J ac be et V ac be Artaud M Les mathématiques en économie comme problème didactique Une étude exploratoire thèse pour obtenir le grade de docteur de l université d Aix Marseille II Marseille
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Niveau: Supérieur

  • exposé


—— —— ———— 1. et . 2. Artaud M., « Les mathématiques en économie comme problème didactique. Une étude exploratoire », thèse pour obtenir le grade de docteur de l'université d'Aix-Marseille-II, Marseille, 1993. SE S PL UR IE LL ES[ SES PLURI EL LE S ] 48 [ i d e e s 1 41 / 9 .2 00 5 Décalage inter dans l'ensei Jacques Bair et Valérie Henry1, professeurs de mathématiques à l'Université de Liège (Belgique). Dans cet article, nous proposons un modèle élémentaire qui met en évidence l'existence possible d'un décalage épistémologique résultant de la transmission d'un même savoir par les deux communautés d'enseignants en mathématiques et en économie. Puis, en guise d'illustrations, nous exhibons une situation didactique qui est immanquablement rencontrée dans la formation universitaire des économistes : il s'agit de l'étude de la loi de demande pour un bien de consommation. Nous concluons par quelques réflexions didactiques relatives à l'enseignement de savoirs à mathématiques pour des économistes ; nous proposons notamment, pour l'exemple traité, des contenus susceptibles d'atténuer les effets négatifs du décalage interdisciplinaire décrit.

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  • —— ——


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Extrait

Décalage inter dans l’ensei
1 Jacques Bair et Valérie Henry ,Dans cet article, nous proposons un modèle élémentaire qui professeurs de mathématiques met en évidence l’existence possible d’un décalage à l’Université de Liège (Belgique). épistémologique résultant de la transmission d’un même savoir par les deux communautés d’enseignants en mathématiques et en économie. Puis, en guise d’illustrations, nous exhibons une situation didactique qui est immanquablement rencontrée dans la formation universitaire des économistes : il s’agit de l’étude de la loi de demande pour un bien de consommation. Nous concluons par quelques réflexions didactiques relatives à l’enseignement de savoirs à mathématiques pour des économistes ; nous proposons notamment, pour l’exemple traité, des contenus susceptibles d’atténuer les effets négatifs du décalage interdisciplinaire décrit. Nous lançons également
———1.J.Bair@ulg.ac.be et V.Henry@ulg.ac.be. 2.Artaud M., « Les mathématiques en économie comme problème didactique. Une étude exploratoire », thèse pour obtenir le grade de docteur de l’université d’Aix-Marseille-II, Marseille, 1993.
quelques pistes relatives à des recherches qui pourraient être
menées pour prolonger ce travail.
l est bien connu en didactique des mathématiques que le savoir scIolarité obligatoire est, générale-mathématique enseigné en ment, le résultat d’une transposition didactique qui concerne plusieurs transformations réalisées par divers acteurs. Au départ, les mathématiciens cher-cheurs découvrent des théories mathématiques nouvelles qui vont former le savoir mathématique savant ;celui-ci est présenté dans des publications scientifiques spécifiques ou lors de congrès scientifiques entre spécialistes. De ce savoir savant, la noosphère, c’est-à-dire l’ensemble des personnes
intervenant dans l’élaboration des programmes, va en extraire le savoir mathématique à enseigner: il s’agit des matières mathématiques qui figurent dans les programmes officiels d’enseignement. Le savoir à enseigner est ensuite placé dans une situation d’ensei-gnement et habituellement adapté du savoir savant à des fins didacti-ques :cette transformation du savoir représente une mission essentielle de l’enseignant; nous dirons simplement que le fruit de ce travail constitue le savoir enseigné par les professeurs de mathématiques. Dans un enseignement universitaire 2 en économie , les savoirs que doi-
disciplinaire  gnement universitaire en économie
vent acquérir les étudiants sont pluriels, allant des mathématiques à la sociologie, en passant par les statistiques, l’informatique, le droit ou encore les langues étrangères; ils sont néanmoins tous orientés vers l’économie. Ces savoirs se décom-posent en savoirs à mathématiques, c’est-à-dire «des savoirs dont la mani-pulation suppose, peu ou prou, la manipulation de mathématiques 3 vivantes »,et les autres savoirs que, par analogie, nous nommerons savoirs sans mathématiques. Seuls les savoirs de la première catégorie, c’est-à-dire les savoirs à mathématiques, vont nous intéresser dans la suite.
[ Modélisation
NOTION DE DÉCALAGE INTERDISCIPLINAIRE
Lors d’études supérieures en éco-nomie, les savoirs à mathématiques transmis aux étudiants sont géné-ralement issus de deux sources différentes qui sont, d’une part, la sphère savante mathématique (Artaud, 1994, p. 299) et, d’autre part, ce que nous appellerons par analo-gie la sphère savante économique. Ainsi, un savoir à mathématiques d’un étudiant en économie peut être transmis soit par un professeur de mathématiques, soit par un profes-seur d’économie, les mathématiciens s’étant généralement initiés, le plus souvent de façon autodidacte, aux théories économiques, tandis que les économistes ont à tout le moins suivi des cours de mathématiques à l’université. Il advient dès lors, quelquefois, qu’une même notion soit présentée
———3.Chevallard Y., La Transposition didactique. Du savoir savant au savoir enseigné. Grenoble, La Pensée Sauvage, 1991, cité in Artaud M., « Un nouveau terrain pour la didactique des mathématiques : les mathématiques en économie », in Artigue M., Gras R., Laborde C., Tavignot P. (éd.), Vingt ans de didactique des mathématiques en France, Grenoble, La Pensée Sauvage, 1994, p. 298-304. 4.Henry V., « Questions de didactique soulevées par un enseignement de l’analyse non standard à de futures économistes », thèse pour obtenir le grade de docteur en didactique des mathématiques de l’université Paul-Sabatier de Toulouse, 2004. 5.Antibi A., Brousseau G., « Vers l’ingénierie de la dé-transposition », Les Dossiers des sciences de l’éducation, Toulouse, université du Mirail, 2002, n° 8, p. 45-57.
différemment par ces deux interve-nants :cela entraîne ce que nous nommerons un décalage. Bien entendu, il s’agit là du cas particulier d’un phénomène qui peut se ren-contrer chaque fois que les mathé-matiques jouent le rôle de savoir fon-damental dans l’élaboration d’un savoir à mathématiques au sein d’une discipline quelconque, c’est-à-dire «sont utilisées pour produire et/ou pour mettre en œuvre le savoir disciplinaire en question» (Artaud, 1994, p. 299) ; dans ce contexte général, nous parlerons alors de 4 décalage interdisciplinaire .
UN MODÈLE ÉLÉMENTAIRE Le cadre théorique dans lequel nous allons développer notre modèle est celui de l’apprentissage d’un savoir à mathématiques, qui sera noté S ultérieurement, spécifique pour économiste. Ce savoir est transposé d’un savoir savant qui s’est déve-loppé au cours du temps, mais uniquement dans la sphère des mathématiciens ou uniquement dans la sphère des économistes. Il s’agit là d’une hypothèse qui n’est évidem-ment pas toujours vérifiée dans la pratique, notamment à cause des interactions possibles entre les recherches réalisées dans les deux sphères considérées. Repérons par un indice 1 la disci-pline dans laquelle se construit le savoir savant considéré, l’autre dis-cipline, indicée par un numéro 2, se limitant, conformément à notre hypo-thèse, à exploiter ce savoir savant. Pour tenir compte de l’aspect dyna-mique du modèle, nous désignerons par S (T) l’état du savoir savant au temps T: pour fixer les idées, T pourra représenter la date de la
publication dans laquelle fut exposé pour la première fois le savoir consi-déré. De plus, nous désignerons par S* (T) le savoir à enseigner et par S° (T) le savoir enseigné qui corres-pondent à S (T). Alors qu’un professeur de la disci-pline 1 se référera à un certain état S (T ) du savoir S, son collègue de la 1 discipline 2 considérera l’état S (T) 2 de ce même savoir. Or, ces deux états du savoir S (T ) et S (T ) ne 1 2 coïncident pas toujours parce que les deux enseignants n’ont pas for-cément la même formation, ni les mêmes objectifs pédagogiques. De fait, la discipline 1 ayant, par hypo-thèse, été celle dans laquelle s’est développée la matière considérée, ses enseignants ont vraisemblable-ment une formation plus poussée que leurs collègues sur le sujet et ont aussi souvent le souci de pré-senter à leurs étudiants des déve-loppements parmi les plus récents de leur branche. Par contre, les pro-fesseurs de la discipline 2 ont fré-quemment des ambitions moins didactiques, mais plus praxéologiques (Artaud, 2003), puisqu’ils se conten-tent d’utiliser une théorie construite dans une autre sphère que la leur, généralement pour résoudre un pro-blème concret qu’ils rencontrent dans leur propre sphère. Il en résulte que Tne coïncide d’habitude pas 1 avec T , et donc que S (T ) peut dif-2 1 férer de S (T ). Il peut bien sûr en 2 aller de même avec les savoirs à enseigner S* (T ) et S* (T ), ainsi 1 2 qu’avec les savoirs enseignés S° (T ) 1 et S° (T ). 2 5 Au total, le savoir appris , noté dans la suite SA, par un même apprenant au sujet du savoir S peut provenir de deux enseignements distincts, à
briques sont absolument inassi-FIGURE 1. SCHÉMA RELATIF AU MODÈLE gnables »,Cournot résolut le pro-blème de la maximisation de la Savoirs àÉtats du savoirSavoirs Savoirs Savoirs valeur totale de la quantité débitée mathématiques savantà enseignerenseignés appris annuellement en annulant la déri-S N P 1 11 vée de la fonctionp|p F (p); à S (T )S* (T )S° (T1) 1 1———cette occasion, il traça une repré-6.Samuelson P. A., SETSA Nordhaus W. D.,sentation graphique de la loi de S (T )S* (T )S° (T2)e 2 2 Économieédition,, 16 demande, en portant les prix p en S N P Paris, Economica, 2000. 2 22 7.Als M. G.,Histoireabscisses et les quantités débitées de l’économie D en ordonnées. mathématiques, Bruxelles, PressesDans son œuvre, A. Cournot n’expli-universitaires quait pas l’origine de la valeur, ce de Bruxelles, 1961. savoir S° (T ) et S° (T ), ce quidateur de l’économie mathématique.qui était à l’époque une préoccu-1 28.Artaud M., provoque alors un décalage inter-Dans son ouvrageRecherches surpation majeure pour de nombreux « À propos du rapport aux mathématiques disciplinaire.les principes mathématiques de laéconomistes. en économie », in Irem, La figure ci-dessus représente sché-théorie des richessesparu en 1838,Ciford, DépartementL’estimation classique de la valeur de mathématiques matiquement ce modèle, avec, enle savant français s’interrogeait: «Le d’unbien par son coût de produc-(Luminy), Département ligne préliminaire, les différents typesprix des choses, a-t-on dit d’une voixde sciences humainestion ne permettait pas d’expliquer (Luminy), IUFM (éd.), et états des savoirs relatifs au thèmepresque unanime, est en raisoncertaines situations concrètes, telles Séminaire S, ainsi que, près des flèches et dansinverse de la quantité offerte, et enmathématiquesque le paradoxe de la valeur mis en et sciences humaines un encadré, les différents acteurs quiraison directe de la quantité deman-évidence par A. Smith qui est sou-2000-2001(p. 27-47), seront notés respectivement Spour dée.[…] Mais le principe même envent considéré comme «le père fon-ipublication de l’Irem de l’académie d’Aix-les membres de la sphère savante,quoi consiste-t-il? Veut-on dire que,dateur de l’économie» :« Rienn’est Marseille, 2002, n° 25. N pourla noosphère, Ppour lesdans le cas où une quantité doubleplus utile que l’eau. Cependant, vous i i 9.Bair J. et Haesbroeck enseignants de la discipline i (pour ide la denrée est mise en vente, leG., « La formationne l’échangerez que pour bien peu quantitative = 1, 2), et ET pour les étudiants.prix baisse de moitié? »Il rejeta l’idéede chose. Un diamant, au contraire, des économistes de pouvoir exprimer la relation entreà la lumière den’a guère de valeur d’usage. En l’évolution des rapports prix et quantité d’un bien par unerevanche, il arrive souvent qu’on entre les mathématiques Exemple de la loi [de demandeinProceeding I. formule algébrique semblable à celleet l’économie »,obtienne une très grande quantité de Lloyd, par manque d’observationsd’autres biens en échange de celui-Histoire et statistiques et parce que la demandeci. »(cité par Samuelson-Nordhaus, épistémologie ÉVOLUTION HISTORIQUEdans l’éducation se modifie au cours du temps. Tou-2000, p. 91). mathématique, DU SAVOIR SAVANT tefois, il proposa une loi de laCette distinction entre ces deux types Troisième université Parmi les multiples questions qu’ilsdemande ou du débit de la formed’été européenne,de valeur, à savoir la valeur d’usage UCL-KUL, abordent, les économistes ont tou-D = F(p), où D représente le débitet la valeur d’échange, a pu être Louvain-la-Neuve, jours accordé une grande importanceou la demande annuelle, tandis queLeuven, 2000.expliquée par le marginalisme, un à l’étude des liens pouvant existerp désigne le prix moyen annuel. Decourant qui comprend principale-entre «le prix d’un bien et la quantitéplus, il supposait que la fonction F,ment trois écoles en Autriche avec de ce bien qui est demandée, etdont la forme exacte n’est enMenger, en Angleterre avec Jevons 6 toutes choses égales par ailleurs» ;principe pas connue, est notammentet Edgeworth et en France avec Wal-8 9 il s’agit du savoir savant S considérédécroissante et continue; en effet,ras et Pareto . Pour cette théorie, la dans cette section.d ’ u n ep a r t ,l ed é b i ta u g m e n t evaleur d’usage est l’utilité totale, tan-La première relation mathématiquequand le prix diminue (sauf pourdis que la valeur d’échange est l’uti-de ce type fut vraisemblablementdes exceptions, comme le diamantlité marginale, c’est-à-dire l’utilité de l’œuvre de l’économiste H. Lloyd; parexemple) et, d’autre part, F estsa dernière unité: par exemple, l’eau celui-ci proposa, en 1771, dans son« unefonction qui ne passe pas sou-a une plus grande utilité totale mais ouvrageOn the Theory of the Moneyune plus petite utilité marginale qued’une valeur à une autre,, dainement la formule suivante: P = M/Q, où P,mais qui prend dans l’intervallele diamant. Le paradoxe de Smith M et Q désignent respectivement letoutes les valeurs intermédiaires». peutêtre expliqué comme suit: «plus prix, la masse monétaire et la quan-En exploitant ensuite la puissanceune marchandise est abondante, 7 tité des marchandises .de l’analyse mathématique, quimoindre est la désirabilité relative Cette égalité fut contestée par A.« consisteprécisément à assigner desde sa dernière unité» (Samuelson-Cournot, mathématicien, économisterelations déterminées entre desNordhaus, 2000, p. 91). et philosophe français, qui estquantités dont les valeurs numé-Une synthèse et un approfondisse-aujourd’hui considéré comme le fon-riques et même les formes algé-ment des travaux des marginalistes
conduisirent Marshall à déterminer une courbe de demande en agré-geant les demandes individuelles, celles-ci pouvant être construites à partir de la fonction d’utilité de chaque consommateur. De fait, si un individu achète deux biens X et Y, en quantités respectives x et y, aux prix unitaires pet pet en dispo-X Y sant d’un revenu total R, il cherche à maximiser sa fonction d’utilité défi-nie par U (x, y), tout en respectant la contrainte budgétaire donnée par l’égalité px + p y = R. X Y L’on sait que le choix optimal se pro-duit lorsqu’une courbe d’indifférence, d’équation implicite U (x, y) = k, vient toucher tangentiellement la contrainte budgétaire dans le plan des quantités; cette condition géo-métrique se traduit par l’égalité, en valeur absolue, entre le taux marginal de substitution et le rapport des prix, où le taux marginal de substitution TmS n’est rien d’autre que le rapport des utilités marginales. En appliquant
———10.Varian H. R., Introduction à la microéconomie, Bruxelles, De Boeck Université, 1992.
cette théorie au cas d’un consom-mateur qui commande une quantité q dubien X, les autres produits étant X agrégés dans le bien Y, son choix optimal permet de déterminer le prix p correspondant; en supposant uni-X taire le prix du bien agrégé Y, on peut écrire p= |TmS|: ce prix mesure X donc la quantité du bien Y que le consommateur est prêt à sacrifier suite à une petite augmentation du bien X pour conserver le même 10 niveau de satisfaction. S’appuyant sur ce raisonnement, Marshall construisit graphiquement la courbe de demande du bien X considéré en portant, dans le plan muni d’un repère orthogonal, chaque quantité qsur l’axe horizontal et le X prix pcorrespondant sur l’axe ver-X tical. Depuis lors, les économistes ont pris l’habitude de représenter les prix en ordonnées dans la repré-sentation graphique de la fonction de demande. Cette disposition leur permet de présenter aisément
d’autres notions, comme la recette marginale, l’élasticité de la demande ou encore les surplus du consom-mateur et du producteur.
APPLICATION DU MODÈLE La recherche de liens entre le prix et la quantité d’un produit est une question avant tout économique. Cette théorie, notée S dans le modèle, s’est donc développée essentiellement dans la sphère savante économique, de sorte que l’indice 1 du modèle est réservé à l’économie et le 2 aux mathéma-tiques. Les enseignants économistes utili-sent une courbe de demande notamment pour expliquer la for-mation de prix; ils adoptent ainsi la convention marshallienne qui consiste à placer les prix en ordon-nées et les quantités en abscisses; ils font alors appel à un savoir savant exposé dans lesPrinciples of Economicsde Marshall (Als, 1961,
p. 140), de sorte que l’on peut écrire T =1890. 1 De leur côté, les enseignants mathé-maticiens évoquent généralement la loi de demande comme un exemple de fonction utilisée en économie. Ils représentent alors graphiquement la fonctionpAq = F (p)de la même manière qu’ils tracent le graphe d’une fonctionxAy = f (x), c’est-à-dire en portant les valeurs de la variable « indépendante »(p ou x selon les cas) sur l’axe horizontal du repère et celles de la variable «dépendante » (q ou y) sur l’axe vertical. Ils sont ainsi fidèles à la démarche suivie par Cournot dans son ouvrage Recherches sur les principes mathé-matiques de la théorie des richesses; en conséquence, on peut écrire T 2 = 1838. Notons encore que les mathématiciens ne prennent habi-tuellement pas autant de précautions que Cournot pour introduire une fonction de débit: par exemple, sou-vent, ils ne s’intéressent ni à l’inter-prétation économique ni à la déter-mination pratique des grandeurs comme le faisait lui-même Cournot; de la sorte, le savoir à enseigner S* (T ) est fréquemment plus pauvre 2 que le savoir savant original S (T ). 2 Il en résulte que le savoir appris SA des étudiants provient de deux versions différentes relatives à la
———11.Les économistes qualifient de demande linéaire une fonction de demande qui en fait affine en la variable prix.
FIGURES 2. L’ÉLASTICITÉ D’UNE COURBE DE DEMANDE LINÉAIRE
Quantité a
|Eq| <1
|Eq| =1
|Eq| >1 _ _ 0 a b (a) Par un mathématicien (Bair, 1993, p. 231)
Prix
représentation graphique d’une fonction de demande; celles-ci se présentent souvent sous la forme de courbe ayant la même allure, la seule différence résidant dans la mention des variables sur les axes de coor-données :pour S° (T), les prix sont 1 en ordonnées, tandis que pour S° (T ), ce sont les quantités qui 2 sont en ordonnées. Ce décalage représente évidemment un obstacle potentiel et peut provo-quer des confusions ou des erreurs, ainsi qu’en témoigne notamment cet exemple relatif à une demande 11 linéaire définiepar l’égalité q = a – b p, avec, en général a > 0 et b > 0. Considérons l’élasticité de la demande d’un bien par rapport au prix: dans ce – bp cas, elle est égale à=Eq =; a – bp
ce bien est déclaré posséder une demande élastique ou inélastique selon que l’élasticité correspondante est, en valeur absolue, respective-ment supérieure ou inférieure à l’unité. Cette distinction entre les biens peut être visualisée au moyen de la représentation graphique de la fonction de demande, qui est une droite généralement restreinte au premier quadrant pour des raisons économiques évidentes. Les biens à demande inélastique pour les
Prix |¡| ='
a/2b
|¡| >1
économistes (respectivement pour les mathématiciens) sont situés, sur la figure, là on se retrouvent les biens à demande élastique pour les mathé-maticiens (respectivement pour les économistes). Ainsi en attestent les deux graphiques ci-dessous qui figurent dans des livres de référence destinés aux mêmes étudiants. Ce genre d’obstacle potentiel chez un apprenant peut se retrouver dans d’autres circonstances fréquemment rencontrées par des étudiants en économie, par exemple dans la détermination du surplus d’un consommateur ou du surplus d’un producteur.
Un enseignement [interdisciplinaire… En théorie, il semble aisé de combler un décalage interdisciplinaire: il « suffit »que les deux communautés d’enseignants travaillent dans la même direction et au même rythme. Pourquoi ne pas rêver d’un ensei-gnement interdisciplinaire dans lequel un mathématicien et un économiste présenteraient, simulta-nément et de façon concertée, une même matière? Dans la pratique, ce n’est évidem-ment pas aussi simple qu’il y paraît à première vue.
|¡| =1
a/2
L’élasticité est infinie à l’ordonnée à l’origine, égale à 1 au milieu de la courbe et nulle au point d’abscisse
|¡| <1
|¡| =0 Quantité
(b) Par un économiste (Varian, 1992, p. 281)
En ce qui concerne de tels décalages interdisciplinaires, les didacticiens nous semblent pouvoir agir sur plusieurs fronts: – repérer les sujets de décalage possible ; – prévoir une séquence de dé-trans-position (Antibi-Brousseau) quand un tel décalage a été décelé; – anticiper de tels décalages; – chercher des présentations adé-quates qui pourraient d’emblée convenir aux deux communautés enseignantes et être adaptées aux étudiants. Un tel travail demande évidemment une bonne formation de l’enseignant tant en mathématiques qu’en éco-nomie. En plus de compétences dis-ciplinaires adéquates, le professeur devra également faire preuve de com-pétences transversales afin d’adapter son enseignement et de relier entre eux les différents points de vue. Nous tenons à montrer la faisabilité de ce programme en proposant des suggestions issues de notre expérience personnelle et qui sont susceptibles de traiter les décalages exposés dans notre exemple. Pour la loi de demande, on pourrait introduire, en conservant les nota-tions antérieures, deux notions
———12.Nous nous devons de signaler que certains économistes distinguent ces deux types de demande, mais de façon fort timide et en les confondant quelquefois.
différentes, à savoir une demande directe définie par une égalité de la forme q = f (p) et une demande inverse qui répondrait à l’égalité sui-12 vante p = F (q); bien entendu, lorsque la fonction de demande est injective, les fonctions f et F sont réci-proques l’une de l’autre. Dans le cas particulier d’une demande linéaire, il serait alors bon d’utiliser des lettres différentes pour désigner les paramètres intervenant dans les fonctions affines considé-rées, à savoir: q = a – b p et p = c – d q; pour un même bien, on a évidemment c = a/b et d = 1/b. En représentant graphiquement ces deux demandes de la manière habi-tuelle, c’est-à-dire en portant en abs-cisses les valeurs de la variable du deuxième membre et en ordonnées celles de la variable du premier membre, on retrouverait le graphique du mathématicien (respectivement de l’économiste) pour la demande directe (respectivement pour la demande inverse).
PROLONGEMENT Pour terminer, nous proposons trois directions de recherches susceptibles de prolonger cette étude.
– Il serait intéressant d’essayer d’appliquer un semblable modèle à d’autres situations rencontrées dans la formation d’un économiste. Nous pensons notamment aux concepts fondamentaux de valeur marginale, d’élasticité et de différentielle qui sont abondamment exploités en économie, quelquefois de manière polysémique ;une amorce de ces questions peut être trouvée dans les travaux de Henry (2004). – Une autre piste possible consiste-rait à s’efforcer d’affiner le modèle, notamment en tenant compte d’interactions potentielles dans la constructions des deux savoirs savants envisagés; cela pourrait être réalisé en exploitant des liens exis-tant entre l’institution de production de savoir économique P et l’école E qui lui est associée, ainsi que la sphère savante mathématique P m (Artaud, 1994, p. 299-300). Sur la figure 1 de notre modèle, on pourrait effectivement envisager diverses flèches reliant des nœuds affectés d’indices différents. – Enfin il serait utile de mener une étude similaire sur les décalages interdisciplinaires entre deux ou plusieurs disciplines arbitraires.]
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