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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 46 |
EAN13 | 9782824709680 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
EST H ER H EU REUSE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
EST H ER H EU REUSE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0968-0
BI BEBO OK
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.S. A. LE P RI NCE ALFONSO SERAF I NO DI PORCIA
Laissez-moi mer e v otr e nom en tête d’une œuv r e essentielle-A ment p arisienne et mé dité e chez v ous ces jour s der nier s. N’ est-il
p as natur el de v ous offrir les fleur s de rhétorique p oussé es dans v otr e
jardin, ar r osé es des r egr ets qui m’ ont fait connaîtr e la nostalgie , et que v ous
av ez adoucis quand j’ er rais sous les b oschei dont les or mes me rapp
elaient les Champs-Ély sé es ? Peut-êtr e rachèterai-je ainsi le crime d’av oir
rê vé Paris en face du Duomo , d’av oir aspiré à nos r ues si b oueuses sur les
dalles si pr opr es et si élég antes de Porta Renza. and j’aurai quelques
liv r es à publier qui p our r ont êtr e dé diés à des Milanaises, j’aurai le b
onheur de tr ouv er des noms déjà cher s à v os vieux conteur s italiens p ar mi
ceux des p er sonnes que nous aimons, et au souv enir desquelles je v ous
prie de rapp eler
V otr e sincèr ement affe ctionné
DE BALZA C.
A oût 1838.
n
1EST H ER H EU REUSE
1824, der nier bal de l’Op éra, plusieur s masques fur ent
frapp és de la b e auté d’un jeune homme qui se pr omenait dans lesE cor ridor s et dans le fo y er , av e c l’allur e des g ens en quête d’une
femme que des cir constances impré v ues r etiennent au logis. Le se cr et
de cee démar che , tour à tour indolente et pr essé e , n’ est connu que
des vieilles femmes et de quelques flâneur s émérites. D ans cet immense
r endez-v ous, la foule obser v e p eu la foule , les intérêts sont p assionnés,
le désœuv r ement lui-même est pré o ccup é . Le jeune dandy était si bien
absorbé p ar son inquiète r e cher che , qu’il ne s’ap er ce vait p as de son
succès : les e x clamations railleusement admirativ es de certains masques, les
étonnements sérieux, les mordants lazzis, les plus douces p ar oles, il ne les
entendait p as, il ne les v o yait p oint. oique sa b e auté le classât p ar mi
ces p er sonnag es e x ceptionnels qui viennent au bal de l’Op éra p our y av oir
une av entur e , et qui l’aendent comme on aendait un coup heur eux à
la Roulee quand Frascati vivait, il p araissait b our g e oisement sûr de sa
soiré e ; il de vait êtr e le hér os d’un de ces my stèr es à tr ois p er sonnag es qui
comp osent tout le bal masqué de l’Op éra, et connus seulement de ceux
qui y jouent leur rôle ; car , p our les jeunes femmes qui viennent afin de
p ouv oir dir e : J’ai vu ; p our les g ens de pr o vince , p our les jeunes g ens
2Esther heur euse Chapitr e
ine xp érimentés, p our les étrang er s, l’Op éra doit êtr e alor s le p alais de la
fatigue et de l’ ennui. Pour eux, cee foule noir e , lente et pr essé e , qui va,
vient, ser p ente , tour ne , r etour ne , monte , descend, et qui ne p eut êtr e
comp aré e qu’à des four mis sur leur tas de b ois, n’ est p as plus compréhensible
que la Bour se p our un p ay san bas-br eton qui ignor e l’ e xistence du
GrandLiv r e . A de rar es e x ceptions près, à Paris, les hommes ne se masquent
p oint : un homme en domino p araît ridicule . En ce ci le g énie de la
nation é clate . Les g ens qui v eulent cacher leur b onheur p euv ent aller au bal
de l’Op éra sans y v enir , et les masques absolument for cés d’y entr er en
sortent aussitôt. Un sp e ctacle des plus amusants est l’ encombr ement que
pr o duit à la p orte , dès l’ ouv ertur e du bal, le flot des g ens qui s’é chapp ent
aux prises av e c ceux qui y montent. D onc, les hommes masqués sont des
maris jaloux qui viennent e spionner leur s femmes, ou des maris en b onne
fortune qui ne v eulent p as êtr e espionnés p ar elles, deux situations ég
alement mo quables. Or , le jeune homme était suivi, sans qu’il le sût, p ar un
masque assassin, gr os et court, r oulant sur lui-même comme un tonne au.
Pour tout habitué de l’Op éra, ce domino trahissait un administrateur , un
ag ent de chang e , un banquier , un notair e , un b our g e ois quelconque en
soup çon de son infidèle . En effet, dans la très-haute so ciété , p er sonne ne
court après d’humiliants témoignag es. D éjà plusieur s masques s’étaient
montré en riant ce monstr ueux p er sonnag e , d’autr es l’avaient ap ostr
ophé , quelques jeunes s’étaient mo qués de lui, sa car r ur e et son maintien
annonçaient un dé dain mar qué p our ces traits sans p orté e ; il allait où le
menait le jeune homme , comme va un sanglier p our suivi qui ne se
soucie ni des balles qui sifflent à ses or eilles, ni des chiens qui ab oient après
lui. oiqu’au pr emier ab ord le plaisir et l’inquiétude aient pris la même
liv ré e , l’illustr e r ob e noir e vénitienne , et que tout soit confus au bal de
l’Op éra, les différ ents cer cles dont se comp ose la so ciété p arisienne se
r etr ouv ent, se r e connaissent et s’ obser v ent. Il y a des notions si pré cises
p our quelques initiés, que ce grimoir e d’intérêts est lisible comme un r
oman qui serait amusant. Pour les habitués, cet homme ne p ouvait donc
p as êtr e en b onne fortune , il eût infailliblement p orté quelque mar que
conv enue , r oug e , blanche ou v erte , qui signale les b onheur s apprêtés de
longue main. S’agissait-il d’une v eng e ance ? En v o yant le masque suivant
de si près un homme en b onne fortune , quelques désœuv rés r e v enaient
3Esther heur euse Chapitr e
au b e au visag e sur le quel le plaisir avait mis sa divine auré ole . Le jeune
homme intér essait : plus il allait, plus il ré v eillait de curiosités. T out en
lui signalait d’ailleur s les habitudes d’une vie élég ante . Suivant une loi
fatale de notr e ép o que , il e xistait p eu de différ ence , soit phy sique , soit
morale , entr e le plus distingué , le mieux éle vé des fils d’un duc et p air , et
ce char mant g ar çon que naguèr e la misèr e étr eignit de ses mains de fer
au milieu de Paris. La b e auté , la jeunesse p ouvaient masquer chez lui de
pr ofonds abîmes, comme chez b e aucoup de jeunes g ens qui v eulent jouer
un rôle à Paris sans p ossé der le capital né cessair e à leur s prétentions, et
qui chaque jour risquent le tout p our le tout en sacrifiant au dieu le plus
courtisé dans cee cité r o yale , le Hasard. Né anmoins, sa mise , ses
manièr es étaient ir répr o chables, il foulait le p ar quet classique du fo y er en
habitué de l’Op éra. i n’a p as r emar qué que là , comme dans toutes les
zones de Paris, il est une façon d’êtr e qui ré vèle ce que v ous êtes, ce que
v ous faites, d’ où v ous v enez, et ce que v ous v oulez ?
― Le b e au jeune homme ! Ici l’ on p eut se r etour ner p our le v oir , dit
un masque en qui les habitués du bal r e connaissaient une femme comme
il faut.
― V ous ne v ous le rapp elez p as ? lui rép ondit le cavalier , madame du
Châtelet v ous l’a cep endant présenté . . .
― oi ! c’ est le p etit ap othicair e de qui elle s’était amouraché e , qui
s’ est fait jour naliste , l’amant de mademoiselle Coralie ?
― Je le cr o yais tombé tr op bas p our jamais p ouv oir r emonter , et je ne
compr ends p as comment il p eut r ep araîtr e dans le monde de Paris, dit le
comte Sixte du Châtelet.
― Il a un air de prince , dit le masque , et ce n’ est p as cee actrice av e c
laquelle il vivait qui le lui aura donné ; ma cousine , qui l’avait de viné ,
n’a p as su le débarb ouiller ; je v oudrais bien connaîtr e la maîtr esse de ce
Sar gine , dites-moi quelque chose de sa vie qui puisse me p er mer e de
l’intriguer .
Ce couple qui suivait le jeune homme en chuchotant fut alor s p
articulièr ement obser vé p ar le masque aux ép aules car ré es.
― Cher monsieur Chardon, dit le préfet de la Char ente en pr enant
le dandy p ar l