Le roman d’un enfant
233 pages
Français

Le roman d’un enfant

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Description

Pierre Loti raconte ici son enfance. Enfance pleine de tendresse, d'amitié et de mystère. Enfance de petit garçon songeur, vivant dans un mondé d'irréalités sur lequel l'éducation n'a point dé prise, formant sans cesse mille rêvés grandioses et impossibles, mais au travers desquels, déjà, une double vocation s'éveille... Extrait : Ce que je craignais de voir arriver par là n’avait encore aucune forme précise 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 29
EAN13 9782824711003
Langue Français

Extrait

P I ERRE LO T I
LE ROMAN D’U N
EN F AN T
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
LE ROMAN D’U N
EN F AN T
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1100-3
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.SA MAJEST É LA REI N E
ÉLISABET H DE ROUMAN I EA D é cembr e 188. . .
Il se fait pr esque tard dans ma vie , p our que j’ entr epr enne ce liv r e  ; autour
de moi, déjà tomb e une sorte de nuit  ; où tr ouv erai-je à présent des mots
assez frais, des mots assez jeunes  ?
Je le commencerai demain en mer  ; au moins essaierai-je d’y mer e
ce qu’il y a eu de meilleur en moi, à une ép o que où il n’y avait rien de
bien mauvais encor e .
Je l’ar rêterai de b onne heur e , afin que l’amour n’y app araisse qu’à
l’état de rê v e impré cis.
Et, à la souv eraine de qui me vient l’idé e de l’é crir e , je l’ offrirai comme
un humble hommag e
de mon r esp e ct char mé .
P I ERRE LO T I
n
1CHAP I T RE I
’    sorte de crainte que je touche à l’énigme de mes
impr essions du commencement de la vie , — incertain si bien ré el-C lement je les épr ouvais moi-même ou si plutôt elles n’étaient p as
des r essouv enir s my stérieusement transmis. . . J’ai comme une hésitation
r eligieuse à sonder cet abîme . . .
A u sortir de ma nuit pr emièr e , mon esprit ne s’ est p as é clairé pr
ogr essiv ement, p ar lueur s gradué es  ; mais p ar jets de clartés br usques —
qui de vaient dilater tout à coup mes y eux d’ enfant et m’immobiliser dans
des rê v eries aentiv es — puis qui s’éteignaient, me r eplong e ant dans
l’inconscience absolue des p etits animaux qui viennent de naîtr e , des p etites
plantes à p eine g er mé es.
A u début de l’ e xistence , mon histoir e serait simplement celle d’un
enfant très cho yé , très tenu, très obéissant et toujour s conv enable dans ses
p etites manièr es, auquel rien n’ar rivait, d ans son étr oite sphèr e ouaté e ,
qui ne fût pré v u, et qu’aucun coup n’aeignait qui ne fût amorti av e c une
2Le r oman d’un enfant Chapitr e I
sollicitude tendr e .
A ussi v oudrais-je ne p as é crir e cee histoir e qui serait fastidieuse  ;
mais seulement noter , sans suite ni transitions, des instants qui m’ ont
frapp é d’une étrang e manièr e , — qui m’ ont frapp é tellement que je m’ en
souviens encor e av e c une neeté complète , aujourd’hui que j’ai oublié
déjà tant de choses p oignantes, et tant de lieux, tant d’av entur es, tant de
visag es.
J’étais en ce temps-là un p eu comme serait une hir ondelle , né e d’hier ,
très haut à l’angle d’un toit, qui commencerait à ouv rir de temps à autr e
au b ord du nid son p etit œil d’ oise au et s’imaginerait, de là , en r eg ardant
simplement une cour ou une r ue , v oir les pr ofondeur s du monde et de l’ e
sp ace , — les grandes étendues de l’air que plus tard il lui faudra p ar courir .
Ainsi, durant ces minutes de clair v o yance , j’ap er ce vais furtiv ement toute
sorte d’infinis, dont je p ossé dais déjà sans doute , dans ma tête ,
antérieur ement à ma pr opr e e xistence , les conceptions latentes  ; puis, r efer mant
malgré moi l’ œil encor e tr ouble de mon esprit, je r etombais p our des jour s
entier s dans ma tranquille nuit initiale .
A u début, ma tête toute neuv e et encor e obscur e p our rait aussi êtr e
comp aré e à un app ar eil de photographe r empli de glaces sensibilisé es.
Sur ces plaques vier g es, les objets insuffisamment é clairés ne donnent
rien  ; tandis que , au contrair e , quand tomb e sur elles une viv e clarté
quelconque , elles se cer nent de lar g es taches clair es, où les choses inconnues
du dehor s viennent se grav er . — Mes pr emier s souv enir s en effet sont
toujour s de plein été lumineux, de midis étincelants, — ou bien des feux
de branches à grandes flammes r oses.
n
3CHAP I T RE I I
  ’  hier , je me rapp elle le soir où, mar chant déjà
depuis quelque temps, je dé couv ris tout à coup la v raie manièr e deC sauter et de courir , — et me grisai jusqu’à tomb er , de cee chose
délicieusement nouv elle .
Ce de vait êtr e au commencement de mon se cond hiv er , à l’heur e triste
où la nuit vient. D ans la salle à mang er de ma maison familiale — qui me
p araissait alor s un lieu immense — j’étais, depuis un moment sans doute ,
eng ourdi et tranquille sous l’influence de l’ obscurité envahissante . Pas
encor e de lamp e allumé e nulle p art. Mais, l’heur e du dîner appr o chant,
une b onne vint, qui jeta dans la cheminé e , p our ranimer les bûches
endormies, une brassé e de menu b ois. Alor s ce fut un b e au feu clair , subitement
une b elle flambé e jo y euse illuminant tout, et un g rand r ond lumineux se
dessina au milieu de l’app artement, p ar ter r e , sur le tapis, sur les pie ds des
chaises, dans ces régions basses qui étaient pré cisément les miennes. Et
ces flammes dansaient, chang e aient, s’ enlaçaient, toujour s plus hautes et
4Le r oman d’un enfant Chapitr e I I
plus g aies, faisant monter et courir le long des murailles les ombr es
allong é es des choses. . . Oh  ! alor s je me le vai tout dr oit, saisi d’admiration. . .
car je me souviens à présent que j’étais assis, aux pie ds de ma grand’tante
Berthe ( déjà très vieille en ce temps-là ), qui sommeillait à demi dans sa
chaise , près d’une fenêtr e p ar où filtrait la nuit grise  ; j’étais assis sur une
de ces hautes chauffer ees d’autr efois, à deux étag es, si commo des p our
les tout p etits enfants qui v eulent fair e les câlins, la tête sur les g enoux des
grand’mèr es ou des grand’tantes. . . D onc, je me le vai, en e xtase , et
m’appr o chai de la flamme  ; puis, dans le cer cle lumineux qui se dessinait sur
le tapis, je me mis à mar cher en r ond, à tour ner , à tour ner toujour s plus
vite et enfin, sentant tout à coup dans mes jamb es une élasticité
inconnue , quelque chose comme une détente de r essort, j’inv entai une manièr e
nouv elle et très amusante de fair e  : c’était de r ep ousser le sol bien fort,
puis de le quier des deux pie ds à la fois p endant une demi-se conde , —
et de r etomb er , — et de pr ofiter de l’élan p our m’éle v er encor e , et de r
ecommencer toujour s, p ouf, p ouf, en faisant b e aucoup de br uit p ar ter r e ,
et en sentant dans ma tête un p etit v ertig e p articulier très agré able . . . D e
ce moment, je savais sauter , je savais courir  !
J’ai la conviction que c’était bien la pr emièr e fois, tant je me rapp elle
neement mon amusement e xtrême et ma joie étonné e .
― Ah  ! mon Dieu, mais qu’ est-ce qu’il a ce p etit, ce soir  ? disait ma
grand’tante Berthe un p eu inquiète . Et j’ entends encor e le son de sa v oix
br usque .
Mais je sautais toujour s. Comme ces p etites mouches étourdies,
grisé es de lumièr e , qui tour noient le soir autour des lamp es, je sautais
toujour s dans ce r ond lumineux qui s’élar gissait, se rétré cissait, se défor mait,
dont les contour s vacillaient comme les flammes.
Et tout cela m’ est encor e si bien présen

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