Le médecin de campagne
219 pages
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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Cinquième livre, Scènes de la vie de campagne. Treizième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Malgré les innombrables spectacles de sa vie militaire, le vieux cavalier ressentit un mouvement de surprise accompagné d’horreur en apercevant une face humaine où la pensée ne devait jamais avoir brillé, face livide où la souffrance apparaissait naïve et silencieuse, comme sur le visage d’un enfant qui ne sait pas encore parler et qui ne peut plus crier, enfin la face tout animale d’un vieux crétin mourant. Le crétin était la seule variété de l’espèce humaine que le chef d’escadron n’eût pas encore vue. A l’aspect d’un front dont la peau formait un gros pli rond, de deux yeux semblables à ceux d’un poisson cuit, d’une tête couverte de petits cheveux rabougris auxquels la nourriture manquait, tête toute déprimée et dénuée d’organes sensitifs, qui n’eût pas éprouvé, comme Genestas, un sentiment de dégoût involontaire pour une créature qui n’avait ni les grâces de l’animal ni les priviléges de l’homme, qui n’avait jamais eu ni raison ni instinct, et n’avait jamais entendu ni parlé aucune espèce de langage. En voyant arriver ce pauvre être au terme d’une carrière qui n’était point la vie, il semblait difficile de lui accorder un regret 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 21
EAN13 9782824710105
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
LE MÉDECI N DE
CAMP A GN E
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LE MÉDECI N DE
CAMP A GN E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1010-5
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LE MÉDECI N DE CAMP A GN E
A ux cœur s blessés, l’ ombr e et le silence ,
1CHAP I T RE I
LE P A YS ET L’HOMME
 1829,   une jolie matiné e de printemps, un homme âg é d’
envir on cinquante ans suivait à che val le chemin montagneux quiE mène à un gr os b our g situé près de la Grande-Chartr euse . Ce
b our g est le chef-lieu d’un canton p opuleux cir conscrit p ar une longue
vallé e . Un tor r ent à lit pier r eux souv ent à se c, alor s r empli p ar la fonte
des neig es, ar r ose cee vallé e ser ré e entr e deux montagnes p arallèles,
que dominent de toutes p arts les pics de la Sav oie et ceux du D auphiné .
oique les p ay sag es compris entr e la chaîne des deux Mauriennes aient
un air de famille , le canton à trav er s le quel cheminait l’étrang er présente
des mouv ements de ter rain et des accidents de lumièr e qu’ on cher cherait
vainement ailleur s. T antôt la vallé e subitement élar gie offr e un ir régulier
tapis de cee v erdur e que les constantes ir rig ations dues aux montagnes
entr etiennent si fraîche et si douce à l’ œil p endant toutes les saisons  ;
tantôt un moulin à scie montr e ses humbles constr uctions pior esquement
placé es, sa pr o vision de longs sapins sans é cor ce , et son cour s d’ e au pris
2Le mé de cin de camp agne Chapitr e I
au tor r ent et conduit p ar de grands tuyaux de b ois car rément cr eusés, d’ où
s’é chapp e p ar les fentes une napp e de filets humides. Cà et là , des
chaumièr es entouré es de jardins pleins d’arbr es fr uitier s couv erts de fleur s
rév eillent les idé es qu’inspir e une misèr e lab orieuse  ; plus loin, des maisons
à toitur es r oug es, comp osé es de tuiles plates et r ondes semblables à des
é cailles de p oisson, annoncent l’aisance due à de longs travaux  ; puis
audessus de chaque p orte se v oit le p anier susp endu dans le quel sè chent les
fr omag es. Partout les haies, les enclos sont ég ayés p ar des vignes marié es,
comme en Italie , à de p etits or mes dont le feuillag e se donne aux b estiaux.
Par un caprice de la natur e , les collines sont si rappr o ché es en quelques
endr oits qu’il ne se tr ouv e plus ni fabriques, ni champs, ni chaumièr es.
Sép aré es seulement p ar le tor r ent qui r ugit dans ses cascades, les deux
hautes murailles granitiques s’élè v ent tapissé es de sapins à noir feuillag e
et de hêtr es hauts de cent pie ds. T ous dr oits, tous bizar r ement colorés
p ar des taches de mousse , tous div er s de feuillag e , ces arbr es for ment de
magnifiques colonnades b ordé es au-dessous et au-dessus du chemin p ar
d’infor mes haies d’arb ousier s, de vior nes, de buis, d’épine r ose . Les viv es
senteur s de ces arbustes se mêlaient alor s aux sauvag es p arfums de la
natur e montagnarde , aux p énétrantes o deur s des jeunes p ousses du mélèze ,
des p euplier s et des pins g ommeux. elques nuag es couraient p ar mi les
r o cher s en en v oilant, en en dé couv rant tour à tour les cimes grisâtr es,
souv ent aussi vap or euses que les nué es dont les mo elleux flo cons s’y
déchiraient. A tout moment le p ay s chang e ait d’asp e ct et le ciel de lumièr e  ;
les montagnes chang e aient de couleur , les v er sants de nuances, les
vallons de for me  : imag es multiplié es que des opp ositions inaendues, soit
un ray on de soleil à trav er s les tr oncs d’arbr es, soit une clairièr e natur elle
ou quelques éb oulis, r endaient délicieuses à v oir au milieu du silence ,
dans la saison où tout est jeune , où le soleil enflamme un ciel pur . Enfin
c’était un b e au p ay s, c’était la France  !
Homme de haute taille , le v o yag eur était entièr ement vêtu de drap
bleu aussi soigneusement br ossé que de vait l’êtr e chaque matin son
cheval au p oil lisse , sur le quel il se tenait dr oit et vissé comme un vieil officier
de cavalerie . Si déjà sa cravate noir e et ses g ants de daim, si les pistolets
qui gr ossissaient ses fontes, et le p ortemante au bien aaché sur la cr oup e
de son che val, n’ eussent indiqué le militair e , sa figur e br une mar qué e de
3Le mé de cin de camp agne Chapitr e I
p etite-vér ole , mais régulièr e et empr einte d’une insouciance app ar ente ,
ses manièr es dé cidé es, la sé curité de son r eg ard, le p ort de sa tête , tout
aurait trahi ces habitudes régimentair es qu’il est imp ossible au soldat de
jamais dép ouiller , même après êtr e r entré dans la vie domestique . T out
autr e se serait émer v eillé des b e autés de cee natur e alp estr e , si riante au
lieu où elle se fond dans les grands bassins de la France  ; mais l’ officier ,
qui sans doute avait p ar cour u les p ay s où les ar mé es françaises fur ent
emp orté es p ar les guer r es imp ériales, jouissait de ce p ay sag e sans p araîtr e
sur pris de ces accidents multipliés. L’étonnement est une sensation que
Nap olé on semble av oir détr uite dans l’âme de ses soldats. A ussi le calme
de la figur e est-il un signe certain auquel un obser vateur p eut r e connaîtr e
les hommes jadis enrégimentés sous les aigles éphémèr es mais imp
érissables du grand emp er eur . Cet homme était en effet un des militair es,
maintenant assez rar es, que le b oulet a r esp e ctés, quoiqu’ils aient lab ouré
tous les champs de bataille où commanda Nap olé on. Sa vie n’avait rien
d’ e xtraordinair e . Il s’était bien bau en simple et lo yal soldat, faisant son
de v oir p endant la nuit aussi bien que p endant le jour , loin comme près du
maîtr e , ne donnant p as un coup de sabr e inutile , et incap able d’ en donner
un de tr op . S’il p ortait à sa b outonnièr e la r osee app artenant aux
officier s de la Légion d’honneur , c’ est qu’après la bataille de la Mosk o wa la
v oix unanime de son régiment l’avait désigné comme le plus digne de la
r e ce v oir dans cee grande jour né e . Il était du p etit nombr e de ces hommes
fr oids en app ar ence , timides, toujour s en p aix av e c eux-mêmes, de qui la
conscience est humilié e p ar la seule p ensé e d’une sollicitation à fair e de
quelque natur e qu’ elle soit. A ussi tous ses grades lui fur ent-ils conférés
en v ertu des lentes lois de l’ancienneté . D e v enu sous-lieutenant en 1802,
il se tr ouvait seulement chef d’ escadr on en 1829, malgré ses moustaches
grises  ; mais sa vie était si pur e que nul homme de l’ar mé e , fût-il g énéral,
ne l’ab ordait sans épr ouv er un sentiment de r esp e ct inv olontair e ,
avantag e incontesté que p eut-êtr e ses sup érieur s ne lui p ardonnaient p oint.
En ré comp ense , les simples soldats lui v ouaient tous un p eu de ce
sentiment que les enfants p ortent à une b onne mèr e  ; car , p our eux, il savait
êtr e à la fois indulg ent et sé vèr e . Jadis soldat comme eux, il connaissait
les joies malheur euses et les jo y euses misèr es, les é carts p ardonnables ou
punissables des soldats qu’il app elait toujour s ses enfants , et aux quels il
4Le mé de cin de camp agne Chapitr e I
laissait v olontier s pr endr e en camp agne des viv r es ou des four rag es chez
les b our g e ois. ant à son histoir e intime , elle était ense v elie dans le plus
pr ofond silence . Comme pr esque tous les militair es de l’ép o que , il n’avait
v u le monde qu’à trav er s la fumé e des canons, ou p endant les moments
de p aix si rar es au milieu de la lue eur op é enne soutenue p ar l’ emp
er eur . S’était-il ou non soucié du mariag e  ? la question r estait indé cise .
oique p er sonne ne mît en doute que le commandant Genestas n’ eût
eu des b onnes fortunes en séjour nant de ville en ville , de p ay s en p ay s,
en assistant aux fêtes donné es et r e çues p ar les régiments, cep endant

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