Quelques problèmes juridiques découlant de l affaire tchécoslovaque - article ; n°1 ; vol.14, pg 15-42
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Description

Annuaire français de droit international - Année 1968 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 15-42
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Georges Fischer
Quelques problèmes juridiques découlant de l'affaire
tchécoslovaque
In: Annuaire français de droit international, volume 14, 1968. pp. 15-42.
Citer ce document / Cite this document :
Fischer Georges. Quelques problèmes juridiques découlant de l'affaire tchécoslovaque. In: Annuaire français de droit
international, volume 14, 1968. pp. 15-42.
doi : 10.3406/afdi.1968.1480
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1968_num_14_1_1480QUELQUES PROBLEMES JURIDIQUES
DÉCOULANT DE L'AFFAIRE TCHÉCOSLOVAQUE
Georges FISCHER
L'invasion de la Tchécoslovaquie, dans la nuit du 20 au 21 août 1968 par
les troupes de l'U.R.S.S., de la R.D.A., de la Bulgarie, de la Hongrie et de la
Pologne, soulève de nombreux problèmes juridiques. Ici nous nous proposons
de n'en examiner que trois : La légitime défense peut-elle être invoquée ?
Existe-t-il des règles particulières à la communauté socialiste applicables en
l'occurrence ? L'accord sur le stationnement des troupes soviétiques présente-
t-il des caractères particuliers ?
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de rappeler que les normes
du droit international ont leur validité propre, indépendamment de leur
application par tel ou tel pays. Mais la pratique d'un Etat est intéressante
comme preuve subsidiaire de la validité d'une norme. Elle permet aussi
d'illustrer la manière dont cet Etat conçoit la nature des relations internat
ionales. Dans les pages qui suivent nous nous proposons essentiellement
d'insister sur la doctrine et la pratique soviétiques et de montrer la contra
diction qui existe entre celles-ci, d'une part, et les récentes mesures prises
par PU.R.S.S., d'autre part.
A
L'interdiction du recours à la force ou de la menace de recourir à la force
est le principe fondamental de la société internationale actuelle. Elle est le
résultat d'une évolution récente. Si les conventions de La Haye de 1899 et
1907 ont défini et limité le droit de la guerre, le Pacte de la S.D.N. a limité le
jus ad bellum, c'est-à-dire le droit à la guerre ou le droit de faire la guerre.
En 1929, les signataires du Pacte Briand-Kellogg renoncent à ce droit qui est
supprimé, dans des conditions nouvelles et d'une façon encore plus précise, par PROBLÈMES JURIDIQUES 16
la Charte des Nations Unies, instrument proclamant le jus contra helium, et le
jus ad pacem (1) .
L'article 2 (4) de la Charte interdit l'usage de la force ou la menace de la
force. A cette interdiction, la Charte n'admet que des exceptions limitative-
ment énumérées : l'action collective prévue par le Chapitre VII; les mesures
coercitives prises, sous l'autorité du Conseil de sécurité, par des organismes
régionaux (art. 53) ; la légitime défense (art. 51) ; l'action entreprise contre un
Etat ex-ennemi (disposition transitoire de l'article 107 ainsi que l'art. 53).
Sans doute la conception centralisée de l'utilisation de la force, conception
qui a été celle des auteurs de la Charte, ne s'est-elle pas traduite dans la
pratique, en raison de la situation que l'on connaît. En dépit de celle-ci et de
nombreux échecs, l'O.N.U. s'est montrée plus utile et même plus efficace
qu'il n'apparaît à certains esprits simplistes. En tout cas l'échec de l'O.N.U.
sur certains points ne peut avoir pour effet de remettre à l'honneur des
pratiques que l'esprit et la lettre de la Charte ont définitivement condamnées.
Après tout le droit international ne dispose pas encore d'un système de
sanctions institutionnalisé et centralisé comparable à celui qui existe dans
l'ordre interne. Mais outre que la distinction entre les deux catégories de
droit apparaisse à la réflexion moins évidente qu'elle ne paraît, la règle de
droit international ne demeure pas moins obligatoire pour les Etats que la
règle de droit interne pour les justiciables de cet ordre. Le plus connu des
spécialistes soviétiques du droit des gens, Tunkin, réplique à ceux qui ne
conçoivent pas l'existence d'une norme juridique internationale sans la compét
ence obligatoire d'une juridiction internationale : « En faisant dépendre
l'acceptation d'une règle de fond de l'existence de telle ou telle forme de
règlement international obligatoire, on ne ferait qu'entraver le développe
ment du droit » (2) .
Au Conseil de sécurité, l'Ambassadeur Malik, au nom de l'U.R.S.S., a eu la
tâche difficile de justifier l'action soviétique en Tchécoslovaquie. Il a invoqué
la légitime défense stipulée par l'article 51 de la Charte et par le pacte de
Varsovie (3). Il a cité, la faisant sienne, la déclaration du 21 août 1968 de
l'Agence Tass : « La nouvelle aggravation de la situation en Tchécoslovaquie
menace les intérêts vitaux de l'U.R.S.S. et d'autres pays socialistes, les intérêts
de la sécurité des Etats de la Communauté socialiste » (4) . Il a affirmé que
l'article 2 (4) ne s'appliquait pas en l'occurrence, car l'entrée des troupes
étrangères en Tchécoslovaquie ne portait atteinte ni à l'intégrité territoriale
ni à l'indépendance politique de ce pays ni aux intérêts de sa population (5) .
(1) Voir un bon résumé de cette évolution, fait récemment par le délégué de la Pologne
dans A/ AC. 125/SR. 64.
(2) Annuaire de la Commission du Droit International, 1966, vol. I, lre partie, p. 35.
(3) S/PV. 1441, pp. 2, 41, 42, 117.
(4) Ibid., pp. 37, 52.
(5) S/PV. 1443. de l'affaire tchécoslovaque 17
II a enfin donné quelques indications sur la nature des actes à l'égard
desquels le droit de légitime défense est censé s'exercer : il s'agit en Tché
coslovaquie d'une « conspiration dangereuse de forces intérieures et exté
rieures » (6) . « On connaît bien aussi le rôle important joué par la Tchécoslo
vaquie dans la prétendue nouvelle politique orientale du Gouvernement de la
R.F.A., qui veut ébranler la cohésion de la communauté socialiste et dont
l'objectif est de réaliser, d'une manière ou d'une autre, les désirs de revanche
que l'Allemagne ne peut atteindre que par la force des armes » (7) . Mais
aucun commencement de preuve n'est fourni et M. Malik ne peut incriminer
que « les prêts financiers, les promesses d'ordre économique » (8) . Sans doute
la grande méfiance dont l'U.R.S.S. témoigne à l'égard de l'Allemagne est parfai
tement compréhensible, mais ce qui est ici mis en cause est bien davantage
une diplomatie que des actes de conspiration ou de subversion. Cette diplo
matie peut déplaire à Moscou, elle n'en est pas moins légitime au regard du
droit des gens. La peur des effets d'une diplomatie dénote chez les Soviétiques
un curieux sentiment de leur faiblesse. En tout cas, la nouvelle diplomatie
allemande qui est ici dénoncée, pour habile qu'elle soit, représente tout de
même une rupture avec la doctrine Hallstein et les anciennes positions dont
la R.F.A. reconnaît ainsi implicitement le caractère erroné. D'autre part, il est
clair que l'Allemagne ne peut agir seule mais seulement dans le cadre d'une
alliance. Or, celle-ci se trouvait, avant le 21 août, dans un état de faiblesse et
de dissolution que les auteurs soviétiques eux-mêmes se plaisaient à souli
gner (9) .
Examinons ces déclarations à la lumière du droit. Il convient d'insister
d'abord sur la portée générale de l'interdiction formulée par l'article 2 (4) . Ce
texte dérive de l'article 10 du Pacte de la S.D.N., qui éliminait les « servitudes
résultant des abus de pouvoir des plus forts ...» (10) .
La formulation a été prise par la résolution XV de la conférence de La
Havane (juillet 1940) ainsi qu'à la conférence de Mexico Çity (février-mars
1945) et elle couvrait manifestement tout usage de la force et toute menace
d'un tel usage (11) . Les travaux de San Francisco montrent que l'on entendait
donner au texte un sens aussi compréhensif et large que possible et ceci en
dépit du fait qu'en raison de l'opposition de certains pays tels les Etats-Unis, il
n'a pas été possible de rédiger l'article 2 (4) de manière à garantir automatique
ment

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