Facino Cane
19 pages
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Facino Cane

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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Troisième livre, Scènes de la vie parisienne - Tome II. Dixième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Lorsque, entre onze heures et minuit, je rencontrais un ouvrier et sa femme revenant ensemble de l’Ambigu-Comique, je m’amusais à les suivre depuis le boulevard du Pont-aux-Choux jusqu’au boulevard Beaumarchais. Ces braves gens parlaient d’abord de la pièce qu’ils avaient vue 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 29
EAN13 9782824709734
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
F A CI NO CAN E
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
F A CI NO CAN E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0973-4
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.F A CI NO CAN E
A LOU ISE,
Comme un témoignag e d’affe ctueuse r e connaissance .
   dans une p etite r ue que v ous ne connaissez
sans doute p as, la r ue de Lesdiguièr es  : elle commence à la r ueJ Saint- Antoine , en face d’une fontaine près de la place de la
Bastille et déb ouche dans la r ue de La Cerisaie . L’amour de la science m’avait
jeté dans une mansarde où je travaillais p endant la nuit, et je p assais le
jour dans une bibliothè que v oisine , celle de MONSI EU R. Je vivais fr ug
alement, j’avais accepté toutes les conditions de la vie monastique , si né
cessair e aux travailleur s. and il faisait b e au, à p eine me pr omenais-je sur
le b oule vard Bourdon. Une seule p assion m’ entraînait en dehor s de mes
habitudes studieuses  ; mais n’était-ce p as encor e de l’étude  ? j’allais
obser v er les mœur s du faub our g, ses habitants et leur s caractèr es. A ussi mal
vêtu que les ouv rier s, indiffér ent au dé cor um, je ne les meais p oint en
g arde contr e moi  ; je p ouvais me mêler à leur s gr oup es, les v oir concluant
leur s mar chés, et se disputant à l’heur e où ils quient le travail. Chez moi
l’ obser vation était déjà de v enue intuitiv e , elle p énétrait l’âme sans
négli1Facino Cane Chapitr e
g er le cor ps  ; ou plutôt elle saisissait si bien les détails e xtérieur s, qu’ elle
allait sur-le-champ au delà  ; elle me donnait la faculté de viv r e de la vie de
l’individu sur laquelle elle s’ e x er çait, en me p er meant de me substituer
à lui comme le der viche des Mille et une Nuits pr enait le cor ps et l’âme
des p er sonnes sur lesquelles il pr ononçait certaines p ar oles.
Lor sque , entr e onze heur es et minuit, je r encontrais un ouv rier et
sa femme r e v enant ensemble de l’ Ambigu-Comique , je m’amusais à les
suiv r e depuis le b oule vard du Pont-aux-Choux jusqu’au b oule vard Be
aumar chais. Ces brav es g ens p arlaient d’ab ord de la piè ce qu’ils avaient
v ue  ; de fil en aiguille , ils ar rivaient à leur s affair es  ; la mèr e tirait son
enfant p ar la main, sans é couter ni ses plaintes ni ses demandes  ; les deux
ép oux comptaient l’ar g ent qui leur serait p ayé le lendemain, ils le dép
ensaient de vingt manièr es différ entes. C’était alor s des détails de ménag e ,
des dolé ances sur le prix e x cessif des p ommes de ter r e , ou sur la
longueur de l’hiv er et le r enchérissement des moes, des r eprésentations
éner giques sur ce qui était dû au b oulang er  ; enfin des discussions qui
s’ env enimaient, et où chacun d’ eux déplo yait son caractèr e en mots
pittor esques. En entendant ces g ens, je p ouvais ép ouser leur vie , je me
sentais leur s guenilles sur le dos, je mar chais les pie ds dans leur s soulier s
p er cés  ; leur s désir s, leur s b esoins, tout p assait dans mon âme , ou mon
âme p assait dans la leur . C’était le rê v e d’un homme é v eillé . Je m’é
chauffais av e c eux contr e les chefs d’atelier qui les ty rannisaient, ou contr e
les mauvaises pratiques qui les faisaient r e v enir plusieur s fois sans les
p ay er . ier ses habitudes, de v enir un autr e que soi p ar l’iv r esse des
facultés morales, et jouer ce jeu à v olonté , telle était ma distraction. A quoi
dois-je ce don  ? Est-ce une se conde v ue  ? est-ce une de ces qualités dont
l’abus mènerait à la folie  ? Je n’ai jamais r e cher ché les causes de cee
puissance  ; je la p ossède et m’ en ser s, v oilà tout. Sachez seulement que ,
dès ce temps, j’avais dé comp osé les éléments de cee masse hétér ogène
nommé e le p euple , que je l’avais analy sé e de manièr e à p ouv oir é valuer
ses qualités b onnes ou mauvaises. Je savais déjà de quelle utilité p our rait
êtr e ce faub our g, ce séminair e de ré v olutions qui r enfer me des hér os, des
inv enteur s, des savants pratiques, des co quins, des scélérats, des v ertus et
des vices, tous comprimés p ar la misèr e , étouffés p ar la né cessité , no yés
dans le vin, usés p ar les liqueur s fortes. V ous ne sauriez imaginer
com2Facino Cane Chapitr e
bien d’av entur es p erdues, combien de drames oubliés dans cee ville de
douleur  ! Combien d’hor ribles et b elles choses  ! L’imagination
n’aeindra jamais au v rai qui s’y cache et que p er sonne ne p eut aller dé couv rir  ;
il faut descendr e tr op bas p our tr ouv er ces admirables scènes ou tragiques
ou comiques, chefs-d’ œuv r e enfantés p ar le hasard. Je ne sais comment
j’ai si long-temps g ardé sans la dir e l’histoir e que je vais v ous raconter ,
elle fait p artie de ces ré cits curieux r estés dans le sac d’ où la mémoir e les
tir e capricieusement comme des numér os de loterie  : j’ en ai bien d’autr es,
aussi singulier s que celui-ci, ég alement enfouis  ; mais ils aur ont leur tour ,
cr o y ez-le .
Un jour ma femme de ménag e , la femme d’un ouv rier , vint me prier
d’honor er de ma présence la no ce d’une de ses sœur s. Pour v ous fair e
compr endr e ce que p ouvait êtr e cee no ce il faut v ous dir e que je
donnais quarante sous p ar mois à cee p auv r e cré atur e , qui v enait tous les
matins fair e mon lit, neo y er mes soulier s, br osser mes habits, balay er la
chambr e et prép ar er mon déjeuner  ; elle allait p endant le r este du temps
tour ner la maniv elle d’une mé canique , et g agnait à ce dur métier dix sous
p ar jour . Son mari, un ébéniste , g agnait quatr e francs. Mais comme ce
ménag e avait tr ois enfants, il p ouvait à p eine honnêtement mang er du p ain.
Je n’ai jamais r encontré de pr obité plus solide que celle de cet homme et
de cee femme . and j’ eus quié le quartier , p endant cinq ans, la mèr e
V aillant est v enue me souhaiter ma fête en m’app ortant un b ouquet et
des orang es, elle qui n’avait jamais dix sous d’é conomie . La misèr e nous
avait rappr o chés. Je n’ai jamais pu lui donner autr e chose que dix francs,
souv ent empr untés p our cee cir constance . Ce ci p eut e xpliquer ma pr
omesse d’aller à la no ce , je comptais me bloir dans la joie de ces p auv r es
g ens.
Le festin, le bal, tout eut lieu chez un mar chand de vin de la r ue de
Char enton, au pr emier étag e , dans une grande chambr e é clairé e p ar des
lamp es à réfle cteur s en fer-blanc, tendue d’un p apier crasseux à hauteur
des tables, et le long des mur s de laquelle il y avait des bancs de b ois. D ans
cee chambr e , quatr e-vingts p er sonnes endimanché es, flanqué es de b
ouquets et de r ubans, toutes animé es p ar l’ esprit de la Courtille , le visag e
enflammé , dansaient comme si le monde allait finir . Les mariés s’
embrassaient à la satisfaction g énérale , et c’étaient des hé  ! hé  ! des ha  ! ha  !
facé3Facino Cane Chapitr e
tieux mais ré ellement moins indé cents que ne le sont les timides œillades
des jeunes filles bien éle vé es. T out ce monde e xprimait un contentement
br utal qui avait je ne sais quoi de communicatif.<

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