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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 19 |
EAN13 | 9782824709994 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LE CABI N ET DES
AN T IQU ES
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LE CABI N ET DES
AN T IQU ES
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0999-4
BI BEBO OK
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LE CABI N ET DES AN T IQU ES
MONSI EU R LE BARON DE HAMMER-P U RGST ALL,
Conseiller aulique , auteur de l’*Histoir e de l’Empir e ooman* .A Cher bar on,
V ous v ous êtes si chaudement intér essé à ma longue et vaste histoir e des
mœur s françaises au dix-neuvième siè cle , et v ous av ez accordé de tels
encourag ements à mon œuv r e , que v ous m’av ez ainsi donné le dr oit
d’attacher v otr e nom à l’un des fragments qui en fer ont p artie . N’êtes-v ous
p as un des plus grav es r eprésentants de la consciencieuse et studieuse
Allemagne ? V otr e appr obation ne doit-elle p as en commander d’autr es et
pr otég er mon entr eprise ? je suis si fier de l’av oir obtenue que j’ai tâché
de la mériter en continuant mes travaux av e c cee intrépidité qui a
caractérisé v os études et la r e cher che de tous les do cuments sans lesquels le
monde liérair e n’aurait p as eu le monument éle vé p ar v ous. V otr e sy
mp athie p our des lab eur s que v ous av ez connus et appliqués aux intérêts de
la so ciété orientale la plus é clatante , a souv ent soutenu l’ardeur de mes
v eilles o ccup é es p ar les détails de notr e so ciété mo der ne : ne ser ez-v ous
p as heur eux de le sav oir , v ous dont la naïv e b onté p eut se comp ar er à
celle de notr e La Fontaine ?
Je souhaite , cher bar on, que ce témoignag e de ma vénération p our v ous
1Le Cabinet des Antiques Chapitr e
et v otr e œuv r e vienne v ous tr ouv er à D obling, et v ous y rapp elle , ainsi
qu’à tous les vôtr es, un de v os plus sincèr es admirateur s et amis.
DE BALZA C.
n
2 moins imp ortantes Préfe ctur es de France , au centr e
de la ville , au coin d’une r ue , est une maison ; mais les nomsD de cee r ue et de cee ville doiv ent êtr e cachés ici. Chacun
appré ciera les motifs de cee sag e r etenue e xig é e p ar les conv enances. Un
é crivain touche à bien des plaies en se faisant l’annaliste de son temps !. . .
La maison s’app elait l’hôtel d’Esgrignon ; mais sachez encor e que
d’Esgrignon est un nom de conv ention, sans plus de ré alité que n’ en ont les
Belval, les F loricour , les D er ville de la comé die , les A dalb ert ou les Monbr euse
du r oman. Enfin, les noms des princip aux p er sonnag es ser ont ég alement
chang és. Ici l’auteur v oudrait rassembler des contradictions, entasser des
anachr onismes, p our enfouir la vérité sous un tas d’inv raisemblances et
de choses absurdes ; mais, quoi qu’il fasse , elle p oindra toujour s, comme
une vigne mal ar raché e r ep ousse en jets vig our eux, à trav er s un vignoble
lab ouré .
L’hôtel d’Esgrignon était tout b onnement la maison où demeurait un
vieux g entilhomme , nommé Charles-Marie- Victor- Ang e Car ol, mar quis
d’Esgrignon ou des Grignons, suivant d’anciens titr es. La so ciété
commer çante et b our g e oise de la ville avait épigrammatiquement nommé son
logis un hôtel, et depuis une vingtaine d’anné es la plup art des habitants
3Le Cabinet des Antiques Chapitr e
avaient fini p ar dir e sérieusement l’hôtel d’Esgrignon en désignant la
demeur e du mar quis.
Le nom de Car ol ( les frèr es ier r y l’ eussent orthographié K arawl)
était le nom glorieux d’un des plus puissants chefs v enus jadis du Nord
p our conquérir et fé o daliser les Gaules. Jamais les Car ol n’avaient plié la
tête , ni de vant les Communes, ni de vant la Ro yauté , ni de vant l’Église , ni
de vant la Finance . Char g és autr efois de défendr e une Mar che française ,
leur titr e de mar quis était à la fois un de v oir , un honneur , et non le
simulacr e d’une char g e supp osé e ; le fief d’Esgrignon avait toujour s été
leur bien. V raie noblesse de pr o vince , ignoré e depuis deux cents ans à
la cour , mais pur e de tout alliag e , mais souv eraine aux États, mais r
esp e cté e des g ens du p ay s comme une sup er stition et à l’ég al d’une b onne
vier g e qui guérit les maux de dents, cee maison s’était conser vé e au
fond de sa pr o vince comme les pieux charb onnés de quelque p ont de
César se conser v ent au fond d’un fleuv e . Pendant tr eize cents ans, les filles
avaient été régulièr ement marié es sans dot ou mises au couv ent ; les
cadets avaient constamment accepté leur s légitimes mater nelles, étaient
dev enus soldats, é vê ques, ou s’étaient mariés à la cour . Un cadet de la
maison d’Esgrignon fut amiral, fut fait duc et p air , et mour ut sans p ostérité .
Jamais le mar quis d’Esgrignon, chef de la branche aîné e , ne v oulut
accepter le titr e de duc.
― Je tiens le mar quisat d’Esgrignon aux mêmes conditions que le r oi
tient l’État de France , dit-il au connétable de Luy nes qui n’était alor s à
ses y eux qu’un très-p etit comp agnon. Comptez que , durant les tr oubles,
il y eut des d’Esgrignon dé capités. Le sang franc se conser va, noble et
fier , jusqu’ en l’an 1789. Le mar quis d’Esgrignon actuel n’émigra p as : il
de vait défendr e sa Mar che . Le r esp e ct qu’il avait inspiré aux g ens de la
camp agne préser va sa tête de l’é chafaud ; mais la haine des v rais
SansCuloes fut assez puissante p our le fair e considér er comme émigré , p
endant le temps qu’il fut oblig é de se cacher . A u nom du p euple souv erain,
le District déshonora la ter r e d’Esgrignon, les b ois fur ent nationalement
v endus, malgré les ré clamations p er sonnelles du mar quis, alor s âg é de
quarante ans. Mademoiselle sa sœur , étant mineur e , sauva
quelques p ortions du fief p ar l’ entr emise d’un jeune intendant de la
famille , qui demanda le p artag e de présuccession au nom de sa cliente : le
4Le Cabinet des Antiques Chapitr e
châte au, quelques fer mes lui fur ent aribués p ar la liquidation que fit la
République . Le fidèle Chesnel fut oblig é d’acheter en son nom, av e c les
denier s que lui app orta le mar quis, certaines p arties du domaine aux quelles
son maîtr e tenait p articulièr ement, telles que l’église , le pr esb ytèr e et les
jardins du châte au.
Les lentes et rapides anné es de La T er r eur étant p assé es, le mar quis
d’Esgrignon, dont le caractèr e avait imp osé des sentiments r esp e ctueux
à la contré e , v oulut r e v enir habiter son châte au av e c sa sœur
mademoiselle d’Esgrignon, afin d’amélior er les biens au sauv etag e desquels s’était
emplo yé maîtr e Chesnel, son ancien intendant, de v enu notair e . Mais,
hélas ! le châte au pillé , démeublé , n’était-il p as tr op vaste , tr op coûteux p our
un pr opriétair e dont tous les dr oits utiles avaient été supprimés, dont les
forêts avaient été dép e cé es, et qui, p our le moment, ne p ouvait p as
tir er plus de neuf mille francs en sac des ter r es conser vé es de ses anciens
domaines ?
and le notair e ramena son ancien maîtr e , au mois d’ o ctobr e 1800,
dans le vieux châte au fé o dal, il ne put se défendr e d’une émotion pr
ofonde en v o yant le mar quis immobile ,