La Chine et la pratique de la psychanalyse
6 pages
Français

La Chine et la pratique de la psychanalyse

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
6 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description


- La circulation de la psychanalyse de l'occident vers la Chine, aussi bien du point de vue théorique, avec l'analyse de la transposition des concepts psychanalytique d'une culture à l'autre, que du point de vue clinique, avec le repérage des conséquences psychopathologiques de structures familiales différentes.
- Le rapport entre philosophie et psychanalyse pris sous l'angle du vocabulaire et des difficultés de traduction du français au chinois et du chinois au français.
  [Moins]

Informations

Publié par
Nombre de lectures 252
Langue Français

Extrait

Languechinioesetrptaqieuedplachsyalanesy
L’Institut Hospitalier de Psychanalyse (IHP), est un service ouvert en mai 2011 à l’Hôpital Sainte-Anne par Françoise Gorog (chef de service). Il constitue un centre de consultation psychanalytique qui assure le suivi de patients, mais qui a aussi une mission d’expertise pour avis psychopathologique (File active actuelle de 170 patients). C’est également un centre d’enseignement, de formation et d’échanges avec diverses disciplines (philosophie, littérature, arts, droit, médecine, sociologie, linguistique...) et un centre de recherche dans le domaine de la psychanalyse, car la théorie et la pratique psychanalytiques doivent pouvoir innover, surtout dans le contexte où la diversité culturelle se fait croissante, même au-delà de la pensée occidentale où elles se sont élaborées. Se référant aux principes de la Polyclinique de Berlin créée en 1920 sous l'égide de Freud, dans sa dimension de soins accessibles à tous, mais aussi dans son ouverture aux autres sciences, l’Institut Hospitalier de Psychanalyse se veut le lieu de rencontre de divers courants de pensée. Freud déclarait alors à son sujet : « C’est pourquoi l’Institut [de Berlin], loin d’enfermer la psychanalyse dans un isolement doctrinal, se considérera comme l’hôte désigné de toute confrontation avec les disciplines affines ».
L’Institut accueille, dans cette dynamique, parmi les consultants très variés beaucoup de ème migrants chinois. Il travaille notamment avec la mairie du 13arrondissement de Paris (Jérôme Coumet, le maire, et Buon-Huong Tan, son adjoint) qui dispense des cours de français pour les Chinois de l’arrondissement. De même, l’Institut Hospitalier de Psychanalyse collabore avec Brigitte Garraud de Loubresse au sein de l’association « Chinois de France - Français de Chine » dirigée par Donatien Shram.
L’un des consultants français, le Docteur Luc Faucher, apprend la langue chinoise, mais l’abord par la parole est surtout permis par la présence de traducteurs. Ceux-ci sont des étudiants, doctorants en psychanalyse, soit franco-chinois, c’est le cas de Wenyi Xiang, soit des élèves du Professeur Huo-Datong, premier psychanalyste chinois, Ju Fei et Yang Chunqiang, venus de l’Université du Sichuan à Chengdu au titre d’une convention passée avec l’Institut Hospitalier de Psychanalyse de Sainte-Anne.
Après un séminaire de deux semaines donné par Françoise Gorog, en juillet 2011, à l’Université du Sichuan, Barbara Cassin, membre du conseil scientifique de l’IHP, pour ce qui concerne la philosophie, a été sollicitée pour y donner un séminaire en juillet 2012. Par ailleurs, de nombreux stagiaires travaillant au sein de l’Institut Hospitalier de Psychanalyse sont des doctorants en psychopathologie ou en psychosociologie. Ils sont encadrés par deux de nos psychologues, Eléonore Galiana-Mingot et Francisco Herrada. Leur travail de thèse leur permet de participer à la dimension recherche de l’IHP.
L’un des consultants français, le Docteur Luc Faucher, apprend la langue chinoise, mais l’abord par la parole est surtout permis par la présence de traducteurs. Ceux-ci sont des étudiants, doctorants en psychanalyse, soit franco-chinois, c’est le cas de Wenyi Xiang, soit des élèves du Professeur Huo-Datong, premier psychanalyste chinois, Ju Fei et Yang Chunqiang, venus de l’Université du Sichuan à Chengdu au titre d’une convention passée avec l’Institut Hospitalier de Psychanalyse de Sainte-Anne.
Forte de cette expérience avec des consultants chinois et des échanges avec l'Université du Sichuan, interpellée par l’impact de la tradition chinoise et de sa pensée qui va au-delà du binaire occidental et du côté du mouvement de la pensée scientifique chinoise et
occidentale, l'équipe de l'IHP souhaite s'inscrire dans le projet TransferS selon plusieurs axes de réflexion et de recherche :
- La circulation de la psychanalyse de l'occident vers la Chine, aussi bien du point de vue théorique, avec l'analyse de la transposition des concepts psychanalytique d'une culture à l'autre, que du point de vue clinique, avec le repérage des conséquences psychopathologiques de structures familiales différentes.
- Le rapport entre philosophie et psychanalyse pris sous l'angle du vocabulaire et des difficultés de traduction du français au chinois et du chinois au français. Nous pourrions envisager la traduction en chinois duVocabulaire européen des philosophies, Dictionnaire des intraduisibles(sous la direction de Barbara Cassin) et étudier les traductions des textes de Freud et de Lacan en Chinois, pour ce qui existe déjà, avec ce qui fait difficulté pour passer d'une langue à l'autre comme éclairage en retour de concepts philosophiques et psychanalytiques. Pour la traduction, la transmission et la diffusion des vocabulaires et textes psychanalytiques en chinois, avec la collaboration précieuse de Wenyi Xiang, nous nous interrogeons sur la manière d’approcher au plus près du sens et en même temps du signifiant. N’y-a-il pas nécessairement une perte inhérente à cette transmission ? En utilisant plusieurs traductions à la fois, nous approchons-nous plus de la réalité du mot ?
Nous choisissons ici d'illustrer ces difficultés de traduction en utilisant les traductions existantes des concepts psychanalytiques tels que « jouissance » et « transfert » en chinois.
Le caractère simple dans un mot chinois a la valeur de la lettre dans le système alphabétique, il n’a pas de sens en soi, ce n’est qu’en le combinant avec d’autres caractères qu’un sens sera créé. Ainsi, toutes les traductions d'un caractère simple impliquent un contexte dans lequel il vient s’inscrire.
Il existe aujourd’hui deux traductions du mot « jouissance », qui sont
peut signifier : jouir de ;
: recevoir, accepter, subir, souffrir, endurer, supporter ;
: heureux, joyeux, content, prendre plaisir à, aimer, adorer, jouir de.
On retrouve également deux traductions pour le mot « transfert » :
et
et
.
.
, le premier caractère, peut signifier : tourner, changer, transférer, transmettre, tourner, rouler, faire un tour ;
, mot qui se place aussi bien à la fin de la première traduction qu’au début de la deuxième, peut signifier : déplacer, se déplacer, transférer, changer, réformer, modifier, se transformer ;
, le deuxième caractère dans la deuxième traduction du mot « transfert », peut signifier : sentiment, affection, faveur, bonté, bienveillance, situation, condition, état.
Nous remarquons que si dans ce transfert entre deux langues, il y a un espace plus large de représentations qui est ouvert, pour ce qui est de l'homophonie, si utile au travail du psychanalyste pour faire entendre l’inconscient, la perte est radicale.
- Les enseignements de cette situation inédite, à l'IHP, de recevoir avec une écoute psychanalytique des patients chinois en situation de migration en France. Cette expérience nous permet de situer certains déterminants culturels et psychologiques de cette migration de Chinois vers la France et de leur mode d’inscription sur le territoire parisien. Nous pourrions là échanger avec l'équipe Enquêtes, Terrains, Théories (ETT) du Centre Maurice Halbwachs (CMH), coordonné par Anne-Christine Trémon, soutenue par le Labex TransferS dans son étude des réseaux chinois à Paris.
Il s’agit également d'étudier la difficulté de l'interprétariat puisqu'au désir de l'analyste vient se mêler le désir de celui qui traduit et qu'une perte signifiante est forcement à l'œuvre dans l'écoute analytique. De plus, la langue chinoise d'être constituée de morphèmes et non de phonèmes, comme dans un système alphabétique, vient interroger sur les modalités de constitution du symptôme. L'inconscient structuré comme un langage, énoncé par Lacan, garde-t-il toute sa valeur quand on passe de l'écriture alphabétique à l'écriture chinoise ? Les caractères chinois peuvent être un composé de plusieurs caractères élémentaires, sans pour autant que leur signification ne viennent s’inscrire dans la signification du caractère ainsi construit. Nous avons pu constater qu’un de nos patients, dans son travail d’interprétation délirante, prenait appui sur cette structure du caractère chinois, pour injecter du sens là où il n’y en a pas, et retrouvait ainsi dans l’écriture du nom de son cousin, des caractères évoquant le ciel et le soleil, pour en conclure que ce cousin était dans le réseau du ciel pour incarner le dieu soleil.
AJOUT DE LA REDACTION
Un article paru dans un récent numéro duNew Yorker[1][1]Evan Osnos : « Meet Dr Freud », The New Yorker, 8 janvier... suiterapporte la récente diffusion de la psychanalyse en Chine.
2Vu de loin, rien de plus normal : des millions de Chinois accèdent au confort des classes moyennes occidentales et aspirent à des soins psychiques modernes. Or la psychiatrie chinoise est peu présente. La maladie mentale a mauvaise réputation. Encore récemment, les troubles mentaux sont soignés par des médecins « herboristes » qui tentent de rééquilibrer les sept émotions fondamentales (bonheur, peur, colère, tristesse, amour, haine, désir), ou par des « sorciers » qui calment les esprits déchaînés des ancêtres. La psychopathologie clinique est inexistante, bien que Freud soit traduit en chinois depuis des décennies, à partir de l’anglais. Jusque récemment, les références à la psychanalyse en Chine ne sont, selon le mot de Ph. Porret, que « des particules de psychanalyse en suspension »[2][2]1. Porret Evan Osnos Ph. (2008).: « Meet La Dr Chine Freud... suite: des traductions partielles d’un Freud très anglicisé, fragmentaire et dépouillé de la reconnaissance de la sexualité infantile et ainsi compatible avec les idéaux ancestraux et culturels.
3Un vrai marché pourrait s’ouvrir pour la psychanalyse, mais comment former des praticiens dans cet immense pays sans vraie tradition psychiatrique ?
4Selon le journaliste duNew Yorker, l’accélération de la diffusion de la formation à la psychanalyse en Chine doit beaucoup à un ex-membre éminent de l’Association Américaine de Psychanalyse (APA,American Psychoanalytic Association) qui a eu l’initiative d’utiliser la vidéotransmission. Le Dr. Elise Snyder, psychiatre née en 1934 et Professeure associée de psychiatrie à Yale, découvre la Chine après une carrière tumultueuse à l’APA et l’échec de son élection à la présidence de ce groupe. Elle fait en 2000 une série de conférences en Chine à Chengdu et se rapproche de professeurs et d’étudiants chinois, lecteurs de la théorie freudienne.
5Déjà, dans les années 1980, avant le drame de la place Tian’anmen, l’engouement pour la psychanalyse était devenu le symbole de l’ouverture d’esprit pour l’élite universitaire, mais restait une théorie étrangère et sans praticien. Un écrivain chinois, Huo Datung, avait séjourné à Paris pour suivre l’enseignement de J. Lacan. Ce dernier étant disparu quelques années auparavant, le candidat s’attacha à l’un de ses épigones et fit, avec lui, une cure en chinois. Le praticien ni le patient ne comprenant la langue de l’autre, ce fut une expérience étonnante, hors compréhension du langage ! De retour à Chengdu, Huo Datung intègre un poste à l’université et commence à recevoir des analysants : ses étudiants.
6C’est aussi à Chengdu, lors de son circuit de conférences, que E. Snyder rencontre des étudiants désireux d’analyse et qui lui suggèrent l’usage du logicielSkypedont elle n’avait jamais entendu parler ! De retour aux États-Unis, elle recrute quelques collègues bénévoles pour tenter l’aventure de l’analyse sur la Toile. L’affaire s’emballe en Chine, la demande dépassant rapidement l’offre.
7À Pékin, à l’automne dernier, s’est tenu un colloque intitulé « Freud et l’Asie », organisé par l’IPA (International Psychoanalytic Association). Des portraits géants de Freud sont exposés dans le palais du peuple, comme ceux de Mao autour de Tian’anmen. Des communications mêlant couleur locale (« Psycho-pathologie du héros deAdieu ma concubine») à des thèmes psychanalytiques classiques et récurrents.
8E. Snyder et son époux y assistent aux côtés d’autres septuagénaires de l’IPA. Le contraste est en effet saisissant entre l’âge de ces membres et la jeunesse des auditeurs chinois. Charles Hanly, le président qui a insisté pour la tenue de ce colloque à l’occasion du centième anniversaire de l’IPA, déclare son plaisir, en ce moment historique, de transmettre à la nouvelle génération mondiale l’héritage du passé. En fait, l’IPA n’a dispensé formation et diplômes qu’à une dizaine de praticiens, professeurs de psychologie, et ce nombre limité contraste avec le véritable engouement pour la psychanalyse qui semble bien s’être emparé de l’intellectualité chinoise et qui rappelle la même histoire d’amour entre la psychanalyse et l’Amérique des années 1950.
9La Chine a déjà, dans le passé récent, importé quelques modèles thérapeutiques occidentaux : les thérapies familiales systémiques, les thérapies cognitives, et des psychothérapies brèves d’inspirations diverses proposées par des praticiens allemands (Académie germano-chinoise pour la psychothérapie) ou norvégiens, mais la référence à la psychanalyse américaine s’impose comme le modèle psychiatrique le plus désirable.
10C’est dans cette ambiance que prend place le projetSkypeet sa perspective de grande diffusion, dirigé par le groupe Snyder. En effet, depuis les premières analyses vidéo transmises, E. Snyder a créé une organisation, le CAPA (China American Psychoanalytic Alliance), qu’elle pilote depuis son appartement new-yorkais. Son équipe comporte un directeur administratif, un interne et une demi-douzaine de bénévoles à temps partiel. Cet hiver, la liste des patients chinois en analyse « virtuelle » s’élève déjà à quarante et un. Quarante autres patients suivent un traitement moins intensif, de type psychothérapie psycho-dynamique. Pour le patient « enSkype», il faut organiser des horaires compatibles avec le décalage horaire et s’habituer au visage à pixels de son thérapeute qui parfois s’immobilise et se morcelle en puzzle ! Les propos d’une femme de Shanghai âgée de cinquante-cinq ans en analyse avec un Newyorkais de l’East Side qu’elle n’a jamais rencontré sont également suggestifs de l’appel au transfert que la technique propose : « Je dois lui signaler que je pleure car il ne le perçoit pas mais personne, jamais personne au monde ne m’a jamais acceptée de façon aussi inconditionnelle ; et c’est merveilleux. » La thérapie parSkypedevient même une pratique si usuelle que certains patients s’étonnent que l’on puisse procéder autrement. La séance coûte entre quarante et cinquante dollars.
11E. Snyder a aussi développé, toujours par vidéo-transmission, un programme de formation à la psychothérapie suivi par de nombreux étudiants. Les trente premiers ont reçu leur diplôme cet automne, une centaine d’autres candidats sont en cours. Les frais d’inscription
s’élèvent à mille six cents dollars pour trente semaines de classe et une année de supervision. Le groupe d’E. Snyder se charge aussi d’expédier en Chine les fonds de bibliothèques de collègues retraités. Très représenté au colloque « Psy et Asie », et faisant état de ses succès, le groupe est néanmoins critiqué par certains membres de l’IPA qui soulignent la virtualité du procédé et l’accès impossible aux canaux non verbaux de la communication.
Il est aussi noté la politisation du projet qui oppose de façon vive les (rares) représentants psychanalystes chinois formés de façon classique au nombre des nouveaux venus formés à la vidéotransmission. Le mouvement semble pourtant bien parti !
12L’usage de la vidéo-transmission comme support du transfert analytique fait sursauter les tenants de la psychanalyse classique. Il faut pourtant remarquer que les nouvelles générations ont un commerce de plus en plus libre avec la communication virtuelle qui fait partie intégrante de leur vie quotidienne. Ces nouveaux médias s’imposent aussi en pédagogie et dans l’enseignement supérieur où les liens transférentiels sont également actifs. L’évolution et la rapidité de diffusion des nouvelles techniques étonnent tous les observateurs dans tous les pays du monde et leur retentissement sur les mœurs est impensable par avance.
13Dans la communication vidéo, les corps sont absents ainsi que la communication extra verbale ; les paroles ne sont que ce qu’elles sont et les affects amortis par la distance et la virtualité. La confidentialité n’est plus assurée comme idéalement dans le bureau d’un praticien. On peut penser pourtant que de telles séances, même virtuelles, font surgir des éléments de subjectivité cachés jusque-là par la pudeur propre à la culture dominante. Ces heures de confiance et d’intimité prennent alors une valeur inestimable. Faut-ila priorirejeter toute évolution de la pratique ? La question est ouverte et fait débat.
14Enfin, la Chine a déjà digéré le marxisme, elle est en train d’accommoder le capitalisme à sa façon. L’expérience de la psychanalyse avec ou sans vidéo sera-t-elle absorbée, elle aussi ? Ou bien une trace de la valeur de la subjectivité persistera-t-elle dans un monde toujours aux risques de l’emprise totalitaire, religieuse, ou économique ? NOTES
[1]Evan Osnos : « Meet Dr Freud »,The New Yorker, 8 janvier 2011.
[2]1. Porret Evan Osnos Ph. (2008). : « MeetLaDrChineFreudde la»,psychanalyse.,
Paris 8 janvier : Campagne 2011. Première.
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents