Comment Sarkozy a mis le feu aux universités
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Comment Sarkozy a mis le feu aux universitésExtrait du Collectif PAPERAhttp://collectif-papera.org/spip.php?article501Comment Sarkozy a mis le feuaux universités- Les mensonges de Pécresse, de Wauquiez et des autres... - Les stratagèmes du MESR et des autres - Date de mise en ligne : mercredi 1er avril 2009Description :Par Edouard Husson, professeur d'université et chercheur. Qui remonte à 2006 pour analyser la génèse de la crise universitaire, largement ignorée par l'ensembledes médias. Devinez qui l'on retrouve avec des allumettes…Collectif PAPERACopyright © Collectif PAPERA Page 1/5Comment Sarkozy a mis le feu aux universitésPar Edouard Husson, professeur d'université et chercheur. Qui remonte à 2006 pouranalyser la génèse de la crise universitaire, largement ignorée par l'ensemble des médias.Devinez qui l'on retrouve avec des allumettes… Sommaire• Acte I. L'action se situe en mars (…)• Acte II. Quinze mois plus tard• Acte III. Dix-huits mois de brouillard• Acte IV. Coup de tonnerre• Un mouvement inconnu, la grève des (…)• Le silence des médias• C'est au Président de dénouer la (…)Dominique de Villepin est confronté aux manifestations des étudiants qui bloquent les universités par refus duContrat Premier Emploi. Jacques Chirac ne soutient que mollement son Premier ministre. Nicolas Sarkozys'engouffre dans la brêche, prend publiquement fait et cause pour les grévistes, trahissant le gouvernement qu'il sert ...

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Extrait

Comment Sarkozy a mis le feu aux universités
Extrait du Collectif PAPERA
http://collectif-papera.org/spip.php?article501
Comment Sarkozy a mis le feu
aux universités
- Les mensonges de Pécresse, de Wauquiez et des autres...
-
Les stratagèmes du MESR et des autres -
Date de mise en ligne : mercredi 1er avril 2009
Description :
Par Edouard Husson, professeur d'université et chercheur. Qui remonte à 2006 pour analyser la génèse de la crise universitaire, largement ignorée par l'ensemble
des médias. Devinez qui l'on retrouve avec des allumettes…
Collectif PAPERA
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Comment Sarkozy a mis le feu aux universités
Par Edouard Husson, professeur d'université et chercheur. Qui remonte à 2006 pour
analyser la génèse de la crise universitaire, largement ignorée par l'ensemble des médias.
Devinez qui l'on retrouve avec des allumettes…
Sommaire
Acte I. L'action se situe en mars (…)
Acte II. Quinze mois plus tard
Acte III. Dix-huits mois de brouillard
Acte IV. Coup de tonnerre
Un mouvement inconnu, la grève des (…)
Le silence des médias
C'est au Président de dénouer la (…)
Dominique de Villepin est confronté aux manifestations des étudiants qui bloquent les universités par refus du
Contrat Premier Emploi. Jacques Chirac ne soutient que mollement son Premier ministre. Nicolas Sarkozy
s'engouffre dans la brêche, prend publiquement fait et cause pour les grévistes, trahissant le gouvernement qu'il sert.
En particulier, c'était déjà à l'époque un secret de Polichinelle qu'il avait pris contact avec le président de l'UNEF,
Bruno Julliard. Mais la plupart des médias était déjà aux ordres et n'en ont rien dit.
Sarkozy, recueillant le fruit de sa trahison, vient d'être élu président de la République et il entend ne pas commettre
les mêmes erreurs que ses prédécesseurs. La loi de réforme de l'université qu'il veut faire passer sera votée en
juillet - et non à l'automne comme le projet Devaquet de 1986. Et Sarkozy aura l'UNEF de son côté : il négocie le
contenu de la loi avec Bruno Julliard. Résultat, un compromis bâtard. Au programme de la droite, la loi LRU a pris la
notion d'autonomie des universités ; mais on a fait des concessions à Julliard : il n'y aura pas de possibilité de
sélection des étudiants par les universités ; les circuits de financement privés seront contrôlés très strictement par les
présidents d'université. Ceux-ci sont les grands gagnants du marchandage : on n'a pas vraiment instauré l'autonomie
des universités mais on a renforcé le pouvoir de leurs présidents ; en particulier, ils joueront un rôle bien plus
important qu'avant dans le recrutement des professeurs et dans la gestion du personnel enseignant.
La traitrise (de 2006) et le cynisme (de 2007) semblent avoir payé. Il règne un calme étrange sur l'université, qui
semble accepter la loi LRU sans broncher. Le ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, Valérie
Pécresse, prépare dans le calme un décret de réforme du statut des enseignants-chercheurs. On prévoit aussi, dans
le silence l'abolition d'un des deux concours de recrutement de l'enseignement supérieur, le CAPES. Sans aucun
doute, l'idée qui se cache derrière la « mastérisation » des concours est d'abolir, à terme, le statut de fonctionnaires
des enseignants. Personne ne s'en rend compte. L'étrange torpeur qui s'est emparée des esprits vient aussi de ce
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qu'il y a, dans le cabinet de Madame Pécresse ou à Matignon, convergence entre la droite qui rêve de réduire au
maximum le coût de l'université pour l'État et la gauche tendance Jospin-Allègre, qui a mis depuis longtemps le
pédagogisme au service d'une pseudo-américanisation de l'enseignement supérieur.
Le 22 janvier 2009, le président de la République flanque lui-même par terre le bel édifice qu'il avait construit.
Recevant des représentants des enseignants-chercheurs à l'Élysée, il tombe le masque, révèle la piètre idée qu'il se
fait de la recherche française, dont il dénigre les résultats et ridiculise les modes d'évaluation (pourtant semblables à
ce qui se fait en Allemagne et aux États-Unis). Visible sur Internet, la vidéo a un effet mobilisateur immédiat :
Recevant des représentants des enseignants-chercheurs à l'Élysée, il tombe le masque, révèle la piètre idée qu'il se
fait de la recherche française, dont il dénigre les résultats et ridiculise les modes d'évaluation (pourtant semblables à
ce qui se fait en Allemagne et aux États-Unis). Visible sur Internet, la vidéo a un effet mobilisateur immédiat.
Même quand ils sont de droite, la plupart des enseignants-chercheurs français, ulcérés, se mettent "en grève". Et
commence alors un épisode sans équivalent dans l'histoire de l'université française, au milieu duquel nous sommes
encore.
Faire grève, pour les enseignants chercheurs, prend de multiple formes : certains continuent à faire cours comme si
de rien n'était ; d'autres s'arrêtent une demi-heure avant la fin, pour faire de l'instruction civique ; d'autres encore ne
font pas cours du tout. J'ai des collègues historiens qui font visiter le Paris du Moyen-Age ; d'autres organisent des «
cours alternatifs » ; d'autres participent à une marche permanente sur le parvis de l'Hôtel de Ville. Tous, ou presque,
sont unis derrière leurs syndicats pour faire reculer Madame Pécresse sur la question du statut des enseignants
chercheurs. Ils jugent en particulier inadmissible que les présidents d'université puissent, un jour, décider du nombre
d'heures d'enseignements de leur personnel en fonction de l'étendue des travaux de recherche effectués par ailleurs.
Mais, surtout, quelque chose de plus viscéral s'exprime : un sentiment de dignité bafouée. Vu le maigre salaire et le
manque de moyens mis à disposition, être enseignant-chercheur dans la France de Sarkozy, c'est servir une cause :
celle de la recherche française ou bien celle du savoir émancipateur dans la tradition des Lumières. S'entendre dire
qu'on n'est pas au niveau par un homme qui a commencé sa carrière politique à la fin des années 1970 et est donc
concrètement co-responsable de l'absence de politique publique de grande envergure en faveur de l'université est
proprement insupportable.
A la faveur du mouvement d'opposition des enseignants-chercheurs, le personnel des universités s'est mis en grève
dans certains établissements universitaires. Beaucoup sont employés dans des conditions de grande précarité -
selon des contrats qui relevaient déjà, avant la loi LRU, des présidents d'université. Cela ne fait que souligner la
misère financière des établissements d'enseignement supérieur - hors (grandes) écoles. Paradoxe, donc, si de
nombreuses universités sont aujourd'hui bloquées, c'est moins par des étudiants que par des appariteurs qui
n'ouvrent pas les salles. Petit à petit, cependant, les étudiants aussi s'associent au mouvement. C'est en particulier
l'avenir du recrutement des enseignants du secondaire qui fait peur. La question de la « mastérisation » des
concours - en fait leur abandon au profit d'une évaluation par le contrôle continu et le pédagogisme, la réalisation du
rêve jospinien - est ce qui pourrait mettre définitivement le feu aux poudres.
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Si l'on voulait une preuve supplémentaire que l'information est contrôlée, sous Sarkozy, on la trouverait dans le
silence quasi-total qui marque la situation universitaire, à part des reportages sur quelques manifestations. Les
médias sont largement au service d'un gouvernement qui espère faire pourrir le conflit. Madame Pécresse recule à
petit pas concernant le décret d'application de la loi, espérant gagner du temps. Elle espère des divisions au sein
d'un mouvement où certains voudraient carrément l'abrogation de la loi LRU. De fait, l'atmosphère est de plus en
plus tendue dans les universités. A de nombreux endroits, les radicaux, parmi les enseignants-chercheurs ou les
étudiants, deviennent intolérants vis-à-vis de tous ceux qui voudraient lutter contre le gouvernement mais que les
cours continuent. Huit semaines du second semestre universitaire ont été, dans certaines universités, purement et
simplement perdues. Il est cependant frappant que, malgré les tensions internes, la confiance dans la parole du
gouvernement soit si infime que le front des opposants se ressoude régulièrement - à chaque communiqué
ministériel.
Nicolas Sarkozy, en populiste consommé, a, depuis le début, misé sur le sentiment général selon lequel « les
chercheurs sont planqués au CNRS et ne font rien », les « profs d'université » sont au fond à mettre « dans le même
sac que ceux du secondaire : rendez-vous compte, ils ne font que cinq ou six heures de cours par semaine ! »
etc… A ce petit jeu, pourtant, le président pourrait bien, s'il continue à vouloir laisser pourrir le conflit, se
retrouver avec une opposition frontale de tout le système éducatif ; ou bien voir le malaise social global cristalliser
autour de la contestation universitaire.
J'avoue pour ma part être souvent agacé par le discours figé de beaucoup d'opposants : le problème n'est pas que le
gouvernement veuille introduire de la sélection à l'université : elle existe, déjà, sauvage, puisque personne n'a le
courage de l'assumer par des procédures officielles : en master, on ne retouve plus que 10 à 15% des étudiants qui
s'étaient inscrits en première année. Le problème n'est pas non plus dans la perspective que « l'argent privé entre à
l'université » . Si l'on arrivait à créer les fondations d'université prévues par la loi LRU, un immense progrès serait
accompli car l'un des gros problèmes de la France est le manque d'engagement du patronat dans le mécénat
universitaire - à la différence de ce qui se passe dans d'autres pays. C'est une des grandes tâches de l'État dans les
décennies qui viennent : responsabiliser le patronat français, l'engager à nouveau dans les grandes questions qui
concernent l'avenir de la nation. Les opposants à l'intégralité de la loi LRU vivent sur le même déni de réalité que le
gouvernement : la France républicaine fonctionne suivant un système d'enseignement supérieur à deux vitesses, où,
d'un côté, la perspective d'une augmentation des droits universitaires met les étudiants dans la rue, tandis que la
plupart des écoles fonctionnent suivant un système de droits très élevés.
Mais ne nous faisons pas d'illusions, c'est le président qui a la clé de la résolution du conflit. Il a insulté les
chercheurs ; il devra se mettre à leur parler avec égards. Il devra surtout commencer à regarder ce qui se passe
vraiment aux États-Unis. Contrairement à ce que croit un Sarkozy, dont la connaissance de la réalité américaine est
inversement proportionnelle à l'admiration qu'il professe pour ce pays, l'État y investit massivement dans
l'enseignement supérieur et la recherche. Si Sarkozy était vraiment aussi « américain » qu'il le dit et que le croient
ses opposants, il proposerait un effort massif d'investissement dans les sciences humaines - élément-clé de la
stratégie globale d'un pays au même titre que les investissements technologiques. Si les États-Unis ont pu impose
leur volonté au reste du monde ces quarante dernières années, c'est autant à leurs philosophes et leurs historiens,
qui ont peuplé, depuis Kennedy, les bureaux de la Maison Blanche, qu'ils le doivent, qu'à leurs ingénieurs et leurs
économistes.
Il y a là une immense tâche qui pourrait rassembler le pays : réfléchir aux priorités d'investissement dans le système
français d'enseignement supérieur. Identifier ce qui peut relever d'un financement privé et ce que l'État doit assumer.
Évidemment, cela signifie que l'occupant de l'Élysée cesse de penser que l'étude et l'enseignement de la littérature
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ancienne ne doivent plus être financées car ils sont inutiles - il n'a pas entendu parler du débat sur « l'empire romain
» aux États-Unis depuis le 11 septembre ; il ne sait pas non plus que dans les pays anglo-saxons, en Suisse ou en
Allemagne, le mécénat privé est massif pour l'étude de l'Antiquité.
Que sera l'acte V de la crise actuelle puisque l'acte IV a débouché sur une véritable « anarchie » au sein de
l'université - plus personne n'a prise sur rien ? Nicolas Sarkozy a voulu jouer le rôle principal - en tuant Villepin à la
faveur d'une crise universitaire ; puis en se jugeant plus malin que ses prédécesseurs ; enfin en polarisant le conflit,
le 22 janvier dernier. Qu'il assume le rôle principal jusqu'au bout. Il lui suffit de dire aux enseignants-chercheurs : «
J'ai découvert que vous étiez aussi géniaux que moi ! Ensemble, tout est possible ! »
Edouard Husson
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