Hommes de pierre (A la mémoire de mon ami Rodolphe Dorvil, lâchement assassiné le 6 février 2015) Les hommes de pierre passent sous le ciel en un vol turbulent pour se briser sur les hautes montagnes de l’oubli.
(A la mémoire de mon ami Rodolphe Dorvil, lâchement assassiné le 6 février 2015)
Les hommes de pierre passent sous le ciel en un vol turbulent pour se briser sur les hautes montagnes de l’oubli. Le vide nous aspire et tout aussi le temps. Disparaître sous le feu de l’ennemi, Happer par l’impénétrable néant ; Ou combattre ou périr, ou fuir vers l’infini Voici notre destin : un combat incessant.
Les hommes de pierre arrachent à la terre ce que la terre leur doit. Tout n’est que peine, sueurs, colère et amertume. Que valons-nous, si petits ici bas ? S’échiner à extraire le pain du froid bitume Et espérer un dieu invisible qui ne vient pas ? Ni anges ni démons nous ne fûmes, saints nous ne serons pas.
Les hommes de pierre ont l’œil qui luit d’espoir ou brûle de colère et le torrent infernal les emporte avec fracas. Ton combat fut le mien mon frère et je pleure maintenant ton trépas. Qui sommes-nous pour balayer cette poudreuse misère qui nous pique les yeux et glisse entre nos doigts ? Hélas, elle s’est muée en tempête meurtrière !
Les hommes de pierre veulent croire dans le néant divin pour calmer leur peine et vaincre leur douleur. Je ne sais que croire : ma foi est si loin, si loin. Une balle, une seule ; on m’a dit en plein cœur. Et tu nous as laissé en chemin. L’asphalte sombre a bu ton sang et aussi nos pleurs. L’immonde bête est passée ; la mort au poing.
Que ferons-nous des hommes ? Que dirons-nous aux hommes ? Je combattrai pour toi et porterai ton souffle au vent. Les hommes ont-ils oublié ? Les ténèbres et les hommes… Un sombre mariage ! Un horrible embrasement ! Haine aveugle qui détruit l’atome
et nous consume inexorablement. Ni tort ni raison ; lutte pour la vie en somme.
Je verserai mon verre en ton honneur, mon ami. Le goût du sang dans ma bouche ; les assauts égoïstes de l’imbécile oubli ; l’eau acide en pluie fine de la douche ; les soupirs de la pute alanguie qui se tord de plaisir sur ma couche ; je viderai pour toi jusqu’au fond ma bouteille de whisky.
Si durs sont les temps, qu’on en perd son fiel. Mais je lutterai pour toi, sans peur et sans regret. Boire sans broncher du vinaigre pour du miel, ne pas reculer, avancer sans arrêt. Que sont les hommes pour abattre l’aigle dans le ciel ? Pendant que dans la dernière vallée tu reposes en paix, je me pose encore cette question éternelle.