Des arts libéraux à la pluridisciplinarité : approches de l encyclopédisme - article ; n°4 ; vol.138, pg 911-923
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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1994 - Volume 138 - Numéro 4 - Pages 911-923
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jean Favier
Des arts libéraux à la pluridisciplinarité : approches de
l'encyclopédisme
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 138e année, N. 4, 1994. pp. 911-
923.
Citer ce document / Cite this document :
Favier Jean. Des arts libéraux à la pluridisciplinarité : approches de l'encyclopédisme. In: Comptes-rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 138e année, N. 4, 1994. pp. 911-923.
doi : 10.3406/crai.1994.15420
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1994_num_138_4_15420DES ARTS LIBERAUX
À LA « PLURIDISCIPLINARITÉ »
APPROCHES
DE L'ENCYCLOPÉDISME
PAR
M. JEAN FAVIER
MEMBRE DE L'ACADÉMIE, VICE-PRÉSIDENT
C'est un étonnant parcours sémantique que celui de cette disci
plina dont les lointains descendants sont à ce point étrangers l'un
à l'autre que, si une procédure ou une sanction peuvent être dis
ciplinaires, ce sont des enseignements ou des colloques qui se
réclament du qualificatif « pluridisciplinaire ».
Discipline, une étymologie limpide le dit bien, c'est globalement
le comportement du disciple, soumis à l'autorité intellectuelle et
morale du maître. C'est une vie conforme à une règle, donc une
règle de vie. Mais l'autorité est contraignante, et voici déjà mille
ans que le glissement de l'enseignement librement accepté à la
règle imposée par contrainte a commencé de donner au mot dis
cipline le sens, prépondérant pendant cinq ou six siècles, qui le
fait synonyme de tourment, de brimade, de châtiment. Ce maître-
là n'est plus celui qui enseigne, c'est celui qui corrige et punit.
Notons qu'entre la correction d'un texte, et aujourd'hui celle
d'épreuves d'imprimerie, et la correction infligée à un enfant, le
glissement est le même. On corrige un comportement, puis on
punit celui qui n'entend pas d'autre correction que celle de la volée
de bois vert.
Détruire une ville, c'est donc, au Moyen Âge, « discipliner », et
le carnage est un moyen connu pour changer le comportement
des survivants et les discipliner sous une règle nouvelle. De là à
l'instrument de mortification que Tartuffe fait serrer avec sa hère,
il n'y a qu'un pas. De la règle morale enseignée ou imposée par le
maître au fouet qui la fait respecter par le disciple, le chemin est COMPTES RENDUS DE L' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 912
le même que celui qui conduit de l'autorité morale qui s'impose
à la violence qui impose l'autorité.
Le sens d'origine n'est toutefois pas oublié. La discipline est
aussi faite, et fort heureusement, des bienfaits intellectuels que
reçoit l'élève. Que chaque maître ait la sienne n'a rien pour
étonner. Chacun ne saurait tout savoir. La discipline du disciple,
c'est ce qu'il doit au maître qu'il a choisi plutôt qu'un autre. Cet
héritage transmis, ce peut être une règle de vie, une manière de
concevoir l'homme et le monde. Ce peut être aussi un domaine
de la connaissance. Cicéron, déjà, entendait parfois disciplina en
ce sens. Quelque peu négligé pendant près de deux mille ans, il
reprend sa place dans le vocabulaire français du XIXe siècle. Il était
temps : on cessait de parler des arts.
Lorsqu'au Ve siècle Marcianus Capella dresse le tableau des
sciences dont l'ensemble concourt à la connaissance du monde,
c'est entre les quatre arts du quadrivium qu'il les répartit, cepen
dant que les arts de l'expression et de l'analyse de la pensée
forment les trois arts du trivium. Ces arts libéraux, remis en forme
au siècle suivant par Cassiodore et Boèce, vont donner ses cadres
pour un millénaire à l'enseignement moyen, celui qui conduit les
enfants de l'âge où ils maîtrisent la lecture et l'écriture à l'âge où
ils peuvent accéder aux enseignements supérieurs de la théologie,
du droit ou de la médecine.
Avant ce temps de spécialisation, les arts libéraux offrent une
vue large de l'homme et du monde, une vue qui suffit à beaucoup
pour se tailler une place honorable dans la société laïque ou ecclé
siastique sans prétendre aux degrés supérieurs qui ouvrent la voie
des grandes carrières. Grammaire, rhétorique, dialectique, puis
arithmétique, géométrie, musique, astronomie sont alors les sept
disciplines entre lesquelles se distribue le savoir et le savoir-dire.
Il est juste de préciser que la dialectique couvre aussi bien la
logique que, en partage avec la théologie, la métaphysique, et que
la musique est plus une théorie de l'équilibre physique traduit par
les huit modes qu'un art de la composition ou de l'interprétation.
a Pour dresser et vulgariser le bilan des connaissances, le Moyen
Âge est friand de compilations encyclopédiques, fondées sur
l'autorité des Anciens, Pline l'Ancien en tête, plus que sur l'obser
vation contemporaine. La première encyclopédie est procurée au
début du vir siècle par l'évêque Isidore de Séville, lequel, s'inspi-
rant de Boèce, donne dans ses Étymologies, d'abord nommées De
l'origine de certaines choses, une vue analytique de ce que l'on sait
du monde, avec un classement thématique des définitions et des
exemples.
Complétée au vir siècle par Alcuin, au IXe par Raban Maur et
au Xe par Gerbert d'Aurillac, l'œuvre d'Isidore demeure longtemps APPROCHES DE L'ENCYCLOPÉDISME 913
la base de toute revue du monde. Le xiir siècle en usera encore,
à la veille du renouvellement de l'enseignement scientifique par
Guillaume d'Occam. On citera encore les Étymobgies au XVe siècle.
Très tôt, cependant, la pratique de rompt avec
la classification théorique. Sans inventer ce que le XXe siècle appel
lera « pluridisciplinarité », la scolastique met le maître, lorsqu'il
explique un texte et fait appel aux trois sens — littéral, moral et
allégorique — de la proposition ou de l'exemple, à même
d'énoncer des commentaires qui puisent dans l'un ou l'autre des
compartiments de sa science. Que le commentateur le veuille ou
non, c'est la richesse et la diversité du texte commenté qui brise
les cadres officiels.
Par-delà le schématisme du cours magistral dont nul ne prou
vera jamais l'inutilité puisqu'il est l'énoncé de ce qu'il sait par celui
qui sait et à l'intention de ceux qui ne savent pas encore, notre
enseignement littéraire redécouvrira dès le XIXe siècle les vertus de
l'explication de texte. Chacun, certes, privilégie sa discipline, mais
ne se prive ni de mettre en œuvre la voisine ni d'invoquer telle dis
cipline qui, comme l'histoire, n'a pas trouvé dans la classification
théorique une place bien définie.
Deux disciplines émergent ainsi de la littérature en marge des
arts classifiés. L'une est en effet l'histoire, dont les origines seraient
à chercher à la fois dans la lecture littérale de la Bible, dans la
pensée morale que nourrissent les vies de saints, et dans le souci
d'explication de la Jérusalem terrestre, parfois réduit à la glorif
ication d'un roi ou à celle d'un monastère. L'histoire a longtemps
été un genre littéraire : on l'écrit. Elle n'était pas un art ou une
discipline : on ne l'enseignait pas.
L'autre domaine marginal est la géographie, dont le nom est
longtemps oublié entre Strabon et la fin du Moyen Âge, mais dont,
sous divers noms et le plus souvent sous celui d'Image du monde,
un Honorius Augustodunensis et un Hugues de Saint- Victor au
xir siècle, un Gossuin de Metz au milieu du XIIIe siècle et un Pierre
d'Ailly au début du XVe cherchent à élever les ambitions d'une
représentation symbolique à une description et à une figuration
où se mêlent fâcheusement les observations judicieuses et les
emprunts à l'imaginaire de Pline.
Les bilans se succèdent. Jean de Salisbury, dans son Polycraticus,
encore nommé Livre des Gouvernants, fait au XIF siècle à la
demande de Thomas Becket le résumé commode des notions
indispensables à l'homme d'État, et subsidiairement de

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