Le théâtre de Raymond Roussel comme espace du sujet - article ; n°1 ; vol.56, pg 147-161
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 2004 - Volume 56 - Numéro 1 - Pages 147-161
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 46
Langue Français

Extrait

Helga Finter
Le théâtre de Raymond Roussel comme espace du sujet
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2004, N°56. pp. 147-161.
Citer ce document / Cite this document :
Finter Helga. Le théâtre de Raymond Roussel comme espace du sujet. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 2004, N°56. pp. 147-161.
doi : 10.3406/caief.2004.1534
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_2004_num_56_1_1534LE THÉÂTRE DE RAYMOND ROUSSEL
COMME ESPACE DU SUJET
Communication de Mme Helga FINTER
(Université de Paris IV)
au LVe Congrès de l'Association, le 7 juillet 2003
L'INVENTION D'UN THÉÂTRE NOUVEAU
Dans son livre testament — Comment j'ai écrit certains de
mes livres (1935) (1) — , Raymond Roussel justifie ses acti
vités théâtrales comme stratégie servant à élargir le public
jusqu'alors trop rare de son œuvre : c'est ainsi qu'il avait
fait représenter une version scénique de ses Impressions
d'Afrique en 1911, au Théâtre Fémina, et avait fait suivre
cette expérience en 1922, au Théâtre Antoine, par une
adaptation de Locus Solus confiée à Pierre Frondaie ; l'avis
défavorable de la critique établie l'avait alors amené à
écrire directement pour la scène L'Étoile au front en 1924 et
La Poussière de soleils en 1926, pièces montrées à l'initiative
de l'auteur sur des scènes parisiennes et subissant un
échec semblable.
Ce théâtre qui n'avait été pour Roussel, selon son propre
dire, qu'un moyen pour élargir l'écoute de ses livres et pour
leur procurer succès et notoriété, fut cependant considéré
(1) Raymond Roussel, Comment j'ai écrit certains de mes livres, Paris, Jean-
Jacques Pauvert, 1963, p. 30 sq. 148 HELGA FINTER
par ses contemporains — par la grande partie qui le désa
vouait et par l'infime partie qui l'appréciait, tels Robert
Desnos ou Michel Leiris — comme une des multiples expé
riences provocatrices des avant-gardes de l'époque. Ainsi le
théâtre de Roussel constitue aujourd'hui un des moments
saillants de l'histoire du théâtre : il est à la fois associé à
celle du mouvement surréaliste (Henri Béhar (2)), du
théâtre absurde (Martin Ensslin (3)) ou à la préhistoire de la
performance (Rose Lee Goldberg (4)).
Raymond Roussel aurait-il alors été un avant-gardiste
contre son propre gré ? Or toute son œuvre est dès le
début travaillée par le théâtre et la théâtralité : déjà ses pre
miers livres — La Doublure (5) de 1897, ainsi que La Vue (6)
de 1904, tous deux écrits en alexandrins, la « prose du
théâtre » (Abbé du Bos) — constituent une étape de l'e
xploration de la théâtralité et du théâtre que Roussel aborde
à travers le spectacle et le spectaculaire. Il y analyse le jeu
de l'acteur et la position du spectateur en se demandant ce
qui fonde la vue, ce qui fonde le regard du théâtès. Scrutant
les enjeux du carnaval, du double et de la doublure d'une
part, et suivant les méandres de la vue et du désir de voir
d'autre part, Roussel questionne l'impact du visible et son
rapport à l'invisible et par là la dialectique entre présence
et absence constitutive de la théâtralité.
D'autres étapes vont suivre que nous ne connaissons
que depuis qu'une valise Vuitton bourrée de photos et de
manuscrits fut transmise à la Bibliothèque Nationale en
1989 (7). Elle contenait entre autres les manuscrits de La
(2) Henri Béhar, Le Théâtre Dada et surréaliste, Paris, Gallimard, 1979,
p. 109 sq.
(3) Martin Ensslin, Das Theater des Absurden, Reinbeck, Rowohlt, 1965,
p. 303 sq. [ i.e. Theatre of the Absurd, 1961].
(4) Rose Lee Goldberg, Performance : Live Art 1909 to the Present,New York,
Harry N. Abrams, 1979.
(5) Raymond Roussel, La Doublure, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1963 ; dans
un « Avis » sur la page de garde, Roussel précise qu'il s'agit d'un « roman ».
(6)La Vue, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1963.
(7) Cf. Dossier : « Découvrir Raymond Roussel », Revue de la Bibliothèque
Nationale, 43, Printemps 1992. LE THÉÂTRE, ESPACE DU SUJET 149
Seine, six cent trente-deux feuilles d'une pièce inédite en
quatre actes, formées de sept mille alexandrins et convo
quant quatre cents personnages (8), et le mélodrame
inachevé en alexandrins et quinze cent soixante-quinze
pages, Claude et Luce. Surtout La Seine montre l'envergure
du projet théâtral de Roussel : faire des planches du
théâtre la Scène qui recrée le monde tout en exhibant la
faille de la fiction théâtrale, ce qui caractérisait déjà les
projets théâtraux ultérieurs connus : l'irréductibilité des
ordres inconciliables de la perception — de la vue et de
l'écoute, du corps et de la parole — et que seul le travail
de l'acteur et à sa suite du spectateur pouvait rendre comp
atible et vraisemblable.
Les préoccupations de ces années que Roussel appelait
de « prospection » (9) et qui sont maintenant connues
grâce à la redécouverte de ses manuscrits, l'amènent aux
Impressions d'Afrique (10) de 1910 qui proposent au lecteur
une expérience nouvelle et passionnante mettant en jeu le
rapport entre sa perception et son imaginaire. En effet, ce
qui semble à première vue n'être qu'un simple récit des
impressions au cours d'un voyage insolite dans une
Afrique imaginaire, est en effet l'analyse subtile du méca
nisme permettant la formation d'impressions sur la rétine
de Геей intérieur du lecteur. Et c'est la structure du livre
qui permet de questionner ses impressions visuelles pro
voquées par les mots imprimés.
Dans la première partie du livre — les chapitres I à IX
— , le lecteur-spectateur assiste en effet à une série de
spectacles dont la description peut rappeler — pour un
(8) Raymond Roussel, La Seine. La tonsure, Œuvres III, présenté par Patrick
Besnier, Paris, Pauvert, 1994.
(9) Après la publication de La Vue et du Concert en 1903 , publiés comme
livre en 1904, « ce fut » selon Roussel dans Comment j'ai écrit..., op. cit., p. 29,
« de nouveau la prospection [...]. La prospection n'allait pas sans me causer
des tourments et il m'est arrivé de me rouler par terre dans des crises de
rage, en sentant que je ne pouvais parvenir à me donner les sensations d'art
auxquelles j'aspirais. »
(10) Raymond Roussel, Impressions d'Afrique, Paris, Jean-Jacques Pauvert,
1963. 150 HELGAFINTER
lecteur contemporain — l'esthétique scénique énigma-
tique des premiers opéras et performances de Robert Wil
son. Un espace est délimité et décrit par un narrateur dont
le savoir est le même que celui du spectateur d'une perfo
rmance : les personnages sont exempts de motivation psy
chologique, leur action n'est ni logiquement, ni chronolo
giquement déterminée. C'est le spectateur lui-même qui
établit un tissu de rapports et de relations selon les re
ssemblances et dissemblances entre les signifiants visuels
et auditifs qu'il perçoit sur scène, c'est lui qui les ordonne
en potentiels signifiants pour les résoudre, grâce à sa
mémoire subjective et culturelle, dans des représentat
ions. Ce n'est que dans la seconde partie du livre, qui
donne la grille de l'interprétation, que le regard subjectif
du lecteur s'aligne sur celui du narrateur pour se rendre
compte du lien de son propre désir de voir avec l'imagi
naire concrétisé.
Ainsi le premier chapitre du livre amène le lecteur dans
un espace géométrique — le carré de « l'immense place
des Trophées » — , délimité par des « sycomores cente
naires » hérissés de « têtes coupées, des oripeaux, des
parures de toute sorte ». Il y voit d'abord un théâtre,
« semblable à un guignol géant » ; puis il aperçoit un per
sonnage noir sur un socle, semblable à une statue, avec
divers accessoires suspendus sur un fil entre deux piquets
— un chapeau melon avec l'inscription PINCEE, un gant
orné d'un C, une feuille de parchemin chargée d'hiér
oglyphes ; il voit comment ce personnage tisse, tout en
murmurant un texte incompr

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