1°) La BNF, ou comment sortir d’une culture élitiste et dispendieuse
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Samuel MAINGUY Philippe STAMENKOVIC LA MODERNISATION DE LA GRH A LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE Centre de gestion scientifique – Ecole des Mines de Paris Bibliothèque nationale de France TABLE TABLE................................................................................................................................................................... 2 INTRODUCTION.................. 3 1. LA BNF, UN ETABLISSEMENT EN PLEINE TRANSFORMATION CONFRONTE A UNE MODERNISATION DE SES PRATIQUES DE GESTION. ............................................................................ 6 1.1. PAR LE PASSE, LA BNF FONCTIONNAIT GRACE AU SYSTEME DES CORPS. ...................................................... 6 1.2. LES NOUVELLES DYNAMIQUES PROFESSIONNELLES ................................................................................... 10 1.3. UN NOUVEAU CADRE GESTIONNAIRE QUI OBLIGE LA DRH A ELABORER DES OUTILS DE GESTION QUI RENCONTRENT DES DIFFICULTES D’APPLICATION.............................................................................................. 16 1.3.1 Les contraintes..... 16 1.3.2 Les réponses apportées par la DRH à ces défis compliqués .............................................................. 19 2. LE REFERENTIEL, VECTEUR D’UNE GRH PLUS ADAPTEE A LA BNF. ....................................... 22 2.1. LE REFERENTIEL : UN NOUVEAU GRAND CHANTIER POUR LA BNF............. ...

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 LA MODERNISATION DE LA GRH A LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE   
Samuel MAINGUY Philippe STAMENKOVIC                          Centre de gestion scientifique – Ecole des Mines de Paris Bibliothèque nationale de France
TABLE TABLE ................................................................................................................................................................... 2 INTRODUCTION................................................................................................................................................. 3 1. LA BNF, UN ETABLISSEMENT EN PLEINE TRANSFORMATION CONFRONTE A UNE MODERNISATION DE SES PRATIQUES DE GESTION. ............................................................................ 6 1.1. PAR LE PASSE,LABNFFONCTIONNAIT GRACE AU SYSTEME DES CORPS. ...................................................... 6 1.2. LES NOUVELLES DYNAMIQUES PROFESSIONNELLES................................................................................... 10 1.3. UN NOUVEAU CADRE GESTIONNAIRE QUI OBLIGE LADRHA ELABORER DES OUTILS DE GESTION QUI RENCONTRENT DES DIFFICULTES DAPPLICATION.............................................................................................. 16 1.3.1 Les contraintes.................................................................................................................................... 16 1.3.2 Les réponses apportées par la DRH à ces défis compliqués .............................................................. 19 2. LE REFERENTIEL, VECTEUR D’UNE GRH PLUS ADAPTEE A LA BNF. ....................................... 22 2.1. LE REFERENTIEL:UN NOUVEAU GRAND CHANTIER POUR LABNF.............................................................. 22 2.1.1 Présentation détaillée du projet.......................................................................................................... 22 2.1.2 Les usages du référentiel à la BnF ..................................................................................................... 23 2.1.3 Notre intervention dans le projet ........................................................................................................ 25 2.2. LES ENJEUX LIES A LANALYSE DES METIERS............................................................................................. 26 2.2.1. Etude des métiers de la photographie................................................................................................ 26 2.2.3 Etude des métiers de la production culturelle .................................................................................... 27 2.2.3. Enseignements tirés de l’étude des métiers ....................................................................................... 28 2.3. VERS UNE MODERNISATION DE LAGRH. ................................................................................................... 31 CONCLUSION.................................................................................................................................................... 32 ANNEXES ........................................................................................................................................................... 34 ANNEXE1 :CARTOGRAPHIE DES EMPLOIS DE LABNF....................................................................................... 34 ANNEXE2 :EXEMPLE DE FICHE EMPLOI(PHOTOGRAPHE). ................................................................................ 35 
 
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Résumé.    La Bibliothèque Nationale de France (BNF) est toujours considérée par le public comme le temple de la conservation du livre ; ce sont les corps de métiers de conservateur ou magasinier avec de fortes traditions culturelles qui ont longtemps permis de gérer le fonctionnement de cette institution. Mais, alors que le monde des bibliothèques s’est considérablement transformé dans les années 70-90, l’ancêtre de la BNF a préféré rester centrée sur ses missions patrimoniales. Ce sera la décision de construire le nouveau site de Tolbiac et d’y déménager une grande partie des collections qui sonnera comme la renaissance de l’établissement engagé dans de profonds bouleversements : l’arrivée de l’informatique, l’ouverture au grand public ou le développement d’une activité culturelle intense. Au départ, de larges moyens budgétaires, matériels et humains sont alloués pour répondre à ces défis ; par exemple les moyens humains concernent l’arrivée de nouveaux métiers (dans les ressources humaines ou l’informatique) ou la professionnalisation d’autres (dans le bâtiment) qui engendrent une multiplication des statuts. Or, depuis quelques années, le contexte budgétaire et d’effectifs se tend de plus en plus, ce qui conduit le ministère de tutelle de la BNF (culture et communication ) à exiger des efforts soutenus de changement des pratiques de gestion. C’est dans ce cadre que la BNF, et notamment sa DRH, a lancé de nombreux chantiers de modernisation pour atteindre ses nouvelles ambitions. Parmi eux, la mise en place d’un référentiel des emplois et des compétences tient une place privilégiée, parce qu’elle porte directement sur les métiers de l’institution, qu’elle peut contribuer à faire évoluer. Objet de notre étude d’octobre 2004 à juin 2005, le référentiel recouvre une double forme : il se constitue à la fois d’une cartographie professionnelle de l’établissement, et d’un classeur de fiches emplois décrivant les emplois et les compétences associées. L’utilisation actuelle du référentiel prend une tournure originale car ce sont moins les usages classiques (aide au recrutement, à la formation, à la mobilité, aux entretiens annuels d’évaluation) plutôt contraints à la BNF qui semblent s’affirmer, qu’un usage informatif et pédagogique : le simple partage de connaissance sur les métiers constitue déjà une avancée majeure vers une meilleure reconnaissance mutuelle entre agents, que les corps et les statuts ont eu tendance à éloigner. Notre participation à diverses réunions sectorielles d’élaboration du référentiel nous a permis de prendre conscience de l’importance d’une étude méticuleuse des métiers, de leur évolution professionnelle ou des questions organisationnelles pour que le référentiel puisse jouer son rôle d’outil de gestion. De plus, à partir de l’analyse des métiers de la photographie et de la production culturelle, il nous est apparu qu’il est essentiel d’adopter une vision dynamique et non statique des métiers et d’accorder plus de place à la réflexion sur les compétences, concept neuf dans la fonction publique et porteur de beaucoup de fantasmes et d’incompréhension.   Il est également mis l’accent sur l’angle novateur des métiers qu’offre le référentiel pour aborder des questions stratégiques. Des propositions sont ainsi formulées pour tenter d’initier cette vision prospective, pouvant mener par exemple à une meilleure gestion des compétences pour les projets d’avenir ou les départs en retraite.  Toutefois, la question de l’utilisation et de la mise à jour du référentiel, et donc d’une modification substantielle des pratiques de management, reste entière, et conditionnera évidemment la réussite de ce projet ambitieux.
 
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Introduction  La Bibliothèque nationale de France (BnF), établissement public à la tradition historique forte, est une institution privilégiée, presque sacrée, de l’administration culturelle française, un véritable temple de la conservation patrimoniale : c’est l’image qu’elle possède d’ailleurs auprès du grand public, son aspect le plus connu. Elle constitue une bibliothèque de dernier recours, et sa mission première reste la conservation, à travers l’accroissement et la gestion des fonds patrimoniaux. Ses métiers ont longtemps été exclusivement ceux de la bibliothéconomie traditionnelle (conservateur, catalogueur, magasinier), soumis aux règles de gestion des corps de fonctionnaires. Il s’agit de métiers anciens, institutionnalisés, ayant peu évolué au fil du temps, et aux missions claires, qui se confondaient originellement avec le corps d’appartenance : gérer des fonds pour les conservateurs, les rendre accessibles par le catalogage pour les, transporter, équiper, ranger les livres pour les magasiniers. Ainsi, la gestion de l’établissement était effectuée localement, directement au niveau des métiers, les agents étant pilotés par le système des corps. D’autre part, on y cultivait la noblesse de l’expertise et de l’autonomie, représentée par des métiers culturels prestigieux, comme conservateur, par opposition aux fonctions purement gestionnaires qui étaient déconsidérées.  Cependant, l’établissement a récemment vécu une véritable transformation, également connue du grand public. Son changement de nom (de Bibliothèque nationale à Bibliothèque nationale de France) coïncide avec deux bouleversements majeurs : - le déménagement au début des années 90, sur le nouveau site de Tolbiac, caractérisé par une architecture moderne et originale, avec ses quatre tours en forme de livres,. - l’ouverture au « grand public » (c’est-à-dire l’inscription de la communication des documents au public en tant que mission fondamentale), par opposition à l’ancien système de la Bibliothèque nationale, exclusivement réservé à un public de chercheurs.   Dans un tel contexte, la BnF a engagé de profondes réformes, notamment sur le plan gestionnaire ( ;) il s’agit cette fois d’un changement peu connu de l’extérieur, mais dont tout le personnel en interne s’accorde à souligner l’importance l’établissement s’est en effet lancé, dans le cadre de son programme d’action officiel 2004 – 2007, dans une vague de réformes de gestion, notamment de ressources humaines (RH), conformément au troisième objectif du programme. Cette réforme doit passer par « des évolutions notables dans la gestion des ressources humaines », qui incluent « la réalisation d’un référentiel des emplois ». Cet outil se présente sous la forme d’une cartographie professionnelle de l’établissement d’une part, et de fiches emplois décrivant les activités et les compétences des agents d’autre part. Il doit remplir plusieurs objectifs RH : amélioration de la visibilité des activités des agents (refonte de la base des fiches de poste), communication interne, aide à la formation, création de filières de mobilité, support aux entretiens annuels d’évaluation et au recrutement. D’autres objectifs sont également énoncés dans ce programme d’action : le développement des compétences de gestion administrative, la déconcentration de la GRH, des progrès dans la communication interne, l’amélioration du pilotage des activités avec le projetinfocentre, le développement de la transversalité et une clarification des responsabilités.   
 
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  L’étude que nous avons été chargés de réaliser concerne la mise en place de ce référentiel. Il s’est agi de fournir à la DRH de la BNF un soutien méthodologique pour l’élaboration du référentiel, en s'intéressant le plus en « amont » possible aux usages qui seront faits de cet outil, mais également de commencer à construire concrètement les premières fiches d’emplois.   A partir de cette position, nous avons été amenés à aborder deux séries de questions qui éclairent à la fois la spécificité des réformes en cours à la BNF, mais aussi la dynamique des pratiques de gestion d’une institution culturelle publique :   de réformes de gestion, illustrées notamment parPourquoi un tel mouvement l’élaboration d’un référentiel des emplois ? Pourquoi nous a-t-on demandé de travailler sur un référentiel ? Comment notre intervention s’inscrit-elle dans ce contexte ? En effet notre sujet d’étude peut paraître incongru dans un milieu avec une telle culture gestionnaire. Nous répondrons à ces questions dans la première partie.   Quelles sont les difficultés rencontrées par l’établissement dans la mise en place de ces réformes ? Quels sont les enjeux associés au référentiel, au-delà de sa fonction purement RH, et comment initier la modernisation des pratiques de GRH de la BnF à travers le projet ? Ceci sera l’objet de la deuxième partie.          
 
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1. La BNF, un établissement en pleine transformation confronté à une modernisation de ses pratiques de gestion.  Pour comprendre l’ampleur des transformations rencontrées par la BNF depuis la création du site de Tolbiac, il est nécessaire de se plonger dans le fonctionnement de la Bibliothèque Nationale, qui parvenait à gérer ses activités grâce au système des corps commun à toute la fonction publique. Cependant, en passant à une stratégie beaucoup plus ambitieuse, la BNF a dû développer de nouveaux modes de gestion complémentaires des corps. En effet, pour gérer les nouveaux défis qui se posent à elle, la BNF a accueilli de nouveaux métiers et conséquemment de nouveaux statuts. Pour accompagner ces transformations, la BNF, notamment la DRH, s’est engagée dans de nombreuses réformes. Néanmoins, les marges de manœuvre dont elle dispose sont contraintes par son statut d’établissement public, qui lui impose de définir des plans d’action compatibles avec les règles de la fonction publique. 1.1. Par le passé, la BnF fonctionnait grâce au système des corps.  Le système des corps a permis à la plus grande bibliothèque patrimoniale de France de fonctionner pendant longtemps. Cependant, les corps ont pu gêner la modernisation de la BN lors des grandes transformations que le monde des bibliothèques a connues depuis 50 ans.  Organisation de l’activité grâce aux corps  En premier lieu, rappelons que la Bibliothèque Nationale est l’unique bibliothèque patrimoniale française détentrice du dépôt légal. Cette procédure particulière, instaurée en 1537 sous François 1erou diffuseurs en France à remettre à la BN un, oblige les éditeurs certain nombre d’exemplaires de tout ouvrage publié. Le dépôt légal constituait ainsi la principale source d’entrée pour tous les types de documents, qu’ils soient imprimés, audiovisuels, musicaux ou photographiques, car les crédits d’acquisition étaient limités à l’époque. Un département, dit du dépôt légal, est dédié à la réception et au catalogage des documents entrés par cette procédure.  Les ouvrages sont alors répartis dans les différents départements spécialisés selon le type de support : -le département des manuscrits -le département des imprimés, le plus important. Il accueille en effet les millions de livres imprimés depuis l’invention de Gutenberg. On y trouve également des bibliothèques personnelles d’écrivains comme celles de Maurice Barrès ou d’Anatole France. -le département des périodiques -le département de l’audiovisuel qui contient notamment une collection exemplaire de cylindres, ancêtres du disque plat. Epoque oblige, la garde républicaine ou les chanteurs de tyroliennes constituent la majorité de ces collections de cylindres. -le département des estampes et photographies dont les pièces notables comprennent une très riche collection de plus de 16000 œuvres de Rembrandt. -le département des cartes et plans, qui héberge la plus ancienne carte marine occidentale connue : la carte dite pisane, d’origine génoise, date de la fin du XIIIème siècle. -le département des médailles, né de la collection des rois de France -le département de la musique dont les pièces maîtresses comptent des manuscrits autographes tels le Don Giovanni de Mozart ou la sonate Appassionata de Beethoven.
 
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-le département de la réserve des livres rares dont deux exemplaires de la bible de Gutenberg se distinguent parmi de nombreuses merveilles.  Le système des corps permet alors de gérer les activités de chacun de ces départements spécialisés. En effet, les textes régissant les corps de la fonction publique précisent les missions et les activités que peuvent être amenés à accomplir les titulaires de ces corps. Les corps sont divisés en catégories A, B et C, et se rapportent à la nature des tâches demandées. Par exemple, aux corps de catégorie C sont associées des missions d’exécution, de catégorie B des missions d’organisation et de catégorie A des missions de conception. A la BN, trois corps principaux peuvent être distingués à l’intérieur d’un département, qui constitue le niveau hiérarchique et fonctionnel pertinent pour étudier l’organisation de la BN : -le corps des magasiniers, corps de catégorie C, chargés de transporter les livres dans le respect des règles de conservation. -le corps des bibliothécaires adjoints spécialisés, corps de catégorie B. Ce corps, accueille des personnes formées aux techniques pointues de catalogage. Il fournit le bataillon de catalogueurs chargés de rédiger les notices papier et les fichiers d’autorités. Le catalogage est le nerf central de toutes les autres activités car il va permettre de retrouver un document parmi des millions : une notice mal rédigée peut condamner un document aux oubliettes de l’histoire patrimoniale. -le corps des conservateurs de bibliothèques, corps de catégorie A, est notamment responsable de la politique scientifique et de la qualité et cohérence générale du catalogue. C’est pourquoi chaque département spécialisé reprend systématiquement les notices rédigées dans un premier temps par les catalogueurs du dépôt légal. Les notices complètement retravaillées font alors l’objet d’un complexe circuit de validation pris en main par les conservateurs. Ils relisent et valident en effet les notices réalisées par les catalogueurs avant qu’elles ne soient mises à disposition du public et incluses dans les ouvrages de référence nationale voire internationale publiées par la BN : le catalogue et les bibliographies nationales, édités régulièrement par la BN, servent en effet à chaque bibliothèque et documentaliste de France. Les conservateurs assistent également les chercheurs en salles de lecture et peuvent consacrer une part significative de leur temps de travail à des travaux de recherche : ces derniers se basent systématiquement sur les collections dont ils ont la responsabilité et peuvent mener de temps à autre à des publications ou à des expositions.  Ainsi, les corps facilitent le travail du directeur de département car ils précisent clairement la répartition du travail entre les différents agents du département. Mais une caractéristique majeure du système des corps est de déterminer à l’avance le destin des fonctionnaires, limitant ainsi le rôle des encadrants quant à l’activité de gestion du personnel.   Gestion globale du personnel par les corps  Le pilotage du personnel est rendu aisé par le système des corps. En effet, toute la carrière des fonctionnaires travaillant à la BN était écrite dans les textes des corps de la fonction publique. Les directeurs des départements étaient donc délestés d’une partie de la gestion de leur personnel qui était géré depuis les ministères, comme la rémunération, la quasi majorité des questions d’avancement, les départs en retraite ou l’affectation des reçus aux concours. Il est tout de même intéressant de cerner la marge de manœuvre laissée au directeur de département. Ce dernier, appartenant au corps des conservateurs, n’a pas été formé au management car la formation de conservateur se focalisait sur les activités d’expertise des bibliothèques à savoir la connaissance des fonds patrimoniaux, la conservation ou la
 
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constitution d’un catalogue et de bibliographies nationales de référence. Ainsi, le directeur de département ne montrait souvent que peu d’intérêt à s’occuper des problèmes quotidiens et cherchait souvent à donner un maximum d’autonomie aux métiers sous sa responsabilité ; cette délégation de responsabilité se déroulait souvent dans de bonnes conditions car les métiers culturels sont habitués à se gérer par eux-mêmes.  Cette part significative d’autonomie était tout de même encadrée par les relations hiérarchiques induites par la structure des corps. En effet, même si les catalogueurs du corps des bibliothécaires adjoints spécialisés sont plutôt indépendants dans leur travail de catalogage, ils savent que n’importe quel conservateur peut évaluer et critiquer leur travail. Les corps ont aussi instauré des modes de coordination basés sur le respect de la hiérarchie déduite de la répartition des corps en catégories. En classant et en figeant les métiers, le système des corps a généré des sentiments très forts d’appartenance à des groupes basés sur le partage d’une expertise. Ces sentiments de classe simplifient également les activités d’encadrement en restreignant les relations possibles entre les corps : le respect de la stricte voie hiérarchique sonne régulièrement comme un rappel à l’ordre vis-à-vis d’agents ayant outrepassé leurs prérogatives. Un agent doit en permanence se référer à son chef, ce qui réduit énormément les possibilités de communication avec les services et départements autres que le sien.  Une des critiques généralement formulée vis-à-vis du système des corps est son manque de souplesse. En effet, les textes régissant les corps évoluent très lentement, parfois à rebours des évolutions professionnelles. Les corps relatifs à la bibliothéconomie n’ont ainsi quasiment pas changé, tel le corps des conservateurs dont les missions sont restées assez figées malgré la remise en cause induite par la création en 1992 d’un nouveau corps de conservateurs généraux. Or le monde des bibliothèques a connu des transformations spectaculaires dont la plus radicale est l’informatisation. Il est alors légitime de se demander si le système des corps n’a pas gêné la modernisation des métiers de la BN durant cette phase de changements.   Le repli de la BN sur ses missions patrimoniales  Nous allons étudier maintenant les principales évolutions qu’a connues le monde des bibliothèques et le positionnement singulier qu’a choisie la BN face à de telles transformations :   années 1960-1970, la France a pris conscience de son retard important dansDans les le développement de la lecture publique. La lecture était alors réservée à certains privilégiés … « la République des Lettres ». Pour rattraper le retard pris en ce domaine par rapport aux Anglais ou aux Scandinaves, G. Pompidou a lancé la création de bibliothèques municipales et universitaires. L’émergence de ces dernières était de plus en plus attendue sachant que le nombre d’étudiants avait explosé dans les années 70, tel l’effectif de la Sorbonne qui a bondi dans ces années-là de 1500 étudiants à plus de 10000 étudiants. Par exemple, la BPI (Bibliothèque Publique d’Information) connue sous le nom de bibliothèque G.Pompidou avait été conçue à l’origine comme une émanation de la BN pour décharger cette dernière de l’accueil du public étudiant. Par cette décision et par la prise d’autonomie rapide de la BPI vis-à-vis de la BN, la BN se recentrait sur un public d’excellence, le public des chercheurs. De plus, dans cette composition d’un paysage des bibliothèques en France, la BN disposa d’une enveloppe significative pour offrir des services à ce réseau naissant. Mais la BN
 
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absorba semble-t-il ces ressources pour son propre fonctionnement et ne parvint pas à asseoir sa légitimité de tête de réseau des bibliothèques.   eu de politique d’acquisition ambitieuse. L’entrée principale deLa BN n’a jamais documents résidait dans le dépôt légal, sachant que les dons, échanges et acquisitions complétaient le reste des nouvelles entrées. Lorsque les publications étrangères, particulièrement anglophones, montèrent en puissance et entraînèrent le déclin des publications francophones, le budget limité de la BN pour les acquisitions constitua un souci profond : comment répartir ce budget maintenant qu’il était désormais impossible d’espérer maintenir une exigence d’exhaustivité pour un certain nombre de disciplines publiées essentiellement en anglais. La BN a alors recentré ses achats étrangers sur des domaines considérés comme d'excellence dans ses collections : histoire, littérature, philosophie et religions. Parallèlement, les acquisitions étrangères en sciences ont été abandonnées un peu avant le milieu du XXème siècle.   L’arrivée de l’informatique donne un autre exemple de la faible capacité de la BN à s’ouvrir aux changements majeurs du monde des bibliothèques de l’époque. Alors que la bibliothèque du Congrès américain lance son catalogue numérique en 1963, la BN éprouve les plus grandes difficultés notamment matérielles à lancer l’informatique dans ses locaux quasiment 20 ans après, en 1986. Or l’informatique est à l’origine de promesses ambitieuses pour la consultation des catalogues, laissant augurer des lendemains formidables pour l’ouverture des collections à un public mondial grâce à l’idée de bibliothèque numérique.  Enfin, la BN a une tradition séculaire de l’excellence documentaire qui n’est pas sans effet pervers. Les conservateurs ne se résolvent pas à mettre à disposition une notice tant qu’elle n’a pas été validée à plusieurs reprises. Ils s’enorgueillissent ainsi de proposer des ouvrages parfaitement décrits. Ce goût de la perfection a été porté à son acmé au cours de l’épopée du Catalogue des imprimés qui a été édité lettre après lettre. La lettre A a fait l’objet d’une publication en 1889 tandis que la lettre Z n’a été éditée qu’en 1975. Ainsi tous les auteurs, dont le nom commence par A et qui ont été publiés après 1889, n’ont jamais été mentionnés dans le Catalogue des imprimés. Cette volonté de ne proposer que des notices impeccables s’est heurtée à la demande de plus en plus pressante de bibliothécaires et documentalistes de disposer rapidement de notices dans certaines occasions. Comme la BN refusa de transiger sur la qualité de ces notices, un nouvel acteur a émergé sur l’activité du catalogage : les libraires. En effet, pour répondre à cette demande, les libraires ont développé leurs propres notices, disponibles quelques semaines après la sortie d’un ouvrage.  Globalement, ces quatre exemples illustrent les difficiles changements d’orientations professionnels à la BN. Ce repli sur ses fonctions patrimoniales a été critiqué par un certain nombre d’acteurs, politiques ou professionnels des bibliothèques, qui auraient voulu voir la BN jouer un rôle moteur dans les transformations en cours du monde des bibliothèques. Incapable d’impulser des changements de l’intérieur, la BN allait subir une révolution venue de l’extérieur, plus précisément du président François Mitterrand. En effet, alors que la capacité de la BN à recevoir de nouveaux ouvrages arrivait à saturation, Mitterrand trancha entre les différents choix d’évolution de la BN lors du discours programmatique de son deuxième mandat, le 14 juillet 1988 : une nouvelle bibliothèque nationale d’un type entièrement nouveau allait se construire sur un nouveau site, Tolbiac.
 
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Rappelons que dans le choix de l’architecture du bâtiment consécutif à cette annonce, aucun membre de la BN, ni représentants de la « République des Lettres » n’étaient présents dans le jury : c’est seulement dans un second temps qu’il fut demandé aux représentants de la filière bibliothéconomie de trouver une organisation qui rentre dans les contraintes spatiales décidées et qui corresponde aux exigences nouvelles proposées par l’architecte lauréat. Cette obligation de se transformer a été un des moteurs de nombreux changements des métiers traditionnels de la BNF. 1.2. Les nouvelles dynamiques professionnelles  La construction de la future BNF sur le site de Tolbiac a été l’occasion de repenser entièrement la stratégie et les ambitions de la bibliothèque nationale, ce qui nécessita notamment de se donner des moyens humains adaptés à cette stratégie : de nombreux métiers ont émergé tandis que les métiers traditionnels du cœur des bibliothèques se sont considérablement enrichis dans leurs contenus professionnels.  1.2.1 Les grandes orientations de la BNF  Tout d’abord, il est important de cerner l’ampleur des transformations connues par la BNF en identifiant ses trois grandes orientations : l’arrivée de l’informatique, l’ouverture au grand public et le développement d’une activité culturelle intense.  o La BNF, une bibliothèque d’un type entièrement nouveau avec le développement de l’informatique et du numérique L’informatique n’occupait qu’une place mineure à la BN, qui plus est seulement dans les dernières années avant l’ouverture de la BNF ; elle occupe désormais une place centrale dans toutes les missions de la BNF. Mitterrand désirait que les lecteurs soient troublés par l’ampleur du changement dans les salles de lecture lorsqu’ils découvriraient les salles de lecture : ils avaient l’habitude de consulter des fiches papier bristol, ils ont découvert des notices numériques consultables de façon très efficace grâce aux différentes requêtes du catalogue numérique. Les collections étaient réputées n’être accessibles qu’aux chercheurs motivés pour faire la queue dès 8h du matin à Richelieu, une partie est maintenant accessible à distance par tous. De plus, les chercheurs peuvent maintenant réserver leurs places à distance, ce qui leur économise un temps considérable par rapport à l ancienne situation de la BN. Ce rapide panorama donne une idée des modifications substantielles qu’a permis l’installation de l’informatique à Tolbiac.  Pour préciser ces faits marquants, il peut être utile de rentrer dans les détails notamment chiffrés : ƒ Le site en ligne de présentation de la bibliothèque (www.bnf.fr) accueille 20.000 visiteurs par jour. Ce site donne accès à deux outils qui ont révolutionné les usages des lecteurs dans les bibliothèques : la bibliothèque numérique et le catalogue en ligne.  ƒ Gallica, la bibliothèque Numérique permet à 7000 visiteurs hebdomadaires d’accéder à 70 000 ouvrages numérisés, à plus de 80 000 images et à plusieurs dizaines d'heures de ressources sonores. Le lancement de Gallica a nécessité de s’approprier la technique de la photographie numérique dans les ateliers de photographie des départements de la conservation et de la reproduction. De plus, un département de la bibliothèque numérique a été créé pour définir la stratégie à suivre pour l’implantation de Gallica et répondre
 
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notamment à une triple question : technique, juridique et documentaire. La question technique concerne tous les acteurs du numérique car chacun avait développé ses propres pratiques du numérique. Des interrogations de fond visant à définir une stratégie globale sur les techniques numériques à la BNF ont alors été soulevées lors de séminaires organisées par le département de la bibliothèque numérique : qu’est ce que fabriquer une image ? Quel format et quelle norme de reproduction des couleurs adopter à la BNF ? Comment garantir une pérennité des images du numérique malgré les sauts successifs dans les formats ? Faut-il suivre en permanence l’évolution des outils du numérique toujours plus coûteux ? De plus, les questions juridiques des ayants droits ont du être réglées avant la mise en ligne des images. Enfin, la BNF a accompli un travail sérieux pour élaborer une politique documentaire de qualité. Alors que de nombreuses autres bibliothèques nationales tardent toujours à se lancer dans des projets analogues à Gallica, la plupart de celles qui ont franchi le pas n’ont pas pris le temps de préciser l’intérêt de ce qu’elles mettaient en ligne. Au contraire, la BNF a défini des critères très pointus de sélection des documents qui se doivent d’être rares mais aussi susceptibles d’être demandés. La BNF a ainsi acquis une légitimité certaine dans le domaine de la numérisation, ce qui lui a permis de se positionner en tête de file du projet de bibliothèque numérique européenne concurrent à celui de Google numérique.  ƒ BN-Opale +, le catalogue numérique constitue une base de données de plus de 8 millions de notices bibliographiques imprimées et audiovisuelles et 4,5 millions de fichiers d’autorités (termes et expressions normalisés comme le fichier auteur ou fichier titre, autorités matières ou autorités sujets). Cette gigantesque base de données remplace avantageusement les milliers de boîtes de notices papier pour au moins deux raisons : une raison évidente d’accessibilité dans la mesure où toute personne disposant d’une connexion internet peut avoir accès sans discrimination et sans altération du contenu à BN-Opale +. Une seconde raison d’amélioration des usages car les requêtes sur un sujet donné, auteur ou titre, s’effectuent désormais en quelques secondes de façon très simple en lieu et place des interminables recherches réservées aux initiés de l’univers très normé de la classification documentaire. Cet outil très ergonomique permettra aussi à terme de remplacer les bibliographies nationales car une requête sur un sujet aboutit à une liste de références, ce qui se rapproche déjà de la notion de bibliographie. Ce passage au numérique génère de profonds bouleversements dans le métier des bibliothécaires car la maîtrise de l’outil informatique est devenue indispensable dans toutes leurs activités quotidiennes. D’une part, non seulement les catalogueurs travaillent maintenant en permanence devant un ordinateur, mais ils doivent aussi se préparer à des mutations très profondes dans les prochaines années avec la question de l’archivage du web et de l’arrivée de la recherche plein texte typique de Google, qui pourrait remplacer à terme les normes de catalogage. D’autre part, avec le déploiement général de l’informatique, l’activité de conseil des lecteurs en salles de lecture a changé de nature dans deux domaines principaux : le domaine du catalogue numérique explicité ci-dessus, ainsi que celui de la mise à disposition de ressources électroniques venant compléter les collections papier traditionnelles. Pour saisir l’importance de ces ressources, il suffit d’évoquer les 115.000 connexions sur les 240 cédéroms et bases en ligne ou les 30.000 connexions sur les 2.550 titres de périodiques électroniques, mais aussi les connexions non comptabilisées pour accéder aux textes et images non numérisées, bibliographies de sites classés et commentés dans les signets. Ainsi les agents devant conseiller les lecteurs se sentent souvent impuissants face à la diversité des ressources et réclament des formations pour ne pas se retrouver aussi incompétents que les lecteurs, souvent déjà plus à l’aise qu’eux dans
 
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