conti
nuèrent les auteurs, de reconnaître le droit à l'intimité et, en donnant
des exemples d'atteintes (commises surtout par la presse) portées
à l'intérêt qu'ont les individus à la tranquillité du foyer familial et
à l'exclusivité des informations concernant leurs activités personnell
es, ils proposèrent les règles générales du nouveau droit et ses l
imites.
L'article eut un grand retentissement dans les cercles juridiques
américains où l'accueil fut généralement favorable, et quelques tr
ibunaux inférieurs accordèrent des dommages -intérêts fondés sur la
violation du droit à l'intimité. Cependant, la décision rendue en 1902
dans la première espèce célèbre examinée par une des cours suprêmes
des Etats américains après la publication de l'article rejeta l'idée du
droit à l'intimité comme une institution de la common law, par une
majorité de quatre juges contre trois. Dans cette affaire, jugée à
New York, les défendeurs avaient utilisé une photographie de la de
manderesse, une jeune fille, pour la publicité de leur produit. Elle
avait intenté un procès, en invoquant la violation de son droit de
propriété sur son effigie et l'atteinte à son droit à l'intimité, atteinte
qui avait provoqué chez elle un choc psychique qui l'avait obligée à
rester alitée pendant quelque temps.
En déboutant la demanderesse, la cour souligna le manque de
précédents judiciaires pour fonder son action et elle indiqua que seul
le législateur pourrait changer le droit en vigueur. La majorité des
juges craignaient de reconnaître un nouveau droit, dont la violation
pourrait entraîner des litiges multiples, et étaient influencés par le
caractère moral du préjudice. Voici la conclusion de la cour : « II y
a beaucoup d'obligations morales qui sont trop délicates et subtiles
pour être mises en vigueur par la rude méthode des dommages-intér
êts à accorder po

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