Le Voiage de Siam du P. Bouvet - article ; n°1 ; vol.27, pg 123-141
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1975 - Volume 27 - Numéro 1 - Pages 123-141
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Professeur Janette Gatty
Le "Voiage de Siam" du P. Bouvet
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1975, N°27. pp. 123-141.
Citer ce document / Cite this document :
Gatty Janette. Le "Voiage de Siam" du P. Bouvet. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1975, N°27.
pp. 123-141.
doi : 10.3406/caief.1975.1080
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1975_num_27_1_1080« VOIAGE DE SIAM » LE
DU P. BOUVET
Communication de Mme Janette GATTY
(New York)
au XXVIe Congrès de l'Association, le 24 juillet 1974.
Le 3 mars 1685, deux vaisseaux de la marine royale,
« l'Oyseau » et « la Maligne » faisaient voile de Brest, emport
ant dans leur sillage l'espoir conçu par Louis XIV de
convertir au christianisme le roi de Siam Phra Karai.
Tel était en effet le but officiel de cet ambassade extra
ordinaire, la première envoyée à un monarque oriental par
le Grand Roi. Celui-ci, alors à l'apogée de sa gloire, après
la paix de Nimègue et la trêve de Ratisbonne, dans une
Europe où ses armes faisaient la loi, allait quelques mois
plus tard, le 18 octobre, révoquer l'Édit de Nantes. Tandis
qu'il imposait dans son royaume l'unité religieuse, on lui
avait laissé entendre que la tolérance de Phra Narai pour
les missionnaires français établis au Siam était le signe
certain d'une conversion prochaine. En outre, Д ne lui
déplaisait sans doute pas d'étendre et d'affirmer son
influence en Asie, d'ouvrir des champs nouveaux à la
Compagnie des Indes, de faire flotter son pavillon dans
ces régions lointaines où la Hollande avait su se tailler un
riche empire colonial. JANETTE GATT Y 124
Cette ambassade de Siam, entourée de pompe et d'éclat,
divertit fort la Cour de France, défraya la chronique pari
sienne, Gazette, Mercure Galant, suscita des « mandari-
nades ». Elle fut aussi l'objet de plusieurs relations ne se
piquant point de fantaisie, comme celle du P. Bouvet (i),
dont le manuscrit est conservé aux États-Unis, à Cornell
University qui possède une importante collection, bien
connue des sinologues.
L'expédition ne laissa pas d'intriguer les représentants
de la Compagnie hollandaise des Indes orientales qui, en
gens pratiques et en commerçants avisés, trouvaient spé
cieux le prosélytisme de Louis XIV dans leur propre zone
d'influence. Après avoir supplanté les Portugais dans la
suprématie dont iïs jouissaient en Extrême-Orient, de
par les Bulles papales de 1480, 1493 et 1494, les Hollandais
voyaient désormais prospérer leurs établissements dans
l'archipel de la Sonde, à Malacca, sur la côte de Malaisie.
Ils avaient chèrement défendu leurs droits de seconds
occupants, lorsque la Compagnie anglaise des Indes était
venue faire figure de concurrente. Leur supériorité
indiscutée, et ils ne se souciaient guère d'être les dupes
d'une alliance spirituelle franco-siamoise.
Le rapport adressé du comptoir hollandais de Siam au
siège de la Compagnie à Batavia, en date du 17 décembre
1685, nous informe que l'on « a essayé en vain de se rensei
gner sur les véritables intentions de l'ambassade de Chau-
mont. Selon certains, le seul but des Français est de convert
ir le souverain au catholicisme, ce que l'auteur (du docu
ment) ne prend pas au sérieux » (2).
L'amitié de Louis pour son « cher et bon ami » le roi de
Siam ne pouvait que présager une entente commerciale.
En quoi les Hollandais n'avaient point tort, comme le
prouva la suite des événements. Ils voyaient plus loin, et
de façon plus réaliste, semble-t-il, que l'ambassadeur lui-
même, qui passait le goulet de Brest en ce matin de mars
1685.
(1) Voiage de Siam du P. Bouvet, éd J С Gatty, avec une biographie
et une bibliographie de l'auteur, Leiden, E. J. Bnll, 1963.
(2) Koloniál Archiv, Den Haag, Ms. 1304, 17 décembre 1685. LE « VOIAGE DE SIAM я DU P. BOUVET 125
Le chevalier de Chaumont, ancien major-général des
armées navales dans le Levant, homme pieux et austère,
était un protestant converti au catholicisme. Sa majesté
l'avait nommé ambassadeur au Siam, « persuadée que les
bons exemples qu'il donneroit en ce pays là seraient autant
de preuves de la sainteté du Christianisme qui achèver
aient de convaincre... (Phra Karai) » (3). Sa Relation du
voyage, sobre et laconique, le montre observateur cons
ciencieux des ordres reçus, pointilleux quant à l'étiquette.
Il entreprenait une croisade, et cet apostolat devait primer
les avantages commerciaux qui allaient s'offrir à la Comp
agnie française des Indes (4).
Son Excellence se trouvait escortée d'un second, l'abbé
de Choisy. Celui-ci avait lui-même, mais trop tard, brigué
le titre de ministre plénipotentiaire. Ayant alors fait
valoir que, vu les périls et la longueur de la traversée, le
chevalier de Chaumont pouvait mourir en route, l'abbé
avait obtenu de l'accompagner en qualité de coadjuteur.
Terme insolite, n'étant point prélat, mais qui
convenait au ton de l'ambassade et reçut finalement l'a
pprobation de Louis XIV. Le Journal que tint Choisy de
l'expédition et du séjour au Siam pétille d'une verve désin
volte, jamais méchante, où abondent les traits justes et
les croquis pris sur le vif. Sainte-Beuve trouve à son style
« les grâces négligées d'une femme », souligne que l'abbé
s'était autrefois complu à porter jupons, mouches et dia
mants, après avoir été élevé dans l'entourage de Gaston
d'Orléans (5). Le coadjuteur, avec l'acuité d'un ancien
courtisan rompu aux intrigues, donna une version alerte,
détaillée, de cette étonnante démarche diplomatique fon
dée sur un grave malentendu (6).
aux (3)Indes Tachard, &> à la Voyage Chine, de Paris, Siam Seneuze des Pères et Horthemels, Jésuites envoyez 1686, par pp. le 11-12, Roy
n° Cf 520 Bourgeois et André, Sources de l'Histoire de France, xvne siècle, t. I,
(4) Chaumont, Relation de V ambassade de M le chevalier de Chaumont
à la cour du roi de Siam, Paris, Seneuze et Horthemels, 1687. -
(5) Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, t 3,3 mars 1851.
(6) Choisy, Journal du Voyage de Siam, Trévoux, 1741, Cf Bourgeois
et André, op. cit., n° 519, sur les différentes éditions de cet ouvrage. I2Ô JANETTE GATTY
Des jeunes officiers formant la suite de Chaumont, le
chevalier de Forbin, provençal « à l'imagination de feu »,
semblait appelé, selon Choisy, à faire fortune : « II a la
clef de l'eau. C'est une belle charge parmi nous. En un mot,
c'est un fort joli garçon qui a la mine de n'être pas long
temps lieutenant » (7). Il allait en effet attirer l'attention
de Phra Narai qui lui offrit le titre d'amiral et de généra
lissime de ses troupes. Forbin, peu tenté par cet honneur,
rassasié d'exotisme, voulait décliner, mais dut accepter,
sur l'ordre de Chaumont. Ses Mémoires (8), d'une clai
rvoyance cynique, signalent plus d'une fois au sujet de son
séjour au Siam ce qu'il nomme « les bévues de nos faiseurs
de relations ».
Monsieur Vachet, des Missions Étrangères, dont le rôle
n'avait pas été négligeable dans l'envoi de cette ambassade,
s'en retournait à Ayuthia, capitale du royaume, avec deux
mandarins qu'il avait présentés à Louis XIV l'année précé
dente. Chargés de présents, ils apportaient l'hommage de
Phra Narai, et avaient fait sensation à Versailles où ils
s'étaient prosternés dans la galerie des glaces, sur le passage
du roi. Effarouchés par la curiosité qu'ils soulevaient, ils
avaient médiocrement apprécié le spectacle des grandes
eaux et autres merveilles, à la consternation de M. Vachet.
Celui-ci les avait menés à l'opéra, à Notre-Dame, au
Palais-Royal, à Saint-Cloud, à Chantilly. Leur indiffé
rence « glaçait le cœur » du missionnaire, et risquait de
compromettre l'accord franco-siamois auquel il travaillait
diligemment (9).
Enfin, six Pères jésuites furent adjoints au personnel
de l'ambassade. Ils répondaient à l'appel du P. Verbiest,
président du Tribu

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