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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 15 |
EAN13 | 9782824709741 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
F ERRA GUS
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
F ERRA GUS
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0974-1
BI BEBO OK
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.H IST OI RE DES T REIZE
1P RÉF A CE
’ , sous l’Empir e et dans Paris, tr eize hommes
ég alement frapp és du même sentiment, tous doués d’une assezI grande éner gie p our êtr e fidèles à la même p ensé e , assez pr ob es
entr e eux p our ne p oint se trahir , alor s même que leur s intérêts se tr
ouvaient opp osés, assez pr ofondément p olitiques p our dissimuler les liens
sacrés qui les unissaient, assez forts p our se mer e au-dessus de toutes
les lois, assez hardis p our tout entr epr endr e , et assez heur eux p our av oir
pr esque toujour s réussi dans leur s desseins ; ayant cour u les plus grands
dang er s, mais taisant leur s défaites ; inaccessibles à la p eur , et n’ayant
tr emblé ni de vant le prince , ni de vant le b our r e au, ni d e vant l’inno cence ;
s’étant acceptés tous, tels qu’ils étaient, sans tenir compte des
préjug és so ciaux ; criminels sans doute , mais certainement r emar quables p ar
quelques-unes des qualités qui font les grands hommes, et ne se r e cr
utant que p ar mi les hommes d’élite . Enfin, p our que rien ne manquât à
la sombr e et my stérieuse p o ésie de cee histoir e , ces tr eize hommes sont
r estés inconnus, quoique tous aient ré alisé les plus bizar r es idé es que
suggèr e à l’imagination la fantastique puissance faussement aribué e aux
Manfr e d, aux Faust, aux Melmoth ; et tous aujourd’hui sont brisés,
disp er sés du moins. Ils sont p aisiblement r entrés sous le joug des lois civiles,
2Fer ragus Chapitr e
de même que Mor g an, l’ A chille des pirates, se fit, de ravag eur , colon
tranquille , et disp osa sans r emords, à la lueur du fo y er domestique , de millions
ramassés dans le sang, à la r oug e clarté des incendies.
D epuis la mort de Nap olé on, un hasard que l’auteur doit tair e encor e
a dissous les liens de cee vie se crète , curieuse , autant que p eut l’êtr e le
plus noir des r omans de madame Radcliffe . La p er mission assez étrang e de
raconter à sa guise quelques-unes des av entur es ar rivé es à ces hommes,
tout en r esp e ctant certaines conv enances, ne lui a été que ré cemment
donné e p our un de ces hér os anony mes aux quels la so ciété tout entièr e
fut o ccultement soumise , et chez le quel il cr oit av oir sur pris un vague
désir de célébrité .
Cet homme en app ar ence jeune encor e , à che v eux blonds, aux y eux
bleus, dont la v oix douce et clair e semblait annoncer une âme féminine ,
était pâle de visag e et my stérieux dans ses manièr es, il causait av e c
amabilité , prétendait n’av oir que quarante ans, et p ouvait app artenir aux plus
hautes classes so ciales. Le nom qu’il avait pris p araissait êtr e un nom
supp osé ; dans le monde , sa p er sonne était inconnue . ’ est-il ? On ne sait.
Peut-êtr e en confiant à l’auteur les choses e xtraordinair es qu’il lui a
ré vélé es, l’inconnu v oulait-il les v oir en quelque sorte r epr o duites, et jouir
des émotions qu’ elles feraient naîtr e au cœur de la foule , sentiment
analogue à celui qui agitait Macpher son quand le nom d’Ossian, sa cré atur e ,
s’inscrivait dans tous les lang ag es. Et c’était, certes, p our l’av o cat é cossais,
une des sensations les plus viv es, ou les plus rar es du moins, que l’homme
puisse se donner . N’ est-ce p as l’incognito du g énie ? Écrir e l’ Itinéraire de
Paris à Jérusalem , c’ est pr endr e sa p art dans la gloir e humaine d’un siè cle ;
mais doter son p ay s d’un Homèr e , n’ est-ce p as usur p er sur Dieu ?
L’auteur connaît tr op les lois de la nar ration p our ignor er les eng ag
ements que cee courte préface lui fait contracter ; mais il connaît assez
l’ Histoire des Treize p our êtr e certain de ne jamais se tr ouv er au-dessous
de l’intérêt que doit inspir er ce pr ogramme . D es drames dég ouant de
sang, des comé dies pleines de ter r eur s, des r omans où r oulent des têtes
se crètement coup é es, lui ont été confiés. Si quelque le cteur n’était p as
rassasié des hor r eur s fr oidement ser vies au public depuis quelque temps,
il p our rait lui ré véler de calmes atr o cités, de sur pr enantes trag é dies de
famille , p our p eu que le désir de les sav oir lui fût témoigné . Mais il a choisi
3Fer ragus Chapitr e
de préfér ence les av entur es les plus douces, celles où des scènes pur es
succèdent à l’ orag e des p assions, où la femme est radieuse de v ertus et de
b e auté . Pour l’honneur des T r eize , il s’ en r encontr e de telles dans leur
histoir e , qui p eut-êtr e aura l’honneur d’êtr e mise un jour en p endant de celle
des flibustier s, ce p euple à p art, si curieusement éner gique , si aachant
malgré ses crimes.
Un auteur doit dé daigner de conv ertir son ré cit, quand c e ré cit est
véritable , en une espè ce de joujou à sur prise , et de pr omener , à la manièr e
de quelques r omancier s, le le cteur , p endant quatr e v olumes, de
souterrains en souter rains, p our lui montr er un cadav r e tout se c, et lui dir e , en
for me de conclusion, qu’il lui a constamment fait p eur d’une p orte
caché e dans quelque tapisserie , ou d’un mort laissé p ar még arde sous des
plancher s. Malgré son av er sion p our les préfaces, l’auteur a dû jeter ces
phrases en tête de ce fragment. Ferragus est un pr emier épiso de qui tient
p ar d’invisibles liens à l’Histoir e des tr eize , dont la puissance natur
ellement acquise p eut seule e xpliquer certains r essorts en app ar ence sur
natur els. oiqu’il soit p er mis aux conteur s d’av oir une sorte de co queerie
liérair e , en de v enant historiens, ils doiv ent r enoncer aux bénéfices que
pr o cur e l’app ar ente bizar r erie des titr es sur lesquels se fondent
aujourd’hui de lég er s succès. A ussi l’auteur e xpliquera-t-il succinctement ici les
raisons qui l’ ont oblig é d’accepter des intitulés p eu natur els en app ar ence .
F ERRA GUS est, suivant une ancienne coutume , un nom pris p ar un
chef de D é v orants. Le jour de leur éle ction, ces chefs continuent celle
des dy nasties dé v orantesques dont le nom leur plaît le plus, comme le
font les p ap es à leur avénement, p our les dy nasties p ontificales. Ainsi les
D é v orants ont Trempe-la Soupe IX , Ferragus XXII , Tutanus XIII ,
MascheFer IV , de même que l’Église a ses Clément X I V , Grég oir e IX, Jules I I,
Ale x andr e V I, etc. Maintenant, que sont les D é v orants ? D é v orants est le
nom d’une des tribus de Compagnons r essortissant jadis de la grande
asso ciation my stique for mé e entr e les ouv rier s de la chrétienté p our r ebâtir
le temple de Jér usalem. Le Compagnonage est encor e deb out en France
dans le p euple . Ses traditions puissantes sur des têtes p eu é clairé es et sur
des g ens qui ne sont p oint assez instr uits p our manquer à leur s ser ments,
p our raient ser vir à de for midables entr eprises, si quelque gr ossier g énie
v oulait s’ emp ar er de ces div er ses so ciétés. En effet, là , tous les instr
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ments sont pr esque av eugles ; là , de ville en ville , e x