Les implications politiques de l introduction du droit français au Japon - article ; n°2 ; vol.43, pg 367-388
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1991 - Volume 43 - Numéro 2 - Pages 367-388
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Eric Seizelet
Les implications politiques de l'introduction du droit français au
Japon
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 43 N°2, Avril-juin 1991. pp. 367-388.
Citer ce document / Cite this document :
Seizelet Eric. Les implications politiques de l'introduction du droit français au Japon. In: Revue internationale de droit comparé.
Vol. 43 N°2, Avril-juin 1991. pp. 367-388.
doi : 10.3406/ridc.1991.2227
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1991_num_43_2_2227R.I.D.C. 2-1991
LES IMPLICATIONS POLITIQUES
DE L'INTRODUCTION DU DROIT FRANÇAIS
AU JAPON
par
Éric SEIZELET
Chargé de recherche au C.N.R.S.
Tous les observateurs s'accordent à dire que la première moitié de
l'ère Meiji (1868-1912) marque l'essor, puis l'apogée de l'influence fran
çaise dans le domaine des institutions et du droit. Depuis qu'en octobre
1858, le baron Gros avait signé le premier traité d'amitié et de commerce
entre la France et le Japon, les relations entre les deux pays n'avaient
cessé de se resserrer. Mais l'impulsion décisive devait venir, quelques
années plus tard, sous du ministre plénipotentiaire Léon
Roches, qui remplaça, en avril 1864, Duchesne de Bellecourt. C'est lui
qui engagea la France du côté du gouvernement shogunal en lutte contre
les loyalistes impériaux soutenus par la Grande-Bretagne et encouragea
le bakufu à se moderniser. Aide tardive et militairement limitée — le
Second Empire étant soucieux de ne pas réitérer en Extrême-Orient la
malencontreuse aventure mexicaine — , qui ne put sauver le régime de la
destruction en janvier 1868 (1).
On aurait pu croire un moment que l'influence française aurait été
doublement hypothéquée, à la fois par le « mauvais choix » effectué par
le gouvernement de Napoléon III et le désastre de Sedan de septembre
1870. Il n'en a rien été, du moins dans l'immédiat, car si les relations
politiques entre Paris et Tôkyô n'ont plus désormais la même intimité
(1) Sur l'influence française dans les dernières années du bakufu, Meron MEDZINI,
French Policy in Japan during the closing years of the Tokugawa Regime, Cambridge (Mass.),
Harvard University Press. Sur les événements ayant conduit à la Restauration de Meiji,
Paul AKAMATSU, Meiji 1868. Révolution et contre-révolution au Japon, Calmann-Lévy,
1968 ; Jacques MUTEL, La fin du shôgunat et le Japon de Meiji 1853/1912, Hatier, 1970,
p. 41 et s. Également, sous la direction de Francine HERAIL, Histoire du Japon, Horvath,
1990, p. 415 et s. REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 2-1991 368
qu'avant la chute du shôgunat, elles n'en demeurent pas moins essentielles
pour assurer l'objectif de modernisation tous azimuts que le gouvernement
de la Restauration s'était assigné : faire du Japon une nation riche et forte,
fukoku kyôhei, maintenir l'indépendance nationale contre les convoitises
étrangères et obtenir des Puissances la reconnaissance de relations égalitai-
res. Les positions de la France étaient même d'autant plus fortes, qu'en
dépit de la défaite contre l'Allemagne, le Gouvernement de Meiji ne
pouvait se permettre de faire table rase de la précieuse expérience léguée
par ses prédécesseurs et entamer sa crédibilité internationale par de brus
ques retournements politiques susceptibles de remettre en cause l'ouver
ture de l'archipel (2).
Dès l'orée du règne de l'empereur Meiji, dans le fameux Serment
des Cinq articles d'avril 1868, que certains analystes n'ont pas manqué
de comparer à la Déclaration française des Droits de l'Homme et du
Citoyen (3), dans le Livret sur le Gouvernement de juin 1868, qui passe
pour être la première formulation de type constitutionnel du nouveau
pouvoir, ne promet-on pas des « assemblées délibératives », la « participa
tion, d'un seul cœur, des supérieurs et des inférieurs aux affaires du
gouvernement », la séparation des pouvoirs en bref, l'introduction des
principes fondamentaux de représentation et de démocratie qui sont à la
base des grands régimes politiques occidentaux ? Une détermination qui
s'inscrit dans le cadre d'une politique d'ouverture confirmée : « la prospér
ité du gouvernement impérial s'appuiera sur la recherche des connaissa-
nes dans le monde ». Par là même, le nouveau gouvernement s'engageait
à s'ouvrir dans tous les domaines à l'Occident, mais, il convient de le
noter, dans le cadre d'un processus de réception à la fois maîtrisé et
finalisé : la consolidation du régime impérial. En introduisant les pratiques
et les institutions occidentales, le Japon entend participer de leur force
et entrer dans le concert des grandes nations « civilisées (4). Dans cette
perspective, le Japon entend faire jouer la concurrence : l'influence fran
çaise n'est plus exclusive : elle doit se mesurer aux influences anglo-
saxonnes et germaniques. L'enjeu est de taille, puisqu'il ne s'agit pas
seulement d'affinités intellectuelles ou d'efficacité industrielle ou économiq
ue. Des choix opérés par le gouvernement nippon dépendent en effet
la nature même du régime. Ces choix stratégiques s'inscrivent par ailleurs
dans un environnement politique complexe, où se mêlent très étroitement
les considérations d'ordre international d'une part — la révision des traités
inégaux — , et les problèmes d'ordre interne d'autre part : les effets
(2) Les Français continuèrent ainsi à jouer un rôle important dans la modernisation
des institutions militaires du Japon impérial, au moins jusqu'au début des années 1880. Pour
une étude de la contribution particulière de Charles Albert du BOUSQUET, officier
membre de la mission militaire française venue au Japon en 1867, UMETANI Noboru,
Meiji zenki seiji-shi no kenkyû (Histoire politique de la première moitié de l'ère Meiji),
Tôkyô, Miraisha, 1977, p. 107 et s.
(3) Jacques ROBERT, Le Japon, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1970,
p. 239.
(4) Bruno GOLLNISCH, Ouverture du Japon et droit de l'Occident, thèse pour le
doctorat d'État en Droit, Université de Droit, d'Économie et des Sciences sociales de Paris
(Paris II), 1978, dactylographiée, 2 vol. E. SEIZELET : BOISSONADE 369
déstabilisateurs d'une opposition libérale à la nouvelle oligarchie impériale
issue des grands fiefs loyalistes du sud-ouest.
LES ENJEUX EXTERNES DE LA MODERNISATION DU DROIT
ET LA QUESTION DE LA RÉVISION DES TRAITÉS INÉGAUX
A partir du milieu du XIXe siècle, s'effectue au Japon une prise de
conscience de la menace que fait encourir à l'Empire la poussée occident
ale en Asie. L'incapacité du régime féodal à répondre à ce défi historique
va certes accélérer l'écroulement du bakufu, et si, dès lors, le choix en
faveur de l'ouverture apparaît à peu près acquis dès les premiers temps
de la Restauration, en dépit d'inévitables turbulences, il engendre cepen
dant de nouveaux facteurs de tensions : l'intégration du Japon dans le
concert des nations offre aux grandes puissances de multiples occasions
d'ingérence qui entament la capacité de manœuvre de la diplomatie japo
naise. La nature et la portée des réformes institutionnelles induites par
la conduite de l'ouverture — création d'un État de droit, codification du
droit et avènement d'un régime constitutionnel — est un facteur de divi
sion au sein de l'oligarchie dirigeante. Enfin le rythme même de ces
réformes peut être source de nouvelles difficultés : trop de précipitation
augmente le risque d'une réaction nationaliste de rejet à l'intérieur et de
méfiance à l'extérieur. Un excès de lenteur fournit aux Puissances le
prétexte à de nouvelles exigences elles-mêmes sources de nouvelles pertur
bations...
Les traités inégaux et la construction d'un État de droit au Japon
On rappellera tout d'abord que l'on désigne sous l'appellation de
« traités inégaux », fubyôdô jôyaku, les traités conclus par le Japon avec
les États-Unis, la Hollande, la Russie, la Grande-Bretagne et la France
au cours de l'ère

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