Incontournable contre-transfert Auteur Paul Denis
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Pourrait-on dire que le contre-transfert est le reflet du patient dans l’âme du psychanalyste ? Le rôle de miroir du psychanalyste est en tout cas en cause dans la question du contre-transfert et ce qu’il réfléchit du patient, grandement dépendant de la couleur de son tain[1] [1] « L’homme dépend très étroitement...
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? Nous nous abusons nous-mme si nous pensons que nous chappons au contre-transfert. ? Ella Sharpe. Pourrait-on dire que le contre-transfert est le reflet du patient dans l?me du psychanalyste ? Le rle de miroir du psychanalyste est en tout cas en cause dans la question du contre-transfert et ce qu?il rflchit du patient, grandement dpendant de la couleur de son tain[1] [1] L?homme dpend trs troitement... suite. 2 En tout tat de cause la prise en compte du contre-transfert est devenue, avec le temps, l?lment central de la conduite de la cure psychanalytique, au point de constituer actuellement ce qui diffrencie la pratique psychanalytique traditionnelle ? celle qui s?inscrit sans rupture dans la continuit de la pratique dveloppe partir de celle de Freud ? et les formes d? analyses qui s?en loignent au point de constituer des pratiques si diffrentes que le terme de psychanalyse ne peut plus gure s?appliquer leur sujet. Cela a t autrefois le cas du jungisme et c?est aujourd?hui celui de nombreuses pratiques qui se rclament de la psychanalyse mais en diffrent autant que la craie du fromage ? pour reprendre ici l?expression de Glover . 3 Dans La direction de la cure et les principes de son pouvoir , publi en 1961, Lacan souligne, ds le premier paragraphe, ce qu?il appelle l? improprit conceptuelle de la notion de contre-transfert, balayant d?un revers de main toute influence de la personne de l?analyste. Tout son article se droulera sous le signe d?une dmonstration de l?indpendance du droulement de l?analyse par rapport au psychisme de l?analyste. C?est pourquoi rien ne l?irrite plus que le propos de Sacha Nacht selon lequel ce n?est pas tant ce que l?analyste dit ou fait qui compte mais ce qu?il est . Pour Lacan, l?vidence, l?analyste doit tre au-dessus de a. ... Ce qu?il y a de certain, c?est que les sentiments de l?analyste n?ont qu?une place possible dans ce jeu [le jeu de l?analyse], celle du mort ; et qu? le ranimer, le jeu se poursuive sans qu?on sache qui le conduit. En somme tout vient du patient. Aujourd?hui les positions de Jacques Alain Miller sur ce point sont plus radicales encore que celles de Lacan : Si l?on cherche ce qui spare les lacaniens et les autres on trouve ceci : le maniement du contre-transfert est absent de la pratique analytique d?orientation lacanienne, il n?y est pas thmatis et cela est cohrent avec la pratique lacanienne de la sance brve comme avec les doctrines lacaniennes de l?inconscient ; l?attention porte par l?analyste au contre-transfert est non seulement suspecte ? la dure de la sance est comme ampute du temps d?auto-analyse prlev sur elle ? mais constitue un obstacle pistmologique l?laboration clinique du cas et doit donc tre considre comme un manquement l?thique. 4 D?un ct, donc, analyser le contre-transfert est une faute thique ; de l?autre, l?analyse du contre-transfert est une exigence de tous les instants.
5 La position de Lacan selon laquelle ranimer le jeu des sentiments de l?analyste on ne sache plus qui conduit le jeu de l?analyse, est, en fait, une transposition usage personnel des premires formulations concernant le contre-transfert, conu au dbut comme un obstacle la cure. 6 La premire apparition du terme sous la plume de Freud se trouve dans une lettre Jung qui lui a appris, par tlgramme, qu?il avait eu des relations sexuelles avec sa patiente Sabina Spielrein. Freud se montre particulirement indulgent et fait porter la responsabilit de l?affaire sur le comportement sducteur fminin : 7 De telles expriences, bien que douloureuses, sont ncessaires et difficiles viter. Sans elles nous ne connatrions pas rellement la vie et ce que nous faisons. En ce qui me concerne, je ne m?y suis jamais fait prendre aussi gravement mais j?en ai t trs prs plusieurs reprises et n?y ai chapp que de peu[2] [2] Freud crit, en anglais dans le texte :... suite. Je crois que ce sont les tristes ncessits de la vie qui pesaient sur mon travail, et le fait que j?avais dix ans de plus que vous quand j?en suis venu l?analyse qui m?ont prserv d?expriences semblables. Mais cela ne laisse pas de blessure durable. Elles nous aident dvelopper la peau paisse dont nous avons besoin pour dominer ?le contre-transfert?, lequel constitue, aprs tout, un problme permanent pour nous. Elles nous enseignent placer nos propres affects dans une situation plus avantageuse. C?est un mal pour un bien[3] [3] En anglais dans le texte : a blessing in... suite. La faon dont les femmes s?y prennent pour nous charmer au moyen de toutes les perfections concevables de l?esprit, jusqu? ce qu?elles atteignent leur but, est l?un des plus grands spectacles de la nature. Une fois le succs obtenu ou que son inverse est devenu certain, la constellation change de faon tonnante. [4] [4] Notre traduction. ... suite 8 Tout vient du patient, et singulirement de la patiente, il reste l?analyste de se cuirasser la peau pour dominer son contre-transfert conu essentiellement comme de l?ordre de la tentation rotique et amoureuse. C?est en fait cette conception qui sous-tend la premire apparition officielle du contre-transfert dans la littrature analytique, en 1910, dans Perspectives d?avenir de la thrapeutique analytique : Notre attention s?est porte sur le ?contre-transfert? qui s?tablit chez le mdecin par suite de l?influence qu?exerce le patient sur les sentiments inconscients de son analyste. Nous sommes tout prs d?exiger que le mdecin reconnaisse et matrise en lui-mme ce contre-transfert. Suivent la recommandation d?une analyse de l?analyste ? et que celui-ci ne cesse jamais de l?approfondir par l?auto-analyse ?, et l?avis selon lequel quiconque ne peut pratiquer une semblable auto-analyse fera bien de renoncer sans hsitation, traiter analytiquement des malades . 9 Cette dfinition est toujours la ntre, mais l?arrire-plan rotique des comportements de Jung (et d?autres...) fait insister Freud sur la matrise du contre-transfert et sa domination, alors mme que sa dfinition est plus large et porte sur les sentiments inconscients de l?analyste plus difficiles reprer
que les sentiments amoureux ou rotiques, fort conscients, soulevs chez l?analyste par la sduction de telle patiente. Et Freud de recommander une attitude analogue celle du chirurgien : 10 Je ne saurais trop instamment recommander mes collgues de prendre comme modle, au cours du traitement analytique, le chirurgien. Celui-ci, en effet, laissant de ct toute raction affective et jusqu? toute sympathie humaine, ne poursuit qu?un seul but : mener aussi habilement que possible son opration bien. Dans les conditions actuelles, la tendance affective la plus dangereuse, celle qui menace le plus l?analyste, c?est l?orgueil thrapeutique... 11 La ncessaire reconnaissance et l?laboration du contre-transfert dans sa dimension inconsciente, prsentes dans la dfinition de 1910, devront attendre presque quarante ans pour se dvelopper vritablement. 12 La difficult grer le contre-transfert et ses paradoxes a t admirablement exprime par Ferenczi dans lasticit de la technique psychanalytique : 13 ... On se rend compte quel point le travail psychique fourni par l?analyste est compliqu, en vrit. On laisse agir sur soi les associations libres du patient et en mme temps on laisse sa propre fantaisie jouer avec ce matriel associatif ; entre-temps on compare les connexions nouvelles avec les rsultats antrieurs de l?analyse sans ngliger, ft-ce un seul instant, la prise en compte et la critique de ses tendances propres. L?ATTITUDE DE L?ANALYSTE ET LE TRANSFERT 14 L?ide que tout vient du patient dans le contre-transfert, ide manifeste dans la lettre Jung que nous venons de citer, n?a pas seulement valeur d?excuse pour les transgressions sexuelles et amoureuses trop nombreuses ? et qui font finalement perdre Freud sa belle indulgence du dbut ? mais constitue le symtrique de la conception selon laquelle le transfert est un phnomne spontan qui se dveloppe chez le patient de faon indpendante par rapport l?attitude de l?analyste[5] [5] L aussi les positions de Lacan reprennent... suite. Bien que Freud ait invoqu la ncessit d? attacher l?analys son traitement et la personne du praticien , il limine ou rduit au minimum tout ce qui pourrait constituer une attitude active de l?analyste dans le surgissement du transfert, il crit en effet : 15 Le premier but de l?analyse est d?attacher l?analys son traitement et la personne du praticien. Pour ce faire, laissons agir le temps. Si le mdecin tmoigne d?un srieux intrt son malade, s?il supprime avec soin les premires rsistances qui surgissent et qu?il vite certaines bvues, le malade s?attache de lui-mme l?analyste et le range parmi les imagos de ceux dont il avait accoutum d?tre aim. L?analyste risquerait de rduire nant ce premier succs s?il tmoignait envers son patient d?autres
sentiments que celui d?une sympathie comprhensive... 16 Freud cherche distinguer ainsi la pratique de la psychanalyse de celle de l?hypnose et de toutes les formes de suggestion directe. Il soumet cependant l?analyste une situation paradoxale : faire cohabiter en lui la froideur du chirurgien et la sympathie comprhensive . Les discussions actuelles sur le contre-transfert continuent, du reste, d?opposer ces deux ples : l?analyste miroir et l?analyste tre humain empathique. 17 Mais l?imposition du cadre, qui remplace l?imposition des mains, reprsente en fait elle seule un coup de force, une action de l?analyste, qui provoque le transfert, en particulier dans ses dimensions rgressives. 18 C?est Ida Mac Alpine qui, beaucoup plus tard, dveloppera les consquences de cet acte inaugural de l?analyste ? placer le patient dans la situation analytique ? sur les aspects rgressifs du droulement du transfert lis au cadre lui-mme : La technique analytique cre une situation infantile dont la neutralit de l?analyste est seulement un lment parmi d?autres. Elle reprend pourtant l?essentiel de la perspective classique de Freud et formule ainsi son point de vue : 19 La relation transfrentielle analytique, rigoureusement parler, ne doit pas tre dcrite comme une relation entre l?analys et l?analyste, mais plus prcisment comme la relation de l?analys son analyste. L?analyse maintient le patient en situation d?isolement. Dans sa nature essentielle, l?analyse, en opposition l?hypnose, ne constitue pas une foule deux. Il ne faut pas nier pour autant que l?analyse est un ?travail d?quipe? ; dans cette mesure une relation ?objective? existe entre l?analyste et l?analys. Parce que l?analyste reste en dehors du mouvement rgressif, parce que c?est son devoir de se montrer rsistant au contre-transfert grce sa propre analyse, la suggestion n?a pas de part intrinsque dans la mthode psychanalytique classique. 20 Elle tire cependant quelques consquences sur le contre-transfert des aspects rgressifs qu?elle souligne dans la situation analytique : 21 L?analyste lui-mme est galement soumis la situation infantile dont il fait partie. En fait, la situation infantile laquelle il est expos contient un facteur infantile plus important encore, l?analys qui rgresse. Le Moi de l?analyste est aussi scind en une part qui observe et une part qui prouve. L?analyste a l?exprience de sa minutieuse analyse personnelle et sait ce qui l?attend, et, de surcrot, l?inverse de son analys, se trouve dans une situation d?autorit. Alors que c?est le travail de l?analys que de s?adapter par la rgression la situation infantile, il incombe l?analyste de rsister une adaptation de cet ordre. Alors que l?analys doit faire l?exprience du pass et observer le prsent, l?analyste doit prouver le prsent et observer le pass ; il doit rsister toute tendance intrieure la rgression. S?il devient
la victime de sa propre technique et prouve le pass au lieu de l?observer, il est sujet une contre-rsistance. Le phnomne du contre-transfert peut tre trs bien dcrit en paraphrasant la formule de Fenichel : l?analyste dforme le pass par rfrence au prsent. [6] [6] La formule de Fenichel dcrit le transfert :... suite 22 La potentialit contre-transfrentielle d?une rgression est donc bien perue par Ida Mac Alpine, en particulier l?invitation la rgression constitue par la rgression transfrentielle de son patient, mais elle reprend sa manire la conception de Freud : contrler, matriser le contre-transfert. L?importance attache l?exprience du prsent est dans la ligne des prcepts techniques qui privilgient l?analyse du hic et nunc de la sance. VOLUTION DE LA NOTION DE CONTRE-TRANSFERT 23 Il est frappant de constater la raret des articles sur le contre-transfert entre les deux guerres mondiales et l?efflorescence de la littrature sur le sujet aprs 1945, au point que la question du contre-transfert infiltre mme nombre d?articles qui ne lui sont pas explicitement consacrs. Il serait hors de proportions de chercher donner une revue exhaustive de la littrature sur le sujet. Nous nous bornerons voquer quelques articles qui font figure de jalons dans l?volution des conceptions sur le sujet. Cette volution conduira peu peu un usage du contre-transfert fondamental pour le droulement de la cure mais aussi des positions intersubjectivistes ou des recommandations techniques qui dfendent la communication, partielle le plus souvent, mais parfois extensive, le dvoilement, d?lments contre-transfrentiels aux patients, qui se rapprochent finalement des tentatives d?analyse mutuelle de Ferenczi. Nous renvoyons, pour une tude plus approfondie, aux travaux qu?a prsents Louise de Urtubey. 24 On verra progressivement se dvelopper un mouvement de conqute du contre-transfert. Celui-ci s?enrichira de trois courants d?influences : un courant driv de la mfiance freudienne l?gard des incartades contre-transfrentielles, valorisant le rle de miroir de l?analyste et la mtaphore du chirurgien, mais qui prendra de plus en plus en compte la dimension de transfert de l?analyste sur le patient ; un courant ferenczien mettant en vidence le rle actif de l?analyste dans la situation analytique et la possibilit de communiquer au patient un certain nombre de sentiments de l?analyste, enfin l?influence kleinienne qui dveloppera l?aspect projectif de l?ensemble transfert-contre-transfert et sa description en termes d?identification projective. 25 Selon D. W. Orr, auteur d?une revue historique sur les notions de transfert et de contre-transfert, c?est en 1923 qu?a t prsente, par Adolph Stern, la premire tude consistante sur le thme du contre-transfert ; celui-ci le dfinit comme le transfert que l?analyste dveloppe sur son patient . Il s?agit donc d?une dfinition forte qui dpasse le registre de la sduction amoureuse ou de ractions au transfert du patient. Pour Stern, le contre-transfert a la mme origine que le transfert du patient : les lments
infantiles de l?analyste ; pour la mme raison, il se manifeste de la mme manire que le transfert. Il souligne cependant que, du fait de la formation qu?a entreprise l?analyste, ses connaissances thoriques et sa relle exprience clinique rduisent considrablement le champ d?activit du contre-transfert en comparaison des formes multiples que prend le transfert chez les patients . Il cherche galement distinguer les composantes libidinales du contre-transfert et celles qui appartiennent au Moi. On retrouvera ultrieurement des tentatives analogues de distinguer diffrents aspects du contre-transfert en fonction de l?importance des aspects libidinaux mais aussi des instances ou du narcissisme de l?analyste. 26 C?est le cas de Ferenczi et Rank[7] [7] Cits par D. W. Orr, S. Ferenczi et O. Rank... suite : Le narcissisme de l?analyste semble favoriser l?apparition d?une source particulirement fconde en erreurs ; parmi celles-ci le dveloppement d?une sorte de contre-transfert narcissique qui induit la personne en analyse mettre en avant des choses qui flattent l?analyste, et d?un autre ct supprimer remarques et associations de nature dplaisante en relation avec celui-ci. Plus tard, Fenichel formulera que l?exprience montre que les tensions libidinales de l?analyste sont beaucoup moins dangereuses que ses besoins narcissiques et ses luttes contre ses angoisses . 27 On voit apparatre chez Glover[8] [8] En 1927, Lectures on Technique in Psycho-Analysis . ... suite la notion de contre-transfert ngatif (par opposition au contre-transfert positif) et de contre-rsistance ; sans ngliger les facteurs lis la personnalit de l?analyste, il voque surtout ces notions par rapport aux ractions de transfert du patient et sa nvrose de transfert. C?est lui qui introduira l?expression de toilette contre-transfrentielle pour dsigner une forme de questionnement sur soi-mme, ncessaire avant de recevoir chaque patient... 28 Mais si un consensus n?apparat pas quant une dfinition serre du contre-transfert, les analystes sont finalement d?accord sur l?universalit du phnomne et pourraient souscrire la formulation suivante : Il est impossible pour le mdecin de ne pas avoir de raction l?gard du patient et c?est ce que l?on appelle contre-transfert (English et Pearson). 29 On voit donc bien apparatre peu peu le caractre inluctable du contre-transfert, cependant celui-ci reste peru comme un obstacle, une source d?erreurs ou de fautes, et l?ide se maintient d?une neutralit possible et souhaitable de l?analyste par rapport au droulement du transfert. Ce n?est que par -coups que l?omniprsence de l?analyste et de son psychisme pour le patient tiendra de plus en plus de place dans la comprhension du droulement du transfert lui-mme. Alice et Michael Balint 30 Alice et Michael Balint, juste avant la guerre, abordent prcisment cette question : le transfert est-il apport par le patient tout seul, l?analyste ne constituant qu?un parfait miroir, ou le comportement de l?analyste y est-il pour quelque chose ? La croyance initiale dans la valeur absolue de l?attitude en miroir tait si forte que la contester pouvait tre considr comme un signe de trahison. Ils rsument d?une
formule lapidaire l?opinion la plus frquemment en cours l?poque : Si, et quand, l?analyste a influenc la situation transfrentielle par quelqu?autre moyen que l?interprtation, il a commis une faute lourde. Ils ont beau jeu de montrer ? en dehors mme de toute raction contre-transfrentielle proprement dite ? que l?analyste influence le patient de mille manires, que ce soit du fait de son sexe, de sa vture, de la dcoration de son appartement, de la faon dont il traite la question du coussin plac sous la tte du patient ? avec ou sans serviette de papier ? la faon dont il met fin la sance, par le rythme et la quantit de ses interventions, toutes choses qui lui sont personnelles. La personnalit de l?analyste, laquelle transparat travers tous ces lments, a, qu?il le veuille ou non, un impact sur l?organisation du transfert de ses patients. 31 L?ide que la situation analytique pourrait tre d?une asepsie toute chirurgicale leur parat fonde sur un idal inatteignable en pratique. Pour les Balint donc, la situation analytique est le rsultat d?une interaction entre le transfert du patient et le contre-transfert de l?analyste . Notons qu?ils parlent de la situation analytique et non de ce qui constitue l?analyse proprement dite et qu?ils maintiennent le point de vue d?un cart, d?une asymtrie de situation entre l?analys et l?analyste et que l?analyste doit maintenir. Complmentairement, ils relativisent l?importance des variables individuelles lies chaque analyste : alors que l?on pourrait penser que ces particularits de styles peuvent avoir une influence considrable sur le rsultat du traitement, assez curieusement cela ne semble pas tre le cas. Nos patients, quelques rares exceptions prs, sont susceptibles de s?adapter d?eux-mmes ces atmosphres individuelles et dvelopper leur propre transfert, presque sans altration due au contre-transfert de l?analyste . 32 On ne peut donc faire de leur article une prfiguration des points de vue des intersubjectivistes, et ils insistent sur le fait que l?analyse du patient exige que celui-ci apprenne connatre son propre psychisme inconscient et non celui de son analyste . 33 Il reste que l?influence inluctable de la personnalit de l?analyste, de son style ? l? homme mme , selon Buffon ? sur le transfert, n?limine pas l?ide que chercher influencer la situation transfrentielle par d?autres moyens que l?interprtation ne soit un cart par rapport la mthode analytique elle-mme ; d?autre part, la question de l?influence de la personnalit de l?analyste sur le droulement du transfert est distincte de la question du contre-transfert en tant que mouvement psychique spcifiquement dclench, chez l?analyste, par chacun de ses patients. 34 Le transfert est bien provoqu par le coup de force de l?analyste, qui plonge le sujet dans une situation indite, et influenc par son style personnel ; mais le contre-transfert, mme s?il se fonde sur un mouvement pralable, sur une attitude prexistante de l?analyste, prend sa spcificit dans la rencontre avec le patient plong dans la situation analytique. D. W. Winnicott 35 L?aprs-guerre voit apparatre une efflorescence de contributions sur le contre-transfert. La plus
clbre et la premire, est celle de D. W. Winnicott, La haine dans le contre-transfert , confrence donne en 1947 et publie deux ans aprs ; elle est suivie un an plus tard par celle de Heinrich Racker qui voque aussi dans Contribution au problme du contre-transfert , mais d?une autre manire, la question de la haine dans le contre-transfert[9] [9] Selon toute vraisemblance, Racker ne connaissait... suite. Ils prcdent de peu Margaret Little, Annie Reich, Paula Heimann, Harold Searles ... 36 Prononce donc en 1947 et publie en 1949, la confrence de Winnicott constitue un point d?inflexion dans l?histoire de la psychanalyse. crire que l?analyste pouvait prouver des sentiments de haine pour son patient avait peut-tre t dj fait l?occasion, mais en faire tranquillement le sujet de tout un article tait radicalement nouveau. Ce qu?il dveloppe dans cette contribution repose essentiellement sur ses tentatives de traitement psychanalytique des psychotiques, et sur la place que la haine y occupe : Je pense que le travail de l?analyste (disons analyste d?investigation) qui entreprend l?analyse d?un psychotique est srieusement grev par ce phnomne, et que l?analyse des psychotiques s?avre impossible tant que la haine propre l?analyste n?est pas parfaitement perue et consciente. Il admet en effet ? pour tout soignant ? le caractre irritant du travail avec les psychotiques, le fardeau motionnel que cela implique d?assumer : Quel que soit son amour pour ses malades, il ne peut viter de les ha r et de les craindre, et mieux il le sait, moins il laissera la haine et la crainte dterminer ce qu?il fait ses patients. 37 Mais il apparat au cours de l?article que ce qui est vrai avec les patients psychotiques l?est aussi avec les patients ordinaires. Il est ncessaire pour l?analyste de ne pas nier la haine qui existe rellement en lui . L?une des tches principales de l?analyste, avec tout patient, est de rester objectif l?gard de tout ce que le patient provoque, et en particulier par rapport la ncessit pour l?analyste d?tre en mesure de ha r son patient objectivement. La haine objective est pour Winnicott une haine justifie par le comportement du patient ou par son tat qui le rend ha ssable et non par des projections de l?analyste. Toute la difficult est videmment de dlimiter le rle des projections de l?analyste dans la perception mme de ce qui se passe chez le patient. La difficult manier sa propre haine est, nous dit Winnicott, moins malaise dans l?analyse des nvross : Dans l?analyse ordinaire, l?analyste n?a pas de difficults manier sa propre haine. Cette haine reste latente. (...) La haine reste inexprime ou n?est mme pas ressentie. L?analyste a du reste le moyen de faire usage de sa haine : En outre, comme analyste, j?ai des faons d?exprimer la haine. La haine s?exprime par le fait que chaque sance a une fin. 38 Cependant cette moins grande difficult grer la haine avec les nvross n?est que relative ? Racker l?illustrera trs bien de son ct ? et ce que nous dit Winnicott montre que les choses ne sont pas si simples de rester plus facilement latentes. L?inventaire qu?il fait par exemple des possibles motifs de haine d?une mre pour son enfant est transposable en termes de motifs de haine que l?analyste est susceptible d?prouver dans les situations ordinaires de l?analyse. On pourrait presque traduire ligne ligne : Il [l?enfant] l?excite mais la frustre ? elle ne doit pas le manger ni avoir de commerce sexuel avec lui , devient dans le cadre de la cure une formulation de la rgle d?abstinence, motif de haine pour l?analyste, et ainsi de suite.
39 Mais comment traduire en termes contre-transfrentiels cette formule : J?mets l?hypothse que la mre hait le bb avant que le bb ne puisse ha r la mre et avant de savoir que sa mre le hait ? Cette formule, qui semble drive de celle de Freud selon laquelle l?objet est connu dans la haine, impliquerait une sorte de prcession de la haine dans le contre-transfert, ncessaire au droulement du transfert dans tous ses aspects. Les amnagements du cadre analytique seraient ainsi, comme la fin de chaque sance, une faon de formuler d?emble une haine pralable et bien tempre. La revendication, frquente aujourd?hui, de souplesse du cadre irait alors dans le sens d?un vitement de cette part de haine, fondatrice de la situation analytique. L?accent mis sur l?empathie, si ncessaire qu?elle soit, pourrait ainsi entraner vers une forme de sentimentalit dont Winnicott nous indique les inconvnients : 40 La sentimentalit est inutile pour les parents car elle implique un dni de la haine, et la sentimentalit chez une mre n?est pas du tout bonne du point de vue de l?enfant. Je doute grandement qu?un petit d?homme au cours de son dveloppement soit capable de tolrer toute l?tendue de sa haine dans un environnement sentimental. Il lui faut haine pour haine. Si tout cela est vrai, on ne peut attendre d?un patient psychotique en analyse qu?il tolre sa haine de l?analyste, sauf si l?analyste peut le ha r.
41 Formule sans doute exacte pour tout patient... 42 Quant la question de l?interprtation, au patient, de la haine de l?analyste, Winnicott considre qu?il s?agit l?vidence d?un sujet lourd de dangers, et qui ncessite que le moment soit choisi avec le plus grand soin . Pourtant il semble persuad 43 qu?une analyse est incomplte si, mme la fin de l?analyse, il n?a pas t possible l?analyste de parler au patient de ce que lui, l?analyste, a fait l?insu du patient pendant qu?il tait malade, dans les premiers temps [de l?analyse]. Tant que cette interprtation n?est pas faite, le patient est en quelque sorte maintenu dans la position d?un enfant, d?un enfant qui ne peut comprendre ce qu?il doit sa mre . 44 Ce n?est pas tout fait de la self disclosure mais il est possible que l?influence de Winnicott ait jou un rle dans le dveloppement des tenants d?une intersubjectivit ouverte aux clats de la transparence. Notons au passage que la self disclosure, pour tre valable, exigerait une connaissance prcise par l?analyste de ce qui se passe en lui, ce qui est impossible du fait de la lenteur des mouvements de prise de conscience des phnomnes inconscients, et que ce n?est souvent qu?aprs coup, parfois aprs la fin d?une analyse, que l?analyste comprend ce qui a pu rellement se passer lors de telle sance avec ce patient-l. Le dvoilement de l?analyste pourrait bien tre guid souvent par la haine. Pour l?analyste, tudier les conditions d?apparition de la haine en lui est la condition par laquelle on peut esprer viter que le traitement ne soit adapt aux besoins du thrapeute plutt qu? ceux du patient , comme le formule Winnicott. Heinrich Racker[10] [10] La premire version de cet article, prsente... suite
45 Contemporaine du texte de Winnicott que nous venons d?voquer, la contribution de Racker lui est parfaitement complmentaire. Tout son article illustre le caractre inluctable du contre-transfert : l?analyste est prdispos des sentiments vis--vis du patient avant mme de l?avoir rencontr . 46 L encore le contre-transfert reste envisag par Racker dans toutes ses dimensions ngatives ; ce qui l?intresse le plus, c?est la part nvrotique du contre-transfert qui perturbe le travail de l?analyste . La part pathologique du contre-transfert est l?expression d?une nvrose comme un autre, et doit tre explore avec tous les moyens dont dispose l?analyse. Ainsi ce qu?il dsigne comme nvrose de contre-transfert n?est pas le symtrique de la nvrose de transfert mais dcrit une pathologie du contre-transfert. Il rapporte d?ailleurs dans son article des cas de vritables maladies contre-transfrentielles. 47 La question de la haine dans le contre-transfert est envisage par Racker ? en toute mconnaissance de ce que Winnicott avait pu en dire ? d?une faon qui lui donne une place quasi inluctable dans toute analyse. 48 Ainsi la rsistance, dans l?un de ses aspects, est la haine, laquelle l?analyste ragit parfois par de la haine de sa part, il tombe alors dans un pige tendu pour lui par sa propre nvrose. (...) Et il y croit parce que le patient a un alli puissant l?intrieur de la propre personnalit de l?analyste ? les mauvais objets de ce dernier qui le ha ssent et qu?il hait. Et un analyste peut en venir ha r au mme degr un patient qui se trouve dans une intense rsistance. (...) L?analyste se dfend des attaques de son surmoi par sa haine contre le patient. Paula Heimann 49 C?est Paula Heimann ? en 1949 ? que l?on doit l?ide que le contre-transfert doit tre considr comme un outil et non comme un obstacle liminer : Ma thse est que la rponse motionnelle de l?analyste son patient dans la situation analytique constitue l?un des outils les plus importants pour son travail. Le contre-transfert de l?analyste est un instrument d?investigation de l?inconscient du patient. Elle donne du contre-transfert une dfinition assez large et pragmatique : 50 ... j?utilise le terme de contre-transfert pour rassembler toutes les impressions qu?prouve l?analyste par rapport son patient. On peut avancer que cet usage n?est pas correct et que le contre-transfert dsigne simplement le transfert de la part de l?analyste. Cependant je suggre que le prfixe ?contre? implique des facteurs supplmentaires. 51 La relation entre l?analyste et son patient se distingue d?autres formes de relations non pas tant par l?asymtrie des sentiments entre les deux partenaires de cette relation que par l?intensit des sentiments soulevs et l?usage qui en est fait. Quant l?analyse de l?analyste, elle n?a pas pour but d?en faire un cerveau mcanique capable de produire des interprtations sur un mode intellectuel mais de le rendre capable de soutenir les sentiments soulevs en lui, au lieu de les dcharger (comme le fait le patient), afin de les subordonner au travail analytique dans lequel il fonctionne pour le patient comme un reflet dans un miroir . Du fait que des motions trop violentes sont capables de fausser la perception juste de ce qui se passe, il s?ensuit que la sensibilit motionnelle de l?analyste doit tre
plus extensive qu?intensive, discriminante et mobile . Nous sommes donc devant une formulation tout fait nouvelle et qui tablit le contre-transfert comme outil de travail et, plus encore, comme cration du patient : Du point de vue sur lequel j?insiste, le contre-transfert de l?analyste n?est pas seulement un fragment de la relation analytique, mais il est la cration du patient, il est une part de la personnalit du patient. Elle ajoute que cette conception rend ncessaire que l?analyste remette sans cesse sur le mtier l?analyse de ses propres problmes mais prcise bien que cela doit rester de son domaine lui : Cela, cependant, est son affaire prive, et je ne considre pas qu?il soit juste pour l?analyste de communiquer ses sentiments au patient. mon sens, une telle honntet est plus de la nature d?une confession et un fardeau pour le patient. Quel que soit le cas, cela conduit hors de l?analyse. Margaret Little 52 Margaret Little s?avance galement, quoique de faon moins radicale, peu aprs Paula Heiman, dans la direction o l?on doit considrer le contre-transfert comme un outil et non comme un obstacle liminer, mais nous verrons qu?elle propose dans certains cas de communiquer quelque chose au patient de ce que l?analyste a vcu. 53 C?est dans son article Counter-Transference and the Patient?s Response to It , paru en 1951, mais prsent en 1950, que Margaret Little donne un clairage nouveau la question du contre-transfert et en souligne l?importance, non seulement pour la conduite des analyses mais pour que la psychanalyse elle-mme puisse progresser : 54 Je me demande si le dfaut d?utilisation du contre-transfert ne pourrait avoir un effet exactement similaire, par rapport au progrs de la psychanalyse, celui de l?ignorance ou de la ngligence du transfert ; et si nous pouvions faire un juste usage du contre-transfert ne constaterions nous pas que nous avons encore un autre outil extrmement prcieux, si ce n?est indispensable ? 55 Elle constate, comme beaucoup d?auteurs avant elle, qu?il est difficile de donner une dfinition univoque de la notion et en recense les raisons : le contre-transfert inconscient est quelque chose qui ne peut tre observ directement en tant que tel, mais seulement dans ses effets ; du point de vue mtapsychologique, l?attitude globale de l?analyste engage la totalit de son psychisme, Moi, a et Surmoi, et qu?il n?y a pas de frontires claires pour diffrencier ces lments ; toute analyse, y compris l?auto-analyse, implique la fois un analysant et un analyste ; en un sens ils sont insparables. De la mme faon, transfert et contre-transfert sont insparables... ; enfin, et c?est le plus important, on peut constater l?gard du contre-transfert, c?est--dire l?gard de nos propres sentiments ou ides, une attitude rellement dlirante ou phobique. 56 Elle fait remarquer que, de mme que pour Freud les progrs de la psychanalyse ont t freins par la peur d?interprter le transfert, la mme chose se reproduit par rapport au contre-transfert : le phnomne est connu et reconnu mais on considre qu?il n?est pas ncessaire, voire dangereux de l?interprter. 57 Elle s?carte de ses prdcesseurs dans la mesure o, pour eux comme pour Winnicott, le terme contre-transfert dsigne un ensemble de phnomnes inconscients qui chez l?analyste fait obstacle
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