La peau de chagrin
238 pages
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La peau de chagrin

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Description

La Comédie humaine - Études philosophiques - Tome I. Quatorzième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Le jeune homme se leva brusquement et témoigna quelque surprise en apercevant au-dessus du siége où il s’était assis un morceau de chagrin accroché sur le mur, et dont la dimension n’excédait pas celle d’une peau de renard 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 84
EAN13 9782824709970
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
LA P EA U DE
CHA GRI N
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LA P EA U DE
CHA GRI N
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0997-0
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LA P EA U DE CHA GRI N
1La p e au de chagrin Chapitr e
A MONSI EU R SA V ARY ,
MEMBRE DE L’ A CADÉMI E DES SCI ENCES
2CHAP I T RE I
LE T ALISMAN
   du mois d’ o ctobr e der nier , un jeune homme entra
dans le Palais-Ro yal au moment où les maisons de jeu s’ ou-V v raient, confor mément à la loi qui pr otég e une p assion
essentiellement imp osable . Sans tr op hésiter , il monta l’ escalier du trip ot
désigné sous le nom de numér o 36.
― Monsieur , v otr e chap e au, s’il v ous plaît  ? lui cria d’une v oix sè che
et gr ondeuse un p etit vieillard blême accr oupi dans l’ ombr e , pr otég é p ar
une bar ricade , et qui se le va soudain en montrant une figur e moulé e sur
un ty p e ignoble .
and v ous entr ez dans une maison de jeu, la loi commence p ar v ous
dép ouiller de v otr e chap e au. Est-ce une p arab ole é vang élique et pr o
videntielle  ! N’ est-ce p as plutôt une manièr e de conclur e un contrat
infer nal av e c v ous en e xig e ant je ne sais quel g ag e  ? Serait-ce p our v ous
oblig er à g arder un maintien r esp e ctueux de vant ceux qui v ont g agner
v otr e ar g ent  ? Est-ce la p olice tapie dans tous les ég outs so ciaux qui tient
3La p e au de chagrin Chapitr e I
à sav oir le nom de v otr e chap elier ou le vôtr e , si v ous l’av ez inscrit sur
la coiffe  ? Est-ce enfin p our pr endr e la mesur e de v otr e crâne et dr esser
une statistique instr uctiv e sur la cap acité cérébrale des joueur s  ? Sur ce
p oint l’administration g arde un silence complet. Mais, sachez-le bien, à
p eine av ez-v ous fait un p as v er s le tapis v ert, déjà v otr e chap e au ne v ous
app artient p as plus que v ous ne v ous app artenez à v ous-même  : v ous
êtes au jeu, v ous, v otr e fortune , v otr e coiffe , v otr e canne et v otr e
mante au. A v otr e sortie , le JEU v ous démontr era, p ar une atr o ce épigramme
en action, qu’il v ous laisse encor e quelque chose en v ous r endant v otr e
bag ag e . Si toutefois v ous av ez une coiffur e neuv e , v ous appr endr ez à v os
dép ens qu’il faut se fair e un costume de joueur . L’étonnement manifesté
p ar l’étrang er quand il r e çut une fiche numér oté e en é chang e de son
chap e au, dont heur eusement les b ords étaient légèr ement p elés, indiquait
assez une âme encor e inno cente . Le p etit vieillard, qui sans doute avait
cr oupi dès son jeune âg e dans les b ouillants plaisir s de la vie des joueur s,
lui jeta un coup d’ œil ter ne et sans chaleur , dans le quel un philosophe
aurait v u les misèr es de l’hôpital, les vag ab ondag es des g ens r uinés, les
pr o cès-v erbaux d’une foule d’asphy xies, les travaux for cés à p er p étuité ,
les e xp atriations au Guazaco alco . Cet homme , dont la longue face blanche
n’était plus nour rie que p ar les soup es g élatineuses de d’ Ar cet, présentant
la pâle imag e de la p assion ré duite à son ter me le plus simple . D ans ses
rides il y avait trace de vieilles tortur es, il de vait jouer ses maigr es app
ointements le jour même où il les r e ce vait  ; semblable aux r osses sur qui les
coups de fouet n’ ont plus de prise , rien ne le faisait tr essaillir  ; les sourds
g émissements des joueur s qui sortaient r uinés, leur s muees impré
cations, leur s r eg ards hébétés, le tr ouvaient toujour s insensible . C’était le
Jeu incar né . Si le jeune homme avait contemplé ce triste Cerbèr e , p
eutêtr e se serait-il dit  : Il n’y a plus qu’un jeu de cartes dans ce cœur-là  !
L’inconnu n’é couta p as ce conseil vivant, placé là sans doute p ar la Pr
ovidence , comme elle a mis le dég oût à la p orte de tous les mauvais lieux  ;
il entra résolument dans la salle où le son de l’ or e x er çait une éblouissante
fascination sur les sens en pleine conv oitise . Ce jeune homme était pr
obablement p oussé là p ar la plus logique de toutes les élo quentes phrases
de J.-J. Rousse au, et dont v oici, je cr ois, la triste p ensé e  : Oui, je conçois
qu’un homme aille au Jeu  ; mais c’est lorsque entre lui et la mort il ne voit
4La p e au de chagrin Chapitr e I
plus que son dernier écu .
Le soir , les maisons de jeu n’ ont qu’une p o ésie v ulg air e , mais dont l’
effet est assuré comme celui d’un drame sanguinolent. Les salles sont g
arnies de sp e ctateur s et de joueur s, de vieillards indig ents qui s’y traînent
p our s’y ré chauffer , de faces agité es, d’ or gies commencé es dans le vin
et prêtes à finir dans la Seine  ; la p assion y ab onde , mais le tr op grand
nombr e d’acteur s v ous empê che de contempler face à face le démon du
jeu. La soiré e est un véritable mor ce au d’ ensemble où la tr oup e entièr e
crie , où chaque instr ument de l’ or chestr e mo dule sa phrase . V ous v er riez
là b e aucoup de g ens honorables qui viennent y cher cher des distractions
et les p ay ent comme ils p ay eraient le plaisir du sp e ctacle , de la g our
mandise , ou comme ils iraient dans une mansarde acheter à bas prix de
cuisants r egr ets p our tr ois mois. Mais compr enez-v ous tout ce que doit av oir
de délir e et de vigueur dans l’âme un homme qui aend av e c imp atience
l’ ouv ertur e d’un trip ot  ? Entr e le joueur du matin et le joueur du soir il
e xiste la différ ence qui distingue le mari nonchalant de l’amant pâmé sous
les fenêtr es de sa b elle . Le matin seulement ar riv ent la p assion p alpitante
et le b esoin dans sa franche hor r eur . En ce moment v ous p our r ez
admir er un véritable joueur , un joueur qui n’a p as mang é , dor mi, vé cu, p ensé ,
tant il était r udement flag ellé p ar le fouet de sa marting ale  ; tant il
souffrait travaillé p ar le pr urit d’un coup de trente et quarante . A cee heur e
maudite , v ous r encontr er ez des y eux dont le calme effraie , des visag es
qui v ous fascinent, des r eg ards qui soulè v ent les cartes et les dé v or ent.
A ussi les maisons de jeu ne sont-elles sublimes qu’à l’ ouv ertur e de leur s
sé ances. Si l’Esp agne a ses combats de taur e aux, si Rome a eu ses
gladiateur s, Paris s’ enor gueillit de son Palais-Ro yal, dont les ag açantes r oulees
donnent le plaisir de v oir couler le sang à flots, sans que les pie ds du p
arter r e risquent d’y glisser . Essay ez de jeter un r eg ard furtif sur cee arène ,
entr ez. . . elle nudité  ! Les mur s, couv erts d’un p apier gras à hauteur
d’homme , n’ offr ent p as une seule imag e qui puisse rafraîchir l’âme  ; il ne
s’y tr ouv e même p as un clou p our faciliter le suicide . Le p ar quet est usé ,
malpr opr e . Une table oblongue o ccup e le centr e de la salle . La simplicité
des chaises de p aille pr essé es autour de ce tapis usé p ar l’ or annonce une
curieuse indiffér ence du lux e chez ces hommes qui viennent p érir là p our
la fortune et p our le lux e . Cee antithèse humaine se dé couv r e p artout
5La p e au de chagrin Chapitr e I
où l’âme ré agit puissamment sur elle-même . L’amour eux v eut mer e sa
maîtr esse dans la soie , la r e vêtir d’un mo elleux tissu d’Orient, et la
plup art du temps il la p ossède sur un grabat. L’ambitieux se rê v e au faîte d

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