Un « catéchisme » mithriaque ? - article ; n°3 ; vol.136, pg 549-564
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1992 - Volume 136 - Numéro 3 - Pages 549-564
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Robert Turcan
Un « catéchisme » mithriaque ?
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 136e année, N. 3, 1992. pp. 549-
564.
Citer ce document / Cite this document :
Turcan Robert. Un « catéchisme » mithriaque ?. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres, 136e année, N. 3, 1992. pp. 549-564.
doi : 10.3406/crai.1992.15131
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1992_num_136_3_15131COMMUNICATION
UN « CATÉCHISME » MITHRIAQUE ?,
PAR M. ROBERT TURCAN, MEMBRE DE L'ACADÉMIE
Le papyrus P. Berol 21196, conservé dans la section égyptienne
des Musées d'État de Berlin, est un débris mesurant au maximum
8,5 cm de large sur 7 cm de haut. Sur chacune de ses deux faces sub
siste une dizaine de lignes incomplètes. Sur ce qu'on peut appeler
le « recto »* (à fibres horizontales), on décèle le vide d'une sorte de
marge à droite (lignes 6-8). Aux lignes 8 et 9 du « verso » (à fibres
verticales), l'exacte superposition des epsila initiaux indique l'empla
cement d'une marge à gauche. L'écriture est identique sur les deux
faces et ce qu'on en déchiffre appartient selon toute apparence au même
texte. Il s'agit donc d'une page de codex dont on ignore les dimens
ions dans son intégrité. On suppose que les pages pouvaient mesurer
environ 20 cm de large, dont 16 cm pour des lignes comptant cha
cune une cinquantaine de lettres en moyenne. La hauteur de ces pages
dépassait leur largeur. Le nombre exact de lignes écrites sur chaque
face demeure incertain ; mais on devrait pouvoir en évaluer la moyenne
par comparaison avec d'autres codices du même format1.
Ce fragment aurait été trouvé à l'occasion des fouilles menées par
O. Rubensohn à Hermoupolis en 1906 ; mais il ne semble pas que
l'inventaire des Musées de Berlin soit des plus clairs sur ce point d'ori
gine archéologique. On date le document du ive siècle de notre ère2.
Il a été inventorié, transcrit, photographié. Mais son état lacunaire
et le caractère a priori énigmatique de cette prose en avaient jusqu'à
présent découragé la publication. Or d'après William Brashear qui
a eu le mérite de s'obstiner à mettre, si j'ose dire, le texte à la ques
tion, ce qu'on en lit autoriserait à conjecturer que nous avons là le
précieux vestige d'une espèce de catéchisme mithriaque3. On
* Comme celle de « verso », l'appellation « recto » n'est évidemment retenue ici que
pour la commodité et n'implique donc aucun ordre de lecture.
1. William M. Brashear, A Mithraic Catechism front Egypt (Tyche. Supplementband),
Wien, 1992, p. 17.
2. Ibid., p. 5, 16 s., 51.
3.en particulier p. 15 s., 45 s. Avant cette interprétation de P. Berol. 21196, on
s'était demandé si le Pap. Soc. Ital. 1162 ne se rapportait pas à un rituel d'initiation
mithriaque : F. Cumont, Un fragment de rituel d'initiation aux mystères, Haro. Theol. Rev.,
26, 1933, p. 151-160 ; R. Beck, Mithraism since Franz Cumont, dans Aufstieg u. Niedergang
der rôm. Welt, II, 17, 4, Berlin-New York, 1984, p. 2051 s. Mais M. Totti (Ausgetoâhlte COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 550
se souvient de ce qu'écrivait F. Cumont sur la perte irrémédiable
des livres liturgiques du paganisme et notamment du mithriacisme4.
Ce lambeau de papyrus ferait donc poindre à l'horizon des cher
cheurs l'espoir de combler un jour au moins une part de cette énorme
lacune.
Le texte se présente, en effet, comme un guide ou un mémento
par questions et réponses, dialogue du type erôtapokrisis dont la litt
érature religieuse (hermétique et gnostique en particulier) nous fait
connaître maints spécimens5. Le formulaire précise chaque fois ce
que doit dire le candidat (à une initiation ou à toute autre épreuve),
lorsqu'on l'interroge. Le futur èpeï (« il dira ») précède les mots de
l'examinateur, et l'impératif Xéye la bonne réponse à donner.
Ce n'est pas la première fois qu'on a affaire à des textes de ce
genre. Les fameuses tablettes dites « orphiques » contiennent, on le
sait, des paroles que le défunt est censé devoir prononcer pour satis
faire à l'interrogatoire auquel il est soumis dans l'au-delà6. La littéra
ture magique et occultiste a popularisé des sortes de manuels qui
relèvent du même souci de fixer les formules efficaces7. Dans le
papyrus magique PGM, XI a, on retrouve les mêmes verbes èpeî/
X£ye8. Mais, sous cette forme, on ne connaissait pas de document
mithriaque, et la prétendue « Mithrasliturgie » ou « recette d'immort
alité » de PGM, IV, 475-732 se présente assez différemment et dans
un autre style9.
Texte der Isis- und Sarapis-Religion, Hildesheim-Zurich-New York, 1985, p. 19 s., n° 8 b)
veut y déceler les indices d'un rituel isiaque... En réalité, « on ignore encore de quels
mystères il s'agit » (A.-J. Festugière, Études de religion grecque et hellénistique, Paris, 1972,
p. 107, n. 1). Cf. aussi P. Beskow, Branding in the mysteries of Mithras ?, dans Mysteria
Mithrae (EPRO, 80), Leyde, 1979, p. 493.
4. Les religions orientales dans le paganisme romain*, Paris, 1929, p. 9 s. : « Dans le grand
naufrage de la littérature antique, aucune perte peut-être n'a été plus désastreuse que celle
des livres liturgiques du paganisme... Profanes relégués à la porte du sanctuaire, nous
n'entendons que des échos indistincts des chants sacrés, et nous ne pouvons assister, même
en esprit, à la célébration des mystères ». Cf. du même, Les mystères deMithra3, Bruxelles,
1913, p. 153 : « Les livres sacrés qui comprenaient les prières récitées ou chantées pendant
les offices, le rituel des initiations et le cérémonial des fêtes ont disparu presque sans
laisser de traces. » Parmi les témoignages que les découvertes ultérieures nous ont livrés,
il faut compter surtout les vers peints dans le Mithraeum de S. Prisca, malgré certaines
incertitudes de lecture : cf. R. Beck, loc. cit. (n. 3), p. 2029.
5. H. Dôrrie, H. Dôrries, art. Erotapokriseis, dans Reallex. f. Ant. u. Christentum, 6 (1966),
col. 342 s. ; W. M. Brashear, op. cit., p. 13 s.
6. O. Kern, Orphicorum fragmenta2, Berlin, 1963, p. 105, n° 32 a, 6-8, et surtout b,
I-III : cf. G. Zuntz, Persephone. Three Essays on Religion and Thought in Magna Graecia,
Oxford, 1971, p. 277 s., 362 s. On sait que l'auteur déchiffre dans le texte de ces tablettes
les éléments d'une missa pro defunctis (ibid., p. 343).
7. W. M. Brashear, op. cit., p. 14, n. 6.
8. Rapprochement signalé par R. Gordon : W. M. Brashear, loc. cit.
9. A.-J. Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, I, L'astrologie et les sciences
occultes2, Paris, 1950 (réédité), p. 303 s. Cf. R. Beck, loc. cit. (n. 3), p. 2050 s. « CATÉCHISME » MITHRIAQUE ? 551 UN
Mais à quoi et à qui servait exactement ce manuel ? Qui s'en ser
vait ? dans quelles circonstances et comment ?
Tertullien (Apol., 8, 7 ; Ad Nat., I, 7, 23)10 nous dit que qui
conque veut être initié à des mystères va trouver un magister ou un
pater sacrorum pour apprendre de lui le détail des formalités préa
lables. C'est aussi ce que fait Lucius, le héros des Métamorphoses,
avant de mériter sa consécration isiaque, et quand la déesse lui a
signifié son consentement à la faveur d'un songe, le prêtre « tire d'une
cachette au fond du sanctuaire des livres » (îibros) où, nous affirme
Apulée, « des figures d'animaux de toute sorte étaient l'expression
abrégée de formules liturgiques » (concepti sermonis)11. Il y avait donc
une instruction préparatoire dont nous ignorons tout, mais qui excluait
de toute façon la tradition des secrets livrés au jour même de la céré
monie, que ces révélations aient été verbales ou visuelles. D'autre
part et pour ne pas risquer d'être indûment divulgué, le formulaire
devait servir aux instructeurs comme « catéchisme » de base, plutôt
qu'être mis entre les mains des catéchumènes12. En conséquence,
on peut considérer comme un malentendu sans objet la controverse
qui a jadis opposé les t

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