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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 27 |
EAN13 | 9782824709789 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
JÉSUS-CH RIST EN
F LAN DRE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
JÉSUS-CH RIST EN
F LAN DRE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0978-9
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.JÉSUS-CH RIST EN F LAN DRE
A MARCELI N E DESBORDES- V ALMORE,
A v ous, fille de la F landr e et qui en êtes une des gloir es
mo der nes, cee naïv e tradition des F landr es.
DE BALZA C.
assez indéter miné e de l’histoir e brabançonne , les
r elations entr e l’île de Cadzant et les côtes de la F landr e étaientA entr etenues p ar une bar que destiné e au p assag e des v o yag eur s.
Capitale de l’île , Midelb our g, plus tard si célèbr e dans les annales du pr
otestantisme , comptait à p eine deux ou tr ois cents feux. La riche Ostende
était un hav r e inconnu, flanqué d’une b our g ade chétiv ement p euplé e p ar
quelques pê cheur s, p ar de p auv r es nég o ciants et p ar des cor sair es
impunis. Né anmoins le b our g d’Ostende , comp osé d’une vingtaine de maisons
et de tr ois cents cabanes, chaumines ou taudis constr uits av e c des débris
de navir es naufrag és, jouissait d’un g ouv er neur , d’une milice , de four ches
p atibulair es, d’un couv ent, d’un b our gmestr e , enfin de tous les or g anes
d’une civilisation avancé e . i régnait alor s en Brabant, en F landr e , en
Belgique ? Sur ce p oint, la tradition est muee . A v ouons-le ? cee
histoir e se r essent étrang ement du vague , de l’incertitude , du mer v eilleux
1Jésus-Christ en F landr e Chapitr e
que les orateur s fav oris des v eillé es flamandes se sont amusés maintes
fois à rép andr e dans leur s gloses aussi div er ses de p o ésie que
contradictoir es p ar les détails. Dite d’âg e en âg e , rép été e de fo y er en fo y er p ar
les aïeules, p ar les conteur s de jour et de nuit, cee chr onique a r e çu de
chaque siè cle une teinte différ ente . Semblable à ces monuments ar
rang és suivant le caprice des ar chite ctur es de chaque ép o que , mais dont les
masses noir es et fr ustes plaisent aux p oètes, elle ferait le désesp oir des
commentateur s, des éplucheur s de mots, de faits et de dates. Le nar rateur
y cr oit, comme tous les esprits sup er stitieux de la F landr e y ont cr u, sans
en êtr e ni plus do ctes ni plus infir mes. Seulement, dans l’imp ossibilité de
mer e en har monie toutes les v er sions, v oici le fait dép ouillé p eut-êtr e de
sa naïv eté r omanesque imp ossible à r epr o duir e , mais av e c ses hardiesses
que l’histoir e désav oue , av e c sa moralité que la r eligion appr ouv e , son
fantastique , fleur d’imagination, son sens caché dont p eut s’accommo der
le sag e . A chacun sa pâtur e et le soin de trier le b on grain de l’iv raie .
La bar que qui ser vait à p asser les v o yag eur s de l’île de Cadzant à
Ostende allait quier le rivag e . A vant de détacher la chaîne de fer qui r
etenait sa chaloup e à une pier r e de la p etite jeté e où l’ on s’ embar quait, le
p atr on donna du cor à plusieur s r eprises, afin d’app eler les r etardatair es,
car ce v o yag e était son der nier . La nuit appr o chait, les der nier s feux du
soleil couchant p er meaient à p eine d’ap er ce v oir les côtes de F landr e et
de distinguer dans l’île les p assag er s aardés, er rant soit le long des mur s
en ter r e dont les champs étaient envir onnés, soit p ar mi les hauts joncs
des marais. La bar que était pleine , un cri s’éle va :
― ’aendez-v ous ? Partons.
En ce moment, un homme app ar ut à quelques p as de la jeté e ; le pilote ,
qui ne l’avait entendu ni v enir , ni mar cher , fut assez sur pris de le v oir . Ce
v o yag eur semblait s’êtr e le vé de ter r e tout à coup , comme un p ay san qui
se serait couché dans un champ en aendant l’heur e du dép art et que
la tr omp ee aurait ré v eillé . Était-ce un v oleur ? était-ce quelque homme
de douane ou de p olice ? and il ar riva sur la jeté e où la bar que était
amar ré e , sept p er sonnes placé es deb out à l’ar rièr e de la chaloup e s’
empr essèr ent de s’asse oir sur les bancs, afin de s’y tr ouv er seules et de ne
p as laisser l’étrang er se mer e av e c elles. Ce fut une p ensé e instinctiv e et
rapide , une de ces p ensé es d’aristo cratie qui viennent au cœur des g ens
2Jésus-Christ en F landr e Chapitr e
riches. atr e de ces p er sonnag es app artenaient à la plus haute noblesse
des F landr es. D’ab ord un jeune cavalier , accomp agné de deux b e aux
lév rier s et p ortant sur ses che v eux longs une to que or né e de pier r eries,
faisait r etentir ses ép er ons dorés et frisait de temps en temps sa moustache
av e c imp ertinence , en jetant des r eg ards dé daigneux au r este de l’é
quip ag e . Une altièr e demoiselle tenait un faucon sur son p oing, et ne p arlait
qu’à sa mèr e ou à un e cclésiastique du haut rang, leur p ar ent sans doute .
Ces p er sonnes faisaient grand br uit et conv er saient ensemble , comme
si elles eussent été seules dans la bar que . Né anmoins, auprès d’ elles se
tr ouvait un homme très-imp ortant dans le p ay s, un gr os b our g e ois de
Br ug es env elopp é dans un grand mante au. Son domestique , ar mé
jusqu’aux dents, avait mis près de lui deux sacs pleins d’ar g ent. A côté d’ eux
se tr ouvait encor e un homme de science , do cteur à l’univ er sité de
Louvain, flanqué de son cler c. Ces g ens, qui se méprisaient les uns les autr es,
étaient sép arés de l’avant p ar le banc des rameur s.
Lor sque le p assag er en r etard mit le pie d dans la bar que , il jeta un
r eg ard rapide sur l’ar rièr e , n’y vit p as de place , et alla en demander
une à ceux qui se tr ouvaient sur l’avant du bate au. Ceux-là étaient de
p auv r es g ens. A l’asp e ct d’un homme à tête nue , dont l’habit et le
haut-dechausses en camelot br un, dont le rabat en toile de lin emp esé n’avaient
aucun or nement, qui ne tenait à la main ni to que ni chap e au, sans b our se
ni ép é e à la ceintur e , tous le prir ent p our un b our gmestr e sûr de son
autorité , b our gmestr e b on homme et doux comme quelques-uns de ces
vieux F lamands dont la natur e et le caractèr e ing énus nous ont été si bien
conser vés p ar les p eintr es du p ay s. Les p auv r es p assag er s accueillir ent
alor s l’inconnu p ar des démonstrations r esp e ctueuses qui e x citèr ent des
railleries chuchoté es entr e les g ens de l’ar rièr e . Un vieux soldat, homme
de p eine et de fatigue , donna sa place sur le banc à l’étrang er , s’assit au
b ord de la bar que , et s’y maintint en é quilibr e p ar la manièr e dont il
appuya ses pie ds contr e une de ces trav er ses de b ois qui semblables aux
arêtes d’un p oisson ser v ent à lier les planches des bate aux. Une jeune
femme , mèr e d’un p etit enfant, et qui p araissait app artenir à la classe
ouv rièr e d’Ostende , se r e cula p our fair e assez de place au nouv e au v enu. Ce
mouv ement n’accusa ni ser vilité , ni dé dain. Ce fut un de ces témoignag es
d’ oblig e ance p ar lesquels les p auv r es g ens, habitués à connaîtr e le prix
3Jésus-Christ en F landr e Chapitr e
d’un ser vice et les délices de la frater nité , ré vèlent la franchise et le
natur el de leur s âmes, si naïv es dans l’ e xpr ession de leur s qualités