Ces « Mémoires provençales d'un revenant » se veulent un recueil de contes et de légendes médiévaux qui emprunte les événements du passé à l'histoire médiévale provençale. Ceux sont les Mémoires de Piétrequin, un provençal du Moyen Âge, qui répondent aux attentes d'un autre provençal du XIXe s. qui s'exprime sous forme de monologue entre chaque conte. L'ambiance se veut suave et le climat « d'outre-tombe » est crée autour d'une table céleste dont Scotios, aubergiste grec de l'Antiquité, en est le propriétaire sur un nuage accroché au sommet du Mont Ventoux. Ainsi chacun de ces contes ou légendes est tiré d'un fait ou d'un événement réels. Les noms des protagonistes sont bien souvent réels mais pour certains, sortis de leur contexte ; pour d'autres ils sont parfois inventés mais empruntés à ce Moyen Âge provençal
« Mémoires provençales d’un Revenant », par
Luc COMPTONE
Luc COMPTONE
Mémoires
provençales d'un
Revenant
— Contes & légendes
médiévaux —
2008
1« Mémoires provençales d’un Revenant », par
Luc COMPTONE
2« Mémoires provençales d’un Revenant », par
Luc COMPTONE
TABLE DES MATIÈRES
Provence éternelle 5
La Graine d'Écarlate 15
La légende de frère Guillaume 38
Le prince d'Amour 62
Le radeau de la Sardine 79
Le bourreau d'Aix-en-Provence 92
Les secrets de la licorne
114
Épilogue
144
Notes de l’auteur : de la réalité à la
légende et au conte
146
3« Mémoires provençales d’un Revenant », par
Luc COMPTONE
4« Mémoires provençales d’un Revenant », par
Luc COMPTONE
PROVENCE ÉTERNELLE
— « Que veux-tu y faire, mon pa uvre
Scotios ? La vie est ainsi faite. Je ne t'en
apprendrais rien. Tu es là, planté devant
moi, bercé par tes souvenirs et tes re grets
et tu gé m!i s Que pouvons-nous y fa i?re
Nous avons été les acteurs de nos
propres vies et maintenant on mire la
continuité de la vie en t ant que
spectateurs. Qui aurait pu croire qu'un
petit matin de juillet de l'anné e 1898,
j'oublierais de respirer. Et me voilà là,
inutilement, vainement, à tes côté s, vidé
comme un melon de son conte nu avec
comme unique voile les stigmates de ma
vieille enveloppe charnelle. Regarde -moi
Scotios ! Jene suis aussi plus que
l'ombre de moi-même. Tu vois mon vieil
ami. Si cela ne m'était pas non plus
arrivé, jamais nous ne nous serions
5« Mémoires provençales d’un Revenant », par
Luc COMPTONE
rencontrés. Tu peux croire que le destin -
tragique, quel qu'il soit - fait drôlement
bien les choses. Alors que tout nous
sépare ! Sauf notre amour pour cette
Provence, Scotios ! Quoi ?... O!ui Oui !
Tu l'appelleras comme tu voudras , mais
moi tu vois à l'époque... A la tienne... Je
n'y étais pas. !Pffff Je n'existai s pas
encore que j'avais déjà fait un sacré pied
de nez à la vie et à l a! mL ortes... Ah
garces ! Elles ont fini par me rattraper,
m'abuser et me renvoyer à l'oubli.
1Té ! V«lan » !... Encore faunda » «
qui passe de la vie à trépas... Une vraie
étoile filant !e Il ne l'a pas vol é celui-là.
Ce n'est pas faute qu'il en ait été averti à
longueur de journée par boileurte «à
musique en dire »c tou par l eboiur te « à
images et à s ons». ...Et puis... Quelle
machine ! Je me demande encore
comment ils ont fait pour faire
fonctionner ces engins sans che vaux...
Faudra que je rencontre un de ces quatre,
son inventeur. Jeunes et fous, Scotios,
1 Un fou, en patois de Provence.
6« Mémoires provençales d’un Revenant », par
Luc COMPTONE
entends-tu ? On en dira ce que l'on en
voudra mais le Mistral... ! OuwOuw !
Ouw ! Ouw ?... Ne t'emballe ! pa sJe
sais, boré« e », je sais… mais moi je te
le dis comment on l'appelait chez nous et
comment on continue à l' a:ppe M«l-I-er
S-T-R-A-L ». « Mistral ! » et ce ve nt-là,
mon cher Scotios, il ne rend pa s fou que
les chats et tu le sais.
Quelle époque ! Tout change, tout
évolue... Vouais, si on peut y voir une
évolution. Tu parles d'un chaos. Même
notre chère Provence a changé . C'est
triste. He i?n... Ce n'est pas nouve ? au
Quoi ?... Bien sûr que ce n'est pas
nouveau ; mais de ton temps au mien, ça
n'avait pas trop changé. Non, non, !non
Je te l'ai dit et répété maintes fois... Ceux
ne sont pas de oïskos «» ou des
« cabanes àÉ ole », ce sont des
« moulins à ve »...nt Pour moudre l e blé,
pour faire de la bonne farine comme
celle que fabriquait ce bon vieux
2« Maître Cornille » avant que les
2 Alphonse DAUDET : "Lettres de m on
7« Mémoires provençales d’un Revenant », par
Luc COMPTONE
minoteries à vapeur ne les rem placent.
Mais s i! Je te l'ai déjà ra conté cette
histoire ! De toute façon, tu ne m 'écoutes
jamais ; tu n'es bon qu'à m e parler
nostalgiquement de vigne, d'olivie r, de
filets et de pêche, S!cot iosMais ils sont
comme toi et tes gémissement s. Ils
sentent la poussi !ère Tu vois, ces
moulins s'étaient déjà l'âme de ma
Provence ; celle de mon temps l orsque je
quittais, à dos de mule, mon village
d'Auribeau dans le Lubéron pour me
rendre à Bonnieux. On en voyait enc ore
vivre dans quelques coins du paysage
luttant de leurs grands bras de bois
contre tonÉ ole. Tout cela ça me manque
Scotios, tout autant qu'à toi. Tu te
rappelles de toutes ces ?ode ursÇa
commençait par les fleurs d'am andiers
qui annonçaient l'arrivée du pri nt; emps
puis celles des dizaines d'arbres fruitiers
différents, celles des herbes séché es qui
rendaient de leur parfum au fur et à
mesure que la chaleur estiva le les
moulin"
8« Mémoires provençales d’un Revenant », par
Luc COMPTONE
3écrasait. La farigoul, ele romarin et la
lavande embaumaient l'air sous un fond
odorant de pins et de sèves suintant le
long des écorces de bois. Au fur et à
mesure que tu progressais s ur les
sentiers ; tu savais que tu a rrivais à
proximité d'unm as... Ton O ïkos« »,
Scotios ! Car tu sentais les ode urs de
lauriers se dégageaient des haies le long
des roubines asséchées. Il ne manque
plus que le chant de ces foutue s cigales...
Quelles mélancoliques pensées !... Et
bien, Scotios, ton monde et le mien... et
bien... Ils n'ont toujours fai t; qu'un
jusqu'alors, il n'avait pas trop changé.
Quand tu me racontes ta Provenc e, ton
époque... On se com !pre ndL'éternité a
fait tomber toutes ces ba rrières
culturelles et linguistiques. Je crois que
je me serais bien adapté à ton époque.
Quoi le gallo-gre c?... !Oh Je l' aurais
compris. Comment ça, je ne t'écout e pas
quand tu caus ?e sTu veux que je compte
de «cintux » à dé«cametos » pour voi r
si je ne t'écoute pas quand ? tu parles
3 Thym ou serpolet.
9« Mémoires provençales d’un Revenant », par
Luc COMPTONE
Bon, je me serais juste senti un peu un
« estrangin » chez moi avec mon patois
provençal. Et puis, tu m'aurais imaginé
en train de porter à mes pieds tes
sandales et le corps paré d'un drap en
guise de tunique. LàÉ,ol et,on les jours
4 de Mistral, il m'aurait ventilé les cannes
et m'aurait noyé sous la poussiè re de nos
sentiers.
Comment vous l'appeliez déjà not re
Provence à ton époque ? Tout
simplement ? Gallia graeca... Tu
admettras quand même que
« Provence », ça sonne mieux. Tout est
Provence... ! Les villes et les villages...
Seloun de Prouvenço, Lançoun de
Prouvenço. Et tu retrouves le mot
partout même dans la gastronom : ie
« Tomate à la provenç ». aleTu vois, je
ne te mens pas mon vieux Scotios et
toi... Sais-tu vraiment si ta Provenc e était
vraiment tienne ? Oui... !Oui Tu me l'as
5 déjà répété... Ta mère Gétlaanumit de
4 Jambes.
5 Près de St-Rémy-de-Provence.
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