La troisième jeunesse de Madame Prune
202 pages
Français

La troisième jeunesse de Madame Prune

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Description

La troisième jeunesse de Madame Prune est le résultat d'une dernière visite au Japon, qui navigue entre carne de voyage et narration. Extrait : Qu’on se dépêche de m’amener ces dames. Je gèle et je m’ennuie, là tout seul, pieds nus sur ces nattes blanches. Un petit vent, rafraîchi à la neige, passe en gémissant entre les panneaux de papier qui servent de murailles 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 16
EAN13 9782824710969
Langue Français

Extrait

P I ERRE LO T I
LA T ROISI ÈME
JEU N ESSE DE MAD AME
P RU N E
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
LA T ROISI ÈME
JEU N ESSE DE MAD AME
P RU N E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1096-9
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A V AN T -P ROPOS
  comp agnons du Redoutable, en souv enir de leur
b onne camaraderie p endant nos vingt-deux mois de camp agne ,A je dé die ce liv r e , où j’ai v oulu seulement noter quelques-unes
des choses qui nous ont amusés, sans insister jamais sur nos fatigues et
nos p eines.
Ce n’ est qu’un long badinag e , é crit au jour le jour , il y a tr ois ans
bientôt, alor s que les Jap onais n’avaient p as commencé d’ar r oser de leur
sang les plaines de la Mandchourie . A ujourd’hui, malgré la br utalité de
leur agr ession pr emièr e , leur brav our e incontestablement mérite que l’ on
s’incline , et je v eux saluer ici, d’un salut pr ofond et grav e , les hér oïques
p etits soldats jaunes tombés de vant Port- Arthur ou v er s Mouk den. Mais
il ne me semble p as que le r esp e ct dû à tant de morts m’ oblig e d’altér er
l’imag e qui m’ est r esté e de leur p ay s.
P . LO T I.
Janvier 1903.
n
1CHAP I T RE I
Same di, 8 dé cembr e 1900.
’  ’  d’hiv er , p ar coup de v ent et tour mente de
neig e  ; au lar g e , sans abri, sur la mer é che v elé e , en plein r e-L muement noir . Une bataille , une ré v olte des e aux lourdes et
fr oides contr e le grand souffle mondial qui les fouaille en hurlant  ; une
dér oute de montagnes liquides, soule vé es, chassé es et baues, qui fuient
en pleine obscurité , s’ entr e cho quent, é cument de rag e . Une av eugle
furie des choses, — comme , avant les cré ations d’êtr es, dans les ténèbr es
originelles  ; — un chaos, qui se démène en une sorte d’ébullition glacé e . . .
Et on est là , au milieu, balloé dans la cohue de ces masses affr
eusement mouvantes et engloutissantes, r ejeté de l’une à l’autr e av e c une
violence à tout briser  ; on est là , au milieu, sans r e cour s p ossible , liv ré à
tout, de minute en minute plong e ant dans des g ouffr es, plus obscur s que
2La tr oisième jeunesse de Madame Pr une Chapitr e I
la nuit, qui sont en mouv ement eux aussi comme les montagnes, qui sont
en fuite affolé e , et qui chaque fois menacent de se r efer mer sur v ous.
On s’ est av enturé là de dans, quelques centaines d’hommes ensemble ,
sur une machine de fer , un cuirassé monstr e , qui p araissait si énor me et
si fort que , p ar temps plus calme , on y avait pr esque l’illusion de la
stabilité  ; on s’y était même installé en confiance , av e c des chambr es, des
salons, des meubles, oubliant que tout cela ne r ep oserait jamais que sur
du fuyant et du p erfide , prêt à v ous happ er et à v ous engloutir . . . Mais,
cee nuit, comme on épr ouv e bien l’instinctiv e inquiétude et le v ertig e
d’êtr e dans une maison qui ne tient p as, qui n’a p as de base . . . Rien nulle
p art, aux immenses entour s, rien de sûr , rien de fer me où se réfugier ni
se raccr o cher  ; tout est sans consistance , traîtr e et mouvant. . . Et en
dessous, oh  ! en dessous, v ous gueent les abîmes sans fond, où l’ on se sent
déjà plong er à moitié entr e chaque crête de lame , et où la grande plong é e
définitiv e serait si effr o yablement facile et rapide  !. . .
D ans la p artie habité e et fer mé e du navir e , — où, bien entendu, les
objets usuels, en lamentable désar r oi, se jeent br utalement les uns sur les
autr es, av e c des p oussé es et des r ep oussé es stupides, — on était jusqu’à
cee heur e à p eu près à couv ert de la mouillur e des lames, et le grand
br uit du dehor s, aénué p ar l’ép aisseur des murailles de fer , ne b
ourdonnait que sourdement, av e c une monotonie sinistr e . Mais v oici, au cœur
même de ce p auv r e asile , si entouré d’agitation et de fur eur , un br uit
soudain, très différ ent de la ter rible sy mphonie ambiante , un br uit qui é clate
comme un coup de canon et qui s’accomp agne aussitôt d’un r
uissellement de cataracte  : un sab ord vient d’êtr e défoncé p ar la mer , et l’ e au
noir e , l’ e au fr oide , entr e en tor r ent dans nos logis.
Pour nous, p eu imp orte  ; mais, tout à l’ar rièr e du cuirassé , il y a notr e
p auv r e amiral, cee nuit-là entr e la vie et la mort. Après les longues
fatigues enduré es dans le g olfe de Petchili, p endant le débar quement du
cor ps e xp é ditionnair e , on l’ emmenait au Jap on p our un p eu de r ep os dans
un climat plus doux  ; et l’ e au noir e , l’ e au fr oide envahit aussi la chambr e
où pr esque il ag onise .
V er s une heur e du matin, là-bas, là-bas app araît un p etit feu, qui est
stable , dirait-on, qui ne danse p as la danse macabr e comme toutes les
choses ambiantes  ; il est très loin encor e  ; à trav er s les rafales et la neig e
3La tr oisième jeunesse de Madame Pr une Chapitr e I
av euglantes, on le distingue à p eine , mais il suffit à témoigner que dans sa
dir e ction e xiste du solide, de la ter r e , du r o c, un mor ce au de la char p ente
du monde . Et nous sav ons que c’ est la p ointe avancé e ( avançé e ) de l’île
jap onaise de Kiu-Siu, où nous tr ouv er ons bientôt un r efug e .
A v e c la confiance absolue que l’ on a maintenant en ces p etites lueur s,
inchang e ables et pr esque éter nelles comme les étoiles, que les hommes de
nos jour s entr etiennent au b ord de tous les rivag es, nous nous dirig e ons
d’après ce phar e , dans la tour mente où les y eux ne v oient que lui  ; sur ses
indications seules, nous contour nons des caps menaçants, qui sont là mais
que rien ne ré vèle tant il fait noir , et des îlots, et des r o ches sour noises
qui nous briseraient comme v er r e .
Pr esque subitement nous v oici abrités de la fur eur des lames, la p aix
s’imp ose sur les e aux, et, sans av oir rien v u, nous sommes entrés dans la
grande baie de Nag asaki. Les choses aussitôt r etr ouv ent leur immobilité ,
av e c la notion de la v erticale qu’ elles avaient si complètement p erdue  ;
on se tient deb out, on mar che dr oit sur des planches qui ne se dér ob ent
plus  ; la danse épuisante a pris fin, — on oublie ces abîmes obscur s, dont
on avait si bien le sentiment tout à l’heur e .
A l’av euglee , le grand cuirassé avance toujour s dans les ténèbr es,
dans le v ent d’hiv er qui siffle et dans les tourbillons de (ne ) neig e  ; transis
de fr oid et de mouillur e , nous de v ons êtr e à présent à mi-chemin de cet
immense couloir de montagnes qui conduit à la ville de madame Chr
ysanthème .
En effet, d’autr es feux p ar my riades commencent à scintiller , de dr oite
et de g auche sur les deux riv es, et c’ est Nag asaki, étag é e là en
amphithéâtr e , — Nag asaki singulièr ement agrandie , à ce qu’il me semble , depuis
quinze ans que je n’y étais v enu.
Le br uit et la se cousse de l’ancr e qui tomb e au fond, et la fuite de
l’énor me chaîne de fer destiné e à nous tenir  : c’ est fini, nous sommes
ar rivés  ; dor mons en p aix jusqu’au matin.
D emain donc, au ré v eil, quand le jour sera le vé , le Jap on, après quinze
anné es, va m

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