Escher et les sciences: l obsession de l infini
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Escher et les sciences: l'obsession de l'infini

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Description


Son style est précis, détaillé, il n'y a pratiquement pas de place pour le flou. Ses techniques de travail limitent souvent l'usage de la couleur mais sa maîtrise du dessin, de la perspective, des contrastes et des formes est impressionnante. Escher est un analyste qui décrit des structures, se les approprie et les transforme. Il est fasciné par la géométrique, la symétrie, l'ordre, la perspective et les motifs répétés. Il passe énormément de temps en études préliminaires et en travaux préparatoires. Pour autant, même si les titres de gravures sont d'un prosaïsme rebutant, ses dessins complexes ne sont pas ennuyeux, au contraire; ils sont narratifs et perturbants. Son œuvre n'a pas d'équivalent en Europe mais trouve un écho intéressant dans les constructions géométriques arabes (dont il verra des exemples en Espagne) et indiennes. Ses contemporains préfèrent un art moins cérébral, plus chaotique.
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Extrait

Escher et les sciences: l'obsession de l'inIni
vendredi, novembre 23, 2012
Karim MADJER
Il y a quelques temps, j'avais promis de reparler du graveur Escher, en évoquant la réalisation, par un designer allemand, desa fontaine inînie. Chose promise, chose due, voici donc un petit article surMaurits Cornelis Escher, artiste réaliste, méticuleux, obsédé par la géométrie et les répétitions inînies.
Une brève histoire d'estampe
Autoportrait de M.C.Escher
Escher naït en 1898 aux Pays-bas. Son talent est découvert et encouragé très tôt; il s'oriente rapidement vers les arts graphiques, notamment vers la gravure (ce qui explique la dominance des œuvres en noir et blanc). En 1922, ses études terminées, il voyage dans le sud de l'Europe et passe son temps à recopier et à dessiner ce qu'il voit. Son imagination restera marquée par les caractéristiques architecturales des monuments visités: voûtes, escaliers, mosaques, pavages réguliers etc. Il y passe les années suivantes et s'installe tardivement en Belgique en 1937. Cette date marque un tournant dans son travail, qui incorpore désormais des éléments fantaisistes.
Son style est précis, détaillé, il n'y a pratiquement pas de place pour le Lou. Ses techniques de travail limitent souvent l'usage de la couleur mais sa maïtrise du dessin, de la perspective, des contrastes et des formes est impressionnante. Escher est un analyste qui décrit des structures, se les approprie et les transforme. Il est fasciné par la géométrique, la symétrie, l'ordre, la perspective et les motifs répétés. Il passe énormément de temps en études préliminaires et en travaux préparatoires. Pour autant, même si les titres de gravures sont d'un prosasme rebutant, ses dessins complexes ne sont pas ennuyeux, au contraire; ils sont narratifs et perturbants. Son œuvre n'a pas d'équivalent en Europe mais trouve un écho intéressant dans les constructions géométriques arabes (dont il verra des exemples en Espagne) et indiennes. Ses contemporains préfèrent un art moins cérébral, plus chaotique.
Saint François
Durant sa vie d'artiste, Escher montre un grand intérêt pour certains aspects des sciences. Il est sensible à l'esthétique et à la pureté des modèles mathématiques ou physiques par exemple. es scientiîques sont également nombreux à se servir de ces dessins pour illustrer certaines notions, ils en apprécient la clarté et
l'élégance des symétries (ses œuvres les plus célèbres sont devenus des images incontournables en cristallographie). Cette réciprocité donnera lieu à des échanges entre l'artiste et certains scientiîques.
Escher aime les mathématiques mais son attirance pour cette discipline était avant tout visuelle. Son travail se nourrit de notions précises que l'on retrouve en eFet en géométrie, en topologie ou en cristallographie, mais Escher s'attache à une description purement graphique des structures et ne s’embarrasse pas du formalisme mathématique associé. Il est toutefois frappant de voir avec quelle exactitude certains de ces dessins reLètent des concepts scientiîques précis. C'est tout cela que je me propose de vous faire (re)découvrir aujourd'hui. Je ne suis pas historien de l'Art, aussi je m'arrête ici pour la biographie. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter lesite ociel consacré.
La transformation de la réalité: la projection et la structure
Polyèdres
Escher est fasciné par la perfection de la forme et les îgures géométriques "classiques". S'il considère une altération possible, elle est toujours structurée. Un de ses exercices favoris est de travailler sur des déformations géométriques, la réLexion et les symétries. a sphère est son objet de prédilection, il réalise d'ailleurs un autoportrait avec une boule de verre. Il s'amuse à projeter notre vision plane de la réalité sur des boules, des boutons de porte ou des carafes d'eau. Il est très dicile de dessiner correctement un reLet déformé: Escher passe énormément de son temps à tracer des lignes de perspective soigneusement courbées sur lesquelles il superpose son dessin. Il n'a pas de connaissances particulières des expressions mathématiques de ces transformations mais applique des méthodes géométriques extrêmement pointilleuses. Ses lignes sont si régulières qu'elles semblent avoir été tracées avec un logiciel de dessin.
Escher travaille également sur d'autres transformations, parfois purement fantaisistes, comme dans l'exemple ci-dessous, où l'on peut voir le canevas préparatoire utilisé pour déformer le centre de l'image.
Son travail sur la réLexion et la déformation est remarquable. On peut aussi voir, à gauche, un exemple de déformation ondulatoire, qui forme des entrelacs dans la réLexion de la Laque d'eau. e résultat est quasiment parfait. Il faut pourtant eFectuer plusieurs transformations complexes pour y parvenir: projeter dans un premier temps des cercles concentriques sur une surface plane vue en perspective puis appliquer une déformation circulaire à l'image de base. Cette habilité à manipuler les transformations lui vaudront la sympathie des mathématiciens, notamment en théorie des groupes, pour qui les notions de symétrie, d'image et de transformation sont fondamentales.
Sur le dessin de droite,Exposition d'Estampes, Escher a laissé un disque vide au centre. Pourquoi? Cette "incomplétude" était elle préméditée? Il est vraisemblable que la grille de transformation ait été trop dicile à utiliser sur cette petite partie centrale, même pour Escher. Des chercheurs, aidés de l'artiste
néerlandaiseJacqueline Hofstra, ont analysé les transformations complexes de la grille et imaginé la partie manquante. e résultat (visible en vidéo ci-dessous) est une mise en abïme où le dessin se tord dans un tourbillon inîni:
Escher le cristallographe
es dessins d'Escher se basent aussi sur un autre domaine intéressé par les groupes et les opérations de symétrie: la cristallographie. Dans les années 1920, son frère l'initie à cette discipline de la physique du solide qui étudie les formes cristallisées. Pour comprendre comment Escher s'en inspire, il faut savoir quelques petites choses sur les cristaux.
a spéciîcité des cristaux (comme le sel, le sucre, le diamant, et de façon générale, tous les minéraux) est de présenter une structure périodique parfaitement ordonnée à l'échelle atomique. e sel de table par exemple (du chlorure de sodium) est constitué de milliards de "petits cubes" qui ressemblent à ceci (les boules vertes représentent les atomes de chlore et les boules bleues, les atomes de sodium):
Structure cristalline du sel de table
Une structure tridimensionnelle d'Escher
a répétition de ce cube, dans toutes les directions de l'espace, constitue un cristal de sel. a structure d'un cristal n'est pas forcément cubique, mais je ne rentre pas trop dans les détails cette fois ci. 'autre notion importante est celle de "motif", c'est l'entité de base qui, répétée à chaque point du réseau cristallin (appelé "nœud"), va former le cristal dans son entier. Voici un exemple en deux dimensions:
Escher, séduit par cette simplicité symétrique, s'empare du concept et invente des motifs particulièrement sophistiqués. Dans l'exemple ci-dessous, j'ai tracé les lignes de symétrie. e losange rouge montre le motif qui est répété (on peut choisir ce que l'on veut comme motif, pourvu que l'on puisse reconstituer l'intégralité du dessin en le répétant).
a description formelle des structures cristallographiques fait aussi intervenir la théorie des groupes. Pour décrire une structure, on donne la forme du réseau cristallin de base (un cube par exemple) et les opérations de symétrie qui laisse le système cristallin invariant, c'est à dire inchangé. Autrement dit, on peut partir d'un motif élémentaire et reconstituer l'ensemble du réseau de base par des opérations de transformation. Cela semble un peu compliqué, alors voici un petit exemple de transformations possibles en 2 dimensions, avec une pomme et une banane comme motif élémentaire et un réseau de base comportant 8 pommes et
8 bananes. En juxtaposant des carrées remplis de la même façon, on forme un cristal en 2 dimensions.
Tout en s’intéressant à la cristallographie, Escher explore un autre domaine des mathématiques lié à la question suivante: pour une forme donnée, quel est le meilleur arrangement sur une surface plane, celui qui permet le moins de pertes? Dans les dessins d'Escher, les pertes sont nulles, car il peut choisir de déformer les motifs à volonté. Cette question a des applications pratiques, comme lorsque l'on veut découper un maximum de pièces en aluminium sur une plaque la plus petite possible. Voici d'autres exemples de pavage astucieux imaginés par Escher:
Il est intéressant de noter que Roger Penrose, dont nous verrons plus loin qu'il a été une source d’inspiration pour Escher, publiera en 1970 un article sur des pavages non périodiques qui permettent de remplir le plan. Ces pavages n'avaient à l'époque aucune correspondance dans le monde réel. En 1984, ils seront utilisés pour décrire la structure des quasi-cristaux récemment découverts.
L'élégante symétrie
e principe de symétrie est omniprésent en physique. a chiralité par exemple, est une notion qui concerne la symétrie "miroir". Si un objet possède une image dans un miroir, avec laquelle il ne se confond pas, on dit qu'il est chirale. Vos mains, par exemple, sont des objets chiraux: la main gauche est bien l'image de la main droite dans un miroir mais il est impossible de les confondre si on les superpose. Une balle de ping-pong par contre, est indiscernable de son image dans miroir: ce n'est pas un objet chiral. a notion de symétrie est aussi reliée à une question fondamentale: pourquoi notre Univers est il constitué de matière, et non d'antimatière? es équations de la physique sont pourtant symétriques: chaque particule possède une antiparticule qui a une charge opposée. Comme les équations sont symétriques par rapport au temps aussi, on peut considérer l'antimatière comme de la matière "normale" qui remonte le temps (il va falloir que j'en parle dans un prochain article). Mais pourquoi l'antimatière semble t-elle avoir disparu de notre Univers? En 1957, le prix Nobel de Physique est attribué (entre autres) à Chen Ning Yang, pour son travail sur la non-conservation de parité de l'interaction faible. Cette théorie de physique quantique décrit la violation d'un type de symétrie lors de certaines réactions entre particules. Il montre ainsi qu'une expérience réalisée avec de la matière n'est pas l'exact reLet dans un miroir de la même expérience réalisée avec de l'antimatière. Pour illustrer ses propos, il utilise la gravureCavaliers:
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