La lecture à portée de main
Description
Informations
Publié par | crobert |
Publié le | 31 décembre 2016 |
Nombre de lectures | 17 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 11 Mo |
Extrait
La beauté
est-elle
affaire de
goût ? L’artconvoquetroisfiguresàsaréalisaBon:l’œuvrequiestl’objetquisedonneàvoiretqui
est l’incarna on sensible du beau ; l’arBstequiacréécetobjet;et le spectateur, qui
contempleceJeœuvre.Cestroisfiguresdictentl’ordredestroisleçonsconsacréesàl’art.
1.L’artest-ilunluxe?
2.Ya-t-ildesrèglesenart?
3.Labeautéest-elleaffairedegoût?31.BeautéetobjecBvité
Face à une œuvre d’art, le spectateur éprouve une saBsfacBon parBculière qui n’est ni simplement
intellectuelle(cellequel’onprendauvraiouaubien)nisimplementsensible(cellequel’onafaceà
l’agréable).Autrementdit,l’artn’estniquelquechosed’objecBfcommelevraioulebienniquelquechose
desubjecBfquidépendraitdugoûtdechacuncommel’agréable.
«Maisenseplaçantaupointdevuemêmedecesar5stesréalistes,ondoitdiscuteret
contesterleurthéoriequisemblepouvoirêtrerésuméeparcesmots:«Rienquelavéritéet
toutelavérité.»(…)
Leréaliste,s’ilestunar5ste,cherchera,nonpasànousmontrerlaphotographiebanaledela
vie,maisànousendonnerlavisionpluscomplète,plussaisissante,plusprobantequelaréalité
même.
Racontertoutseraitimpossible,carilfaudraitalorsunvolumeaumoinsparjournée,pour
énumérerlesmul5tudesd’incidentsinsignifiantsquiemplissentnotreexistence.
Unchoixs’imposedonc,cequiestunepremièrea einteàlathéoriedetoutelavérité.
Lavie,enoutre,estcomposéedechoseslesplusdifférentes,lesplusimprévues,lesplus
contraires,lesplusdisparates;elleestbrutale,sanssuite,sanschaîne,pleinedecatastrophes
inexplicables,illogiquesetcontradictoiresquidoiventêtreclasséesauchapitrefaitsdivers.
Voilà pourquoi l’ar5ste, ayant choisi son thème, ne prendra dans ceLe vie encombrée de
hasardsetdefu5litésquelesdétailscaractéris5quesu5lesàsonsujet,etilrejeLeratoutle
reste,toutl’à-côté.(…)
Si le beau était le vrai, les œuvres Lavieencorelaissetoutaumêmeplan,précipitelesfaitsoulestraîneindéfiniment.L’art,au
contraire,consisteàuserdeprécau5onsetdeprépara ons,àménagerdestransi5onssavantesd’artdevraientêtrel’objecBfmiroirde
et dissimulées, à meLre en pleine lumière, par la seule adresse de la composi5on, leslaréalité.L’artauraitalorspourbutde
événementsessen5elsetàdonneràtouslesautresledegrédereliefquileurconvient,suivantreprésenter quelque chose de réel,
leurimportance,pourproduirelasensa onprofondedelavéritéspécialequ’onveutmontrer.puisquelavéritéestl’adéqua ondu
Fairevraiconsistedoncàdonnerl’illusioncomplèteduvrai,suivantlalogiqueordinairedes
réeletdel’asserBonquis’yrapporte. faits,etnonàlestranscrireservilementdanslepêle-mêledeleursuccession.
Lavaleurdesœuvresviendraitalors J’enconcluequelesRéalistesdetalentdevraients’appelerplutôtdesIllusionnistes.»
delafidélitéàcequ’ellesdépeignent.
Maupassant–préfacedePierreetJeanDemêmequenousneregardonspas
uneœuvrepouryapprendreunevérité,
demêmenousneconsidéronspasles
œuvrespourqu’ellesnousapprennent
notredevoir.32.BeautéetsubjecBvité
Silejugementesthé queseréduisaitàlapureexpressiond’unesubjec vité,lebeauseraitréduitàl’agréable.L’agréable
estcequiplaîtauxsens.
Or,l’agréableesttoujoursrela f:ildépenddugoûtdechacunettousleshommesn’ontpaslesmêmesgoûts.
«Lorsqu’ils’agitdecequiestagréable,chacunconsentàcequesonjugement,qu’ilfonde
surunsen5mentpersonneletenfonc5onduquelilaffirmed’unobjetqu’illuiplaît,soit
restreintàsaseulepersonne.Aussibiendisant:«LevindesCanariesestagréable»,il
admeLravolon5ersqu’unautrecorrigel’expressionetluirappellequ’ildoitdire:cela
m’estagréable.Ilenestainsinonseulementpourlegoûtdelalangue,dupalaisetdu
gosier,maisaussipourtoutcequipeutêtreagréableauxyeuxetauxoreillesdechacun.La
couleurvioleLeseradouceetaimablepourcelui-ci,morteetéteintepourcelui-là.Celui-ci
aimelesondesinstrumentsàvent,celui-làaimelesondesinstrumentsàcorde.Ceserait
foliequedediscuteràcepropos,afinderéputererronélejugementd’autrui,quidiffère
du nôtre, comme s’il lui était logiquement opposé ; le principe : « A chacun son
goût»(s’agissantdessens)estunprincipevalablepourtoutcequiestagréable.
Ilenvatoutautrementdubeau.Ilserait(toutjusteàl’inverse)ridiculequequelqu’un,
s’imaginantavoirdugoût,songeenfairelapreuveendéclarant:cetobjet(l’édificeque
nousvoyons,levêtementqueportecelui-ci,leconcertquenousentendons,lepoèmeque
l’onsoumetànotreapprécia on)estbeau pourmoi.Carilnedoitpasappelerbeaucequi
neplaîtqu’àlui.Beaucoupdechosespeuventavoirpourluiducharmeetdel’agrément;
personnenes’ensoucie;toutefoislorsqu’ilditqu’unechoseestbelle,ila ribueaux
autreslamêmesa sfac5on;ilnejugepasseulementpourlui,maispourautruietparle
alorsdelabeautécommesielleétaitunepropriétédeschoses.C’estpourquoiildit:la
choseestbelleetdanssonjugementexprimantsasa sfac5on,il exigel’adhésiondes
autres(…)etainsionnepeutdire:«Achacunsongoût.»Celareviendraitàdire:legoût
n’existepas,iln’existepasdejugementesthé5quequipourraitlégi5mementprétendreà
l’assen5mentdetous.»
Kant–Cri quedelafacultédejuger ,§733.ParBcularitédujugementesthéBque
SelonKant,quandjedisqu’uneœuvreestbelle,ils’agitd’unsen mentnonobjecBfmaisjejugeenmêmetempsque
ce ebeautépeutêtreconçueparautrui.Dèslors,celasignifiequel’œuvredépassemonpropreintérêtpourdevenirune
valeuruniverselle.
«Sil’onmedemandesijetrouvebeaulepalaisquejevoisdevantmoi,je
puissansdouterépondre:jen’aimepasceschosesquinesontfaitesque
pourlesbadauds(…)jepuismepersuaderbienfacilementquesijeme
trouvaissuruneîleinhabitée,sansespoirdejamaisrevenirparmiles
hommes,etquej’eusselepouvoirparlesimplefaitdelesouhaiterd’y
transportermagiquementuntelpalais,jen’enprendraismêmepasla
peine,supposéquejepossèdeunemasureassezconfortablepourmoi.
Onpeutm’accordertoutcelaetl’approuver;toutefoiscen’estpaslàla
ques5on. On désire uniquement savoir si la seule représenta on de
l’objetestaccompagnéeenmoiparunesa sfac5on,aussiindifférentque
jepuisseêtreàl’existencedel’objetdeceLereprésenta on.Onvoit
aisémentquecequiimportepourdirel’objetbeauetprouverquej’aidu
goût,c’estcequejedécouvreenmoienfonc5ondeceLereprésenta on
et non ce par quoi je dépends de l’existence de l’objet. Chacun doit
reconnaîtrequ’unjugementsurlabeautéenlequelsemêlelepluspe5t
intérêtesttrèspar5aletnepeutêtreunjugementdegoûtpur.Pour
jouerlerôledejugeenma èredegoût,ilnefautpassesoucierlemoins
dumondedel’existencedel’objet,maisbienaucontraireêtreindifférent
encequiytouche.»
Kant–Cri quedelafacultédejuger- §2Lebeaun’estdoncnilebiennil’agréableetlejugementesthéBquen’estniseulement
intellectuelniseulementsensible.Danslebeau,iln’yapasdeconcept(lebeaun’estnilevrai
nilebien),maislebeauesttoutdemêmel’objetd’unesa sfacBonnécessaire(lebeaun’est
pasl’agréablequin’entraînepasl’exigenced’unesa sfacBonnécessaire).C’estencesensque
l’onpeutdire,commeleditKantau§22delaCri quedelafacultédejuger :
«Estbeaucequireconnusansconceptcommeobjetd’unesa sfacBonnécessaire.»