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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 15 |
EAN13 | 9782824710211 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LES P A YSANS
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LES P A YSANS
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1021-1
BI BEBO OK
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LES P A YSANS
1A M. P . S.-B. GA V A U LT
.J. R en tête de la Nouv elle-Héloïse : « J’ai v u les
mœur s de mon temps, et j’ai publié ces ler es. » Ne puis-je p asJ v ous dir e , à l’imitation de ce grand é crivain : J’étudie la mar che
de mon ép o que , et je publie cet ouv rag e .
Le but de cee Étude , d’une effrayante vérité , tant que la so ciété v
oudra fair e de la philanthr opie un princip e , au lieu de la pr endr e p our un
accident, est de mer e en r elief les princip ales figur es d’un p euple
oublié p ar tant de plumes à la p our suite de sujets nouv e aux. Cet oubli n’ est
p eut-êtr e que de la pr udence , p ar un temps où le p euple hérite de tous
les courtisans de la r o yauté . On a fait de la p o ésie av e c les criminels,
on s’ est apito yé sur les b our r e aux, on a pr esque déifié le pr olétair e ! D es
se ctes se sont émues et crient p ar toutes leur s plumes : Le v ez-v ous,
travailleur s, comme on a dit au tier s état : Lè v e-toi ! On v oit bien qu’aucun
de ces Ér ostrates n’a eu le courag e d’aller au fond des camp agnes
étudier la conspiration p er manente de ceux que nous app elons encor e les
faibles, contr e ceux qui se cr oient les forts, du p ay san contr e le riche . . .
2Les p ay sans Chapitr e
Il s’agit ici d’é clair er , non p as le législateur d’aujourd’hui, mais celui de
demain. A u milieu du v ertig e démo cratique auquel s’adonnent tant
d’écrivains av eugles, n’ est-il p as ur g ent de p eindr e enfin ce p ay san qui r end
le Co de inapplicable , en faisant ar riv er la pr opriété à quelque chose qui
est et qui n’ est p as ? V ous allez v oir cet infatig able sap eur , ce r ong eur qui
mor celle et divise le sol, le p artag e , et coup e un ar p ent de ter r e en cent
mor ce aux, convié toujour s à ce festin p ar une p etite b our g e oisie qui fait
de lui, tout à la fois, son auxiliair e et sa pr oie . Cet élément inso cial cré é
p ar la ré v olution absorb era quelque jour la b our g e oisie comme la b
ourg e oisie a dé v oré la noblesse . S’éle vant au-dessus de la loi p ar sa pr opr e
p etitesse , ce Rob espier r e à une tête et à vingt millions de bras, travaille
sans jamais s’ar rêter , tapi dans toutes les communes, intr onisé au conseil
municip al, ar mé en g arde national dans tous les cantons de France , p ar
l’an 1830, qui ne s’ est p as souv enu que Nap olé on a préféré les chances de
son malheur à l’ar mement des masses.
Si j’ai, p endant huit ans, cent fois quié , cent fois r epris ce liv r e , le
plus considérable de ceux que j’ai résolu d’é crir e , c’ est que tous mes amis,
comme v ous-même , ont compris que le courag e p ouvait chanceler
devant tant de difficultés, tant de détails mêlés à ce drame doublement
terrible et si cr uellement ensanglanté ; mais, au nombr e des raisons qui me
r endent aujourd’hui pr esque témérair e , comptez le désir d’ache v er une
œuv r e destiné e à v ous donner un témoignag e de ma viv e et durable r
econnaissance p our un dé v oûment qui fut une de mes consolations dans
l’infortune .
DE BALZA C.
n
3Pr emièr e p artie
4CHAP I T RE I
QU I T ERRE A, GU ERRE A
A MONSI EU R NA T HAN.
A ux Aigues, le 6 août 1823.
de délicieux rê v es au public av e c tes fantaisies,
mon cher Nathan, je vais te fair e rê v er av e c du v rai. T u me dirasT si jamais le siè cle actuel p our ra léguer de p ar eils song es aux
Nathan et aux Blondet de l’an 1923 ! T u mesur eras la distance à laquelle
nous sommes du temps où les F lorine du dix-huitième siè cle tr ouvaient,
à leur ré v eil, un châte au comme les Aigues, dans un contrat.
» Mon très-cher , si tu r e çois ma ler e dans la matiné e , v ois-tu, de ton
lit, à cinquante lieues de Paris envir on, au commencement de la
Bourg ogne , sur une grande r oute r o yale , deux p etits p avillons en brique r oug e ,
réunis ou sép arés p ar une bar rièr e p einte en v ert ? . . . Ce fut là que la
dilig ence dép osa ton ami.
» D e chaque côté du p avillon ser p ente une haie viv e , d’ où s’é chapp ent
5Les p ay sans Chapitr e I
des r onces semblables à des che v eux follets. Çà et là , une p ousse d’arbr es
s’élè v e insolemment. Sur le talus du fossé , de b elles fleur s baignent leur s
pie ds dans une e au dor mante et v erte . A dr oite et à g auche , cee haie
r ejoint deux lisièr es de b ois, et la double prairie à laquelle elle sert d’
enceinte , a sans doute été conquise p ar quelque défrichement.
» A ces p avillons déserts et p oudr eux commence une magnifique av
enue d’ or mes centenair es, dont les têtes en p arasol se p enchent les unes
sur les autr es et for ment un l ong, un majestueux b er ce au. L’herb e cr oît
dans l’av enue ; à p eine y r emar que-t-on les sillons tracés p ar les doubles
r oues des v oitur es. L’âg e des or mes, la lar g eur des deux contr e-allé es, la
tour nur e vénérable des p avillons, la couleur br une des chaînes de pier r e ,
tout indique les ab ords d’un châte au quasi-r o yal.
» A vant d’ar riv er à cee bar rièr e , du haut d’une de ces éminences que ,
nous autr es Français, nous nommons assez vaniteusement une montagne ,
et au bas de laquelle se tr ouv e le villag e de Conches, le der nier r elais,
j’avais ap er çu la longue vallé e des Aigues, au b out de laquelle la grande
r oute tour ne p our aller dr oit à la p etite sous-préfe ctur e de la
Ville-auxFay es, où trône le ne v eu de notr e ami des Lup e aulx. D’immenses forêts
p osé es à l’horizon, sur une vaste colline côto yé e p ar une rivièr e , dominent
cee riche vallé e encadré e au loin p ar les monts d’une p etite Suisse , app
elé e le Mor van. Ces ép aisses forêts app artiennent aux Aigues, au mar quis
de Ronquer olles et au comte de Soulang es, dont les châte aux et les p ar cs,
dont les villag es v us de loin et de haut donnent de la v raisemblance aux
fantastiques p ay sag es de Br eughel-de- V elour s.
» Si ces détails ne te r emeent p as en mémoir e tous les châte aux en
Esp agne que tu as désiré p ossé der en France , tu ne serais p as digne de
cee nar ration d’un Parisien stup éfait. J’ai enfin joui d’une camp agne où
l’art se tr ouv e mêlé à la natur e , sans que l’un soit gâté p ar l’autr e , où l’art
semble natur el, où la natur e est artiste . J’ai r encontré l’ o asis que nous
av ons si souv ent rê vé e d’après quelques r omans : une natur e luxuriante
et p aré e , des accidents sans confusion, quelque chose de sauvag e et
d’éb ouriffé , de se cr et, de p as commun. Enjamb e la bar rièr e et mar chons.
» and mon œil curieux a v oulu embrasser l’av enue où le soleil ne
p énètr e qu’à son le v er ou à son coucher , en la zébrant de ses ray ons
obliques, ma v ue a été bar ré e p ar le contour que pr o duit une élé vation
6Les p ay sans Chapitr e I
du ter rain ;