Introduction - Algeria-Watch
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  • cours - matière potentielle : des dix années suivantes
  • mémoire
PSW32-INSERT GRAPHIQUES-C5.04.03-P5.04.00-21/9/2011 11H28--L:/TRAVAUX2/DECOUVER/CAHIERS/FRANZ-FA/AAGROUP.640-PAGE11 (P01 ,NOIR) Introduction J e ne me souviens plus de quand j'ai pour la premièrefois lu Frantz Fanon. Peut-être un ami me l'avait-il recommandé, peut-être était-ce lié à Sartre.
  • fanon commen- çait
  • fanon dans les premières pages des damnés
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  • guerre
  • guerres
  • mondes
  • monde

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Langue Français

Extrait

Introduction
enemesouviensplusdequandj’aipourlapremièreJ fois lu Frantz Fanon. Peut-être un ami me l’avait-il
recommandé, peut-être était-ce lié à Sartre. Je ne m’en souviens pas,
maisjemerappelleoùetquandj’aidécouvertFanon.J’avaisvingtans
etjepassaisuneannéeàParispoursuivreun coursdefrançais.Cefut
une bonne année, qui me fit connaître beaucoup de choses, mais qui
commençaparunchocculturelassezdur.Quandjemerendisàlapré-
fecturedepolice,surl’îledelaCité,pourobtenirmacartedeséjour,je
visungrouped’Algériens,deshommes,sefaireprierdequitterleslieux
parcequ’ilsn’avaientpasremplicorrectementleursformulaires.Onles
tutoyait. Collectivement, ces hommes étaient traités avec mépris par
des fonctionnaires qui savaient reconnaître un « bicot » quand ils en
voyaientun. Ilapparaissait queces Algériensnesavaientpassuffisam-
mentbienlireetécrirepourremplirlesformulaires.
Assisteràl’humiliationdequelqu’un,voirdanssonregardl’éclatde
lablessure,estquelquechosedechoquant.J’avaisrarementvudesgens
aussiseulsetdésemparés,etjenecroispasquej’avaisdéjàobservéun
comportement aussi ouvertement raciste. Quand ce fut mon tour, on
rejeta la photographie d’identité que je présentai : mes cheveux dissi-
mulaientunepartietropimportantedemonvisageetilfallutquej’en
refasse, les cheveux tirés en arrière. C’était une source d’amusement
plusqued’humiliation.Onmetraitaitdefaçonbrusque,voireimpolie,
mais sans mépris. Après tout, j’étais un Européen, un Blanc, pas un
« bicot », un « bougnoule », un « Mohammed », un « sidi ». Dans ces
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circonstances, il semblait normal d’aider les Algériens à remplir leurs
formulaires. J’aurais dû savoir que je ne pouvais pas être d’un grand
secours.TouterencontreentredesFrançaispeuinstruitsetdesbureau-
crates gaulois est une lutte inégale. Je ne parlais pas la langue de ces
hommesetilsneparlaientsansdoutepaslamienne.Jenepouvaispas
lesaider.Jesupposequ’ils’agissaitdetravailleursimmigrés.Quandils
obtinrentleurspapiers,s’ilslesobtinrent,sansdouteallèrent-ilsmettre
lamainàlaconstructionduRéseauexpressrégional(RER)quiexilaitla
plupart des Algériens loin du centre de Paris, dans de lointaines ban-
lieues.LemomentétaitidéalpourfairelarencontredeFanon.
Aujourd’hui assez abîmés, j’avais acheté mes vieux exemplaires des
Damnés de laterreetdeL’AnV dela Révolutionalgérienneauprintemps
1970, dans la librairie de François Maspero, La Joie de lire, rue Saint-
Séverin.MasperoétaitleprincipaléditeurdeFanon,etc’estdanscette
librairie que furent mis en vente pour la première fois, fin 1961, Les
Damnésdelaterre.C’estlàégalement,lejourmêmeoùlamortdeFanon
était connue à Paris, que la police vint saisir le livre, considéré comme
séditieux.Mesexemplairesnesontpasdelapremièreédition,maisdes
rééditions parues dans la PetiteCollection Maspero. Il n’est pas facile
aujourd’hui de trouver ces élégants petits livres et la librairie d’origine
a disparu. Ses deux boutiques – il y en avait une de chaque côté de la
rue – abritent une agence de voyages et un marchand d’affiches et de
cartespostales.Ladisparitiondunom–LaJoiedelire–aquelquechose
dedéprimant.
En 1970, la guerre d’Algérie était terminée depuis huit ans. Presque
personnen’enparlait.Ilétaitencoreimpossibledevoirdansuncinéma
français le film de Gillo Pontecorvo La Bataille d’Alger. Après les vio-
lentes menaces reçuesparlespropriétairesdes troiscinémasparisiens
1aoùlefilmdevaitêtreprojeté,lesprojectionsfurentabandonnées .Il
faudraitattendrepresquetrenteanspourqu’ungouvernementfrançais
reconnaisse enfin qu’il y avait eu une «guerre» en Algérie, et pas sim-
plementuneopérationdepolice.Personneneparlaitdecequis’était
passé en octobre 1961, deux mois seulement avant la mort de Fanon,
quand la police avait ouvert le feu sur des manifestants algériens sans
armes,boulevardSaint-Michel.PersonneneparlaitdesAlgériensmorts
dans la courdelapréfecturedepolice.LarévolteétudiantedeMai68
avait éclipsé dans les mémoires celle qu’avait menée une autre
a Toutes les notes de référence sont classées par chapitre, en fin de ce livre,
p.535.
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générationdejeunesgensdevingtans,quiavaientcombattuetétaient
parfoismortsdansuneguerresansnom,etdontcertainsavaientrefusé
desebattreouavaientdéserté.Beaucoupdeceuxquidésertèrent,qui
nerépondirentpasàlamobilisationoumêmequirejoignirentdepetits
groupes clandestins d’aide au Front de libération nationale (FLN),
étaient inspirés par Fanon, le médecin noir martiniquais qui avait
démissionnédesonposteàl’hôpitalpsychiatriquedansl’Algériecolo-
nialepourgagnerlesrangsduFLNetprêcherl’évangiledelarévolution
violente.
Mai68avaitéclatépuiss’étaittu,maisParisrestaitagité.Laprésence
de la police rue Saint-Séverin était permanente et musclée. Et il n’était
pas besoin d’être noir ou nord-africain pour se faire arrêter régulière-
mentetsevoirdemandersespapiers.Avoirvingtansetporterlesche-
veuxlongssuffisaitamplement.Ilsemblaitjustedeserebeller,d’êtreen
colère, même si notre colère et notre rébellion étaient largement sym-
boliques.Courirdevantleschargesdelapolicelorsdesmanifestations
auQuartierlatinétaitàlafoisterrifiantetexaltant,maisnousn’avions
pasenfacedenousdesmitrailleuses.Pouvait-onvraimentcroirequeles
brigadesantiémeutesdeCRSétaientlesSSd’alors?
En 1970,l’horizonpolitiquen’était pasdominéparl’Algérie,mais
parlaguerreduViêt-nam,quipolitisatantdemembresdecettegénéra-
tion.Ilyavaitquelquesvaguespointscommunsavecl’expériencedela
«génération algérienne». Nous ne voulions pas entendre parlerde la
«paix » et rejetions les appels à un règlement négocié du conflit,leur
préférant le renforcement de l’engagement militant. En 1970, «Vic-
atoire au FNL » semblait un slogan bien plus approprié que « Paix au
Viêt-nam».ÀNoëletaujourdel’an,onpouvaitliresurlesbanderoles
accrochées aux réverbères du boulevard Saint-Germain, avec la gra-
cieusepermissiondeJohnLennonetYokoOno:«Laguerreestfinie(si
vous le voulez) » (« War is Over (if you want it) »). Or elle continuait,
qu’ilsleveuillentounon.
Signe des temps, ma rencontre avec Fanon commença avec Les
DamnésdelaterreetnonpasavecPeaunoire,masquesblancs.Àbiendes
égards, il semblait moins lié à une Algérie qui avait été totalement
bureaucratiséequ’àl’imagequenousnousfaisionsdutiersmonde,ce
colosse qui se dressait face à l’Europe. Fanon avait parlé d’embraser
l’Afrique et l’Afrique était en feu. De violentes guerres coloniales
a FrontnationalpourlalibérationduSud-Viêt-nam.
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secouaientlescoloniesportugaises.UneguérillaébranlaitlaRhodésie,
qui deviendrait le Zimbabwe. En Afrique du Sud, l’ANC menait son
propre combat. Il était possible de suivre le progrès de ces guerres en
parcourantlacollectionderevuesetdejournauxdusous-soldeLaJoie
delire.C’étaitautantunelibrairiequ’unebibliothèqueetl’achatn’était
jamais obligatoire. Fanon était parfaitement à sa place dans le pan-
théon révolutionnaire de l’époque, aux côtés de Ho Chi Minh, de Che
Guevara,d’AmilcarCabral,deSamoraMacheletduMaodelaRévolu-
tion culturelle. Il était aussi étroitement associé au mouvement Black
Power aux États-Unis. Chaque Noir, sur le toit de son immeuble, qui
défendaitsacauseavecunearmeàfeupouvait,disait-on,citerFrantz
Fanon. Beaucoup d’étudiants blancs voulaient aussi leur coin de toit.
AlorsnouslisionsFanon.Etc’estsacolèrequinousplaisaittant.
J’aibeaucouplu,cetteannée-là,àParis.Auxyeuxdenombredemili-
tants«révolutionnaires»,quisepiquaientdethéorie,Fanoncommen-
çait à paraître naïf. Ses analyses étaient souvent erronées, de façon
désastreuse s’agissant de l’Angola. Il était évident pour tout marxiste,
pour tout althussérien, que la paysannerie ne pouvait pas diriger une
révolution, que le lumpenprolétariat ne pouv

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