Fantôme d’Orient
81 pages
Français

Fantôme d’Orient

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Description

A la veille de son départ pour Stamboul (Istanbul) où il n'est pas revenu depuis dix ans, Loti s'inquiète et rêve de ce retour : autrefois il y a connu une femme dont il a raconté l'histoire dans un de ses livres : Aziyadé. Extrait : Depuis longtemps, je ne l’avais plus vue, cette amulette d’Orient 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 27
EAN13 9782824710884
Langue Français

Extrait

P I ERRE LO T I
F AN T ÔME D’ORI EN T
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
F AN T ÔME D’ORI EN T
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1088-4
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
 188. . . Minuit, après une fraîche soiré e de fin septembr e
où déjà un p eu d’automne s’annonce . Du silence p artout. D ansS ma maison familiale p aisiblement endor mie , je r este seul é v eillé ,
l’ esprit en grand tr ouble d’anxiété et d’aente . D epuis tantôt deux heur es,
je me suis r etiré chez moi, disant que j’allais sag ement me coucher , en
pré vision de mon dép art matinal de demain. Mais le sommeil ne vient
p as. Enfer mé dans mon logis p articulier , er rant sans but d’une piè ce dans
une autr e , je r este indéfiniment song eur , comme à la v eille de mes grands
dép arts de marin p our des camp agnes longues et lointaines, et, en de dans
de moi-même , je p asse une lente r e v ue sinistr e de temps accomplis, de
choses à jamais finies, de visag es morts.
Cee fois p ourtant, je ne p ar s que p our un mois et je ne vais p as plus
loin que Constantinople , mais le v o yag e sera sombr e . . .
Il faut bien qu’il se soit joué là-bas un acte inoubliable de cee fé erie
noir e qui a été ma vie , p our que je m’inquiète ainsi de la p ensé e d’y r
etour1Fantôme d’Orient Chapitr e I
ner  ; p our que tout ce qui en vient, un mot tartar e qui me r ep asse en tête ,
une ar me d’Orient, une étoffe tur que , un p arfum, aussitôt me plong e dans
une rê v erie d’ e xilé où ré app araît Stamb oul  ! Et ce n’ est p as p ar simple
fantaisie d’art non plus, qu’ici mon app artement est p ar eil à celui de quelque
émir d’autr efois, r essemble à une demeur e orientale qui, p ar sortilèg e , se
serait incr usté e au milieu de ma chèr e maison héré ditair e , av e c ses
arce aux dentelés, ses br o deries d’ or s ar chaïques et ses chaux blanches. Un
char me dont je ne me dépr endrai jamais m’a été jeté p ar l’Islam, au temps
où j’habitais la riv e du Bosphor e , et je subis de mille manièr es ce char
melà , même dans les choses, dans les dessins, dans les couleur s, jusque dans
ces vieilles fleur s de rê v e qui sont ici naïv ement p eintes sur les faïences
de mes mur s. Et surtout il m’air e , ce char me triste , il m’air e v er s là-bas
où je serai demain.
C’ est donc v rai que je vais r e v oir Stamb oul. . . C’ est bien ré el et pr
ochain, ce pèlerinag e auquel, depuis dix ans, je rê v e . . .
D epuis dix ans que les hasards de mon métier de mer me pr omènent
à tous les b outs du monde , jamais je n’ai pu r e v enir là , jamais  ; on dirait
qu’un sort, un châtiment sans mer ci m’ en ait constamment éloigné .
Jamais je n’ai pu tenir le solennel ser ment de r etour qu’ en p artant j’avais
fait à une p etite fille cir cassienne , abîmé e dans le suprême désesp oir .
Et je ne sais plus rien d’ elle , qui fut la bien-aimé e à qui je cr o yais
m’êtr e donné jusqu’à l’âme , p our le temps et p our les au-delà infinis.
Mais, depuis que je l’ai quié e , constamment je suis p our suivi en
sommeil p ar cee vision, toujour s la même  : mon navir e fait à
Stamb oul une r elâche inaendue , rapide , furtiv e  ; ce Stamb oul r e v u en song e
est étrang e , agrandi, défor mé , sinistr e  ; en hâte , je descends à ter r e , av e c
la fiè v r e d’ar riv er jusqu’à elle , et mille choses m’ en empê chent, et mon
anxiété va cr oissant à mesur e que p asse l’heur e  ; puis tout de suite vient
le moment de l’app ar eillag e , et alor s, de p artir sans l’av oir r e v ue et sans
av oir seulement rien r etr ouvé de sa trace ég aré e , j’épr ouv e tant d’ang oisse
que je me ré v eille . . .
Pour le r elir e , p endant cee soiré e d’aente , je vais cher cher av e c
crainte un liv r e qu’autr efois j’ai publié , p ar b esoin déjà de chanter mon
mal, de le crier bien fort aux p assants quelconques du chemin, et que ,
depuis le jour où il a p ar u, je n’ai plus jamais osé ouv rir . Pauv r e p etit
2Fantôme d’Orient Chapitr e I
liv r e , très g auchement comp osé , je p ense , mais où j’avais mis toute mon
âme d’alor s, mon âme en dér oute et prise des pr emier s v ertig es mortels,
ne p ensant p as du r este que je continuerais d’é crir e et qu’ on saurait plus
tard qui était l’auteur anony me d’ Aziyadé. ( Aziyadé , un nom de femme
tur que inv enté p ar moi p our r emplacer l e véritable qui était plus joli et
plus doux, mais que je ne v oulais p as dir e .)
A v e c r e cueillement, comme si je r eg ardais dans une tomb e en
soulevant la dalle funérair e , je commence à tour ner ces p ag es oublié es,
étonnantes p our moi-même qui les ai jadis é crites.
D es enfantillag es d’ab ord qui me font sourir e . Un certain Loti de
conv ention, auquel je m’imaginais r essembler . Et puis, çà et là , des
bravades, des blasphèmes  ; les uns banals et r essassés dont j’ai pitié  ; les
autr es, si désesp érés et si ardents, que c’étaient encor e des prièr es. Oh  !
le temps jeune , où je p ouvais blasphémer et prier  !. . .
Mais tout l’ine xprimé qui dor mait entr e les lignes, entr e les mots
impuissants et sourds, s’é v eille p eu à p eu, sort de la longue nuit où je l’avais
laissé s’é vanouir . Ils me ré app araissent, ces insondables dessous de ma vie ,
de mon amour d’alor s, sans lesquels du r este il n’y aurait eu ni char me
pr ofond ni intime ang oisse . D e temps à autr e , p our un souv enir , p our une
souffrance que ce liv r e é v o que , je sens cee sorte de se cousse glacé e , ou
de frisson d’âme , qui vient des grands abîmes entr e v us, des grands my
stèr es effleurés. My stèr es de pré e xistences, ou de je ne sais quoi d’autr e
ne p ouvant même p as êtr e vaguement for mulé . Pour quoi l’impr ession,
tout à coup r etr ouvé e , d’un ray on de la lune de mai sur cee camp agne
pier r euse de Salonique où commença notr e histoir e , suffit-elle à me
donner ce frisson-là . Ou bien la vision d’un soleil de soir d’hiv er , entrant
dans notr e logis clandestin d’Ey oub  ? Ou bien une phrase dite p ar elle ,
qui me r e vient, av e c les intonations de la langue tur que et le son de sa
jeune v oix grav e  ? Ou tout simplement encor e l’ ombr e de tel grand mur
désolé , jetant sur un coin de r ue solitair e l’ oppr ession d’une mosqué e v
oisine  ? Ces si p etites choses, à p eine saisissables, à p eine e xistantes, à quoi
donc sont-elles lié es dans les tréfonds inconnus de l’âme humaine , à quoi
d’antérieur v ont-elles se raacher , à quelles av entur es mortes, à quelle
p oussièr e encor e souffrante , p our fair e ainsi frémir  ? Et surtout p our quoi
épr ouv e-t-on ces étrang es cho cs de rapp el, uniquement lor squ’il s’agit de
3Fantôme d’Orient Chapitr e I
p ay s, de lieux ou de temps, que l’amour a touchés av e c sa baguee de
délicieuse et mortelle magie  ?
Be aucoup de feuillets que je tour ne vite , sans même les p ar courir  :
ceux où j’avais ar rang é , chang é les faits av e c plus ou moins de
maladr esse , p our les b eso

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