La radio nazie qui a empoisonné la France

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La radio nazie qui a empoisonné la France

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• Publié par: olavajig
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10 HISTOIREVIVANTE

LA LIBERTÉ VENDREDI 10 SEPTEMBRE 2010

La radio nazie qui a empoisonné la France PROPAGANDE • La radio devenait une arme redoutable entre les mains des nazis. Pour faciliter lÕinvasion de la France,ils ont lancÈ en 1939 Radio HumanitÈ,‡Stuttgart.Cet instrument de dÈsinformation a sapÈ le moral du pays.

THIERRY JACOLET Radio HumanitÈ:un nom plein de sagesse pour une station qui puait lÕimposture. DËs le dÈbut de la Se- onde Guerre mon- iale, les Allemands sont passÈs maÓtres dans lÕart de mani- puler les ondes. Cet instrument de pro- pagande permet de vÈhiculer la doctri- ne du parti.Mieux, la radio devient une arme redoutable entre les mains dÕun Hitler et dÕun GÏbbels, son fidËle ministre de la Culture et de la propa- gande du Reich. Ils poussent la perver- sion jusquÕ‡ crÈer de toutes piËces des radios clandestines, les radios noires. Parmi elles, Radio HumanitÈ. CÕest que les nazis ont besoin dÕun instrument capable de dÈstabiliser psychologiquement leurs ennemis potentiels et de leur ouvrir plus facile- ment les portes de pays ‡ envahir. Les atouts de la radio? RapiditÈ de la com- munication, large diffusion, pouvoir Èmotionnel, facilitÈ dÕaccËs (la majori- tÈ des foyers possËde un poste et elle saute lÕobstacle de lÕillettrisme).

Un journaliste français d’extrême droite sera exécuté

Ils dÈcident dÕouvrir dans les pre- miËres semaines de la guerre un poste clandestin ‡ Stuttgart pour prÈparer la guerre de conquÍte en France et un autre enIrlande pour mener en ba- teau lesBritanniques. Ce sera Radio HumanitÈ une radio communiste franÁaise. DÕailleurs, les Èmissions sÕachËvent toujours sur le chant de lÕ´Internationaleª. Pour asseoir sa crÈ- dibilitÈ, la radio diffuse de vraies infor- mations en franÁais quÕelle noie dans un torrent de fausses nouvelles. Le programme, qui nÕest pas continu, se rÈsume ‡ quelques Èmissions par jour entre infos et plages musicales.

A bas la guerre! ´Les responsables Ètaient chargÈs de mener une propagande dÕune perfi- die terribleª, observe Robert Arnaut, coauteur de ´Les dossiers secrets de la Seconde Guerre mondialeª (Ed. First, 2010) avec Philippe Valode. Le but: mobiliser les ouvriers contre la guerre. ´Ils demandaient aux FranÁais dÕabandonner le combat, dÕaccepter la dÈfaite avant quÕelle survienne. Les ´ennemisª, cÕÈtait les bourgeois, les fi- nanciers qui sÕen mettaient plein les poches sur le dos du peuple gr‚ce ‡ la

Les nazis étaient passés maîtres dans l’art de manipuler les ondes, comme avec la station pirate Radio Humanité. KEYSTONE

guerre.ª Ils critiquent aussi le Gouver- nement franÁais soi-disant va-t-en- guerre et poussent la France ‡ rompre lÕalliance avec la Grande-Bretagne. Cette radio empoisonne pendant des mois le moral des soldats franÁais et de la population via des slogans tels que ´Les canons allemands ne tou- chent jamais les bureaux des gÈnÈ- rauxª, ´LÕAngleterre offre gÈnÈreuse- ment son matÈriel, la France offre ses poitrinesª, ou encore ´Le spectre ef- frayant de la guerre totale a mis la main sur lÕEurope. Nous ne voulons pas que la vie des ouvriers et des pay- sans franÁais soit sacrifiÈe stupide- ment (...). Plus fort que jamais, nous crions: A bas la guerre! Ne vous battez pas, posez les armes!ª Cette entreprise de dÈmoralisation fait mouche. ´Pour Hitler et Goebbels, cÕest une vraie rÈussiteª, estime Robert Arnaut. DÕautant que lÕidentitÈ de la radio a pu Ítre dissimulÈe jusquÕau

bout de lÕopÈration. Personne ne sa- vait que la radio Èmettait de Stuttgart et dÕIrlande. ´Tout le monde pensait que cÕÈtait le fait des communistes au dÈbut. Puis, les experts, les respon- sables du gouvernement et des rensei- gnements gÈnÈraux ont compris que quelque chose clochait. Mais ‡ lÕÈpoque, nous avions pour patron de lÕinformation le poËte Jean Giraudoux. Question propagande, il nÕÈtait pas lÕhomme de la situation. Il a fallu lui mettre cette radio aux oreilles pour quÕil comprenne combien cette radio Ètait toxique pour le pays.ª

Un studio dans une villa MalgrÈ les enquÍtes, les services de renseignement franÁais ne parvien- nent pas ‡ repÈrer les Èmetteurs. Pour mieux fausser les pistes, les respon- sables de la radio coupent lÕÈmetteur de Stuttgart afin de simuler un chan- gement de position imposÈ par la ra-

pide avancÈe allemande. Le gouverne- ment pensait ainsi que les Èmetteurs se dÈplaÁaient, alors quÕils Ètaient fixes... Quand les Allemands envahissent la France, Radio HumanitÈ redouble dÕintensitÈ. Le 25 juin 1940, trois jours aprËs la signature de lÕarmistice entre la France et lÕAllemagne, elle se tait. Mission accomplie. Ce nÕest que bien plus tard que la supercherie est dÈcouverte. La radio avait ÈtÈ installÈe dans une petite villa de Stuttgart. Un studio de fortune bricolÈ dans deux piËces avec trois-quatre hommes aux commandes. Les deux speakers, Toni et AndrÈ, parlent parfaitement le franÁais et mÍme lÕargot. ´Ce qui Ètonnait beaucoup les spÈcialistes cÕest que les deux speakers Ètaient vi- siblement franÁais. On ne reconnais- sait aucun accent russe ou polonaisª, souligne RobertArnaut. Un journa- liste franÁais dÕextrÍme droite corres-

Hitler fait triompher la radio en 1939-45

«Ce sont les dictateurs, Hitler et Mussolini en tÍte, qui ont fait triompher la radioª, assË- ne Robert Arnaut, spÈcialiste de la radio. ´Goebbels et Hitler sÕen sont trËs bien servis. Et on nÕa fait que copier aprËs.ª Les nazis ont su tirer profit du po- tentiel de la radiodiffusion, devenue lÕun des moyens de propagande de masse les plus performants ‡ partir des an- nÈes 1930. Habile ambitieux, Hitler a fondÈ en 1933, dËs son arrivÈe au pouvoir, le MinistË- re de la culture et de la propa- gande dirigÈ par Joseph Goeb- bels. Et la radio figure en prioritÈ comme moyen de communication du rÈgime. A 82 ans, Robert Prot, auteur du ´Dictionnaire de la radioª (Ed. Presses Universitaires de Gre- noble, 1999) se souvient enco- re des vocifÈrations radiopho- niques dÕHitler en 1933. ´DËs

ce moment-l‡, la radio va jouer un rÙle important au- prËs de lÕopinion publique. Et elle va dÈvelopper toute sa puissance de communication durant la Seconde Guerre mondiale.ª

Les nazis dÈveloppent ainsi un rÈflexe dans les pays conquis: sÕemparer de cet outil stratÈgique pour mieux impo- ser la tutelle de leur propagan- de sur la radio. Comme en France en juin 1940. LÕoccu- pant met la main sur Radio Paris ‡ son entrÈe dans la capi- tale franÁaise. Toutes les autres radios du pays se sabordent ou sont fermÈes. Si les stations privÈes de la zone libre sont autorisÈes ‡ re- prendre leur diffusion en juillet, deux principales vont se partager le territoire: Radio Pa- ris pour la zone occupÈe et Ra-

dio Vichy(Radio Nationale), crÈÈe en juillet 1940 par le gou- vernement franÁais de Vichy dans la zone libre. Mais lÕoccu- pant contrÙle les Èmetteurs. Les deux stations proposent un doux mÈlange entre propagan- de pro-nazie et divertissement. Toutes deux ont recrutÈ des journalistes collaboration- nistes. Des radios allemandes en langue fanÁaise.

La guerre des ondes commen- ce. LÕadversaire est coriace: Ra- dio Londres. CÕest elle qui diffu- sera le cÈlËbre Appel du gÈnÈral de Gaulle, le 18 juin 1940. Elle communiquait des messages personnels, comme autant dÕinstructions aux groupes de rÈsistants. Les Èmissions de la France Libre sur les ondes de la BBC maintiendront l'esprit de rÈsistance qui conduira ‡ la dÈ- faite du Reich. TJ

RADIOS PIRATES CONTRE L’ENNEMI L’Allemagne ne se contentepas de Radio Humanité pour saper le moral de la population et des militaires français. Elle recourt à une autre station dès 1939, La Voix de la Paix. Cette radio «pacifiste» tire à vue sur le Gouvernement français. On retiendra aussi l’action de Lord Haw- Haw, un Américain converti au nazisme, qui harangue les Anglais depuis une sta- tion de Hambourg. Mais l’Allemagne n’a pas le monopole de la manipulation radiophonique. Elle doit aussi lutter contre des contre-feux allumés par la France avec les stations Deutcher Freiheitssender et Österrei- schischer Freheitssender. Qui tentent de monter les ouvriers allemands contre Hitler, mais pas avec autant de succès que les radios pirates alle- mandes.

En Grande-Bretagne,la BBC recourt aux services d’un journaliste germano- phone, Sefton Demler pour déstabiliser les Allemands. Les Anglais lancent aussi la Soldatensender Calais, une radio qui se fait passer pour une sta- tion de l’armée allemande d’octobre 1943 à avril 1945. Les services secrets britanniques ouvrent encore Radio Patrie en Angleterre en octobre 1942, à l’insu du général de Gaulle. Elle est vite considérée par la France libre comme une tentative de diviser la Résistance. Elle est suspendue en mai 1943. TJ

pondant enAllemagne, collabora- teur, anticommuniste et antisÈmite est le suspect tout dÈsignÈ: Paul Fer- donnet, 39 ans. Le 21 janvier 1940, il est dÈj‡ condamnÈ ‡ mort par contu- mace. ArrÍtÈ, il sera exÈcutÈ le 4 ao˚t 1945.

Station en Irlande oubliée ´On croyait que cÕÈtait lui qui par- lait ‡ la radio. Mais cela nÕa pas ÈtÈ prouvȪ, poursuit RobertArnaut. Le ´traÓtre de Stuttgartª fut finalement identifiÈ: un comÈdien ratÈ, passÈ en Allemagne, un dÈnommÈ Obrecht. Reste que sÕil nÕa pas ÈtÈ le speaker, Paul Ferdonnet a ÈtÈ le rÈdacteur des nouvelles diffusÈes ‡ lÕantenne. Quant ‡ la station irlandaise, son histoire est vite tombÈe dans lÕoubli. ´Elle nÕa pas eu le mÍme impact quÕen Franceª, glisse le spÈcialiste. ´Les An- glais se croyaient encore ‡ lÕabri, car ÈloignÈs de la guerre.ª I

Hitler a tiré profit du potentiel de la radiodiffusion dès 1933. KEYSTONE

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