Les proscrits
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La Comédie humaine - Études philosophiques. Seizième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : achevant ces paroles, Jacqueline et le sergent, qui n’avait pas perdu un coup de dent, rentrèrent au logis. Tirechair, en homme vieilli dans les ruses de son métier, feignit de prendre l’inconnue pour une véritable ouvrière 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 13
EAN13 9782824710228
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
LES P ROSCRI TS
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LES P ROSCRI TS
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1022-8
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LES P ROSCRI TS
ALMAE SORORI
 1308,  e xistait p eu de maisons sur le T er rain for mé p ar les
alluvions et p ar les sables de la Seine , en haut de la Cité , der-E rièr e l’église Notr e-D ame . Le pr emier qui osa se bâtir un logis
sur cee grè v e soumise à de fré quentes inondations, fut un ser g ent de la
ville de Paris qui avait r endu quelques menus ser vices à messieur s du
chapitr e Notr e-D ame  ; en ré comp ense , l’é vê que lui bailla vingt-cinq p er ches
de ter r e , et le disp ensa de toute censiv e ou r e de vance p our le fait de ses
constr uctions. Sept ans avant le jour où commence cee histoir e , Joseph
Tir e c hair , l’un des plus r udes ser g ents de Paris, comme son nom le pr ouv e ,
avait donc, grâce à ses dr oits dans les amendes p ar lui p er çues p our les
délits commis ès r ues de la Cité , bâti sa maison au b ord de la Seine , pré
cisément à l’ e xtrémité de la r ue du Port-Saint-Landr y . Afin de g arantir de tout
dommag e les mar chandises dép osé es sur le p ort, la ville avait constr uit
une espè ce de pile en maçonnerie qui se v oit encor e sur quelques vieux
plans de Paris, et qui préser vait le pilotis du p ort en soutenant à la tête du
T er rain les efforts des e aux et des glaces  ; le ser g ent en avait pr ofité p our
1Les pr oscrits Chapitr e
asse oir son logis, en sorte qu’il fallait monter plusieur s mar ches p our
arriv er chez lui. Semblable à toutes les maisons du temps, cee bico que était
sur monté e d’un toit p ointu qui figurait au-dessus de la façade la moitié
sup érieur e d’une losang e . A u r egr et des historiographes, il e xiste à p eine
un ou deux mo dèles de ces toits à Paris. Une ouv ertur e r onde é clairait le
gr enier dans le quel la femme du ser g ent faisait sé cher le ling e du
Chapitr e , car elle avait l’honneur de blanchir Notr e-D ame , qui n’était certes
p as une mince pratique . A u pr emier étag e étaient deux chambr es qui, b on
an mal an, se louaient aux étrang er s à raison de quarante sous p arisis p our
chacune , prix e x orbitant justifié d’ailleur s p ar le lux e que Tir e chair avait
mis dans leur ameublement. D es tapisseries de F landr e g ar nissaient les
murailles  ; un grand lit or né d’un tour en ser g e v erte , semblable à ceux
des p ay sans, était honorablement four ni de matelas et r e couv ert de b ons
draps en toile fine . Chaque ré duit avait son chauffe-doux, espè ce de p oêle
dont la description est inutile . Le plancher , soigneusement entr etenu p ar
les appr enties de la Tir e chair , brillait comme le b ois d’une châsse . A u lieu
d’ escab elles, les lo catair es avaient p our siég es de grandes chaires en no y er
sculpté , pr o v enues sans doute du pillag e de quelque châte au. D eux bahuts
incr ustés en étain, une table à colonnes tor ses, complétaient un mobilier
digne des che valier s banner ets les mieux hupp és que leur s affair es
amenaient à Paris. Les vitraux de ces deux chambr es donnaient sur la rivièr e .
Par l’une , v ous n’ eussiez pu v oir que les riv es de la Seine et les tr ois îles
désertes dont les deux pr emièr es ont été réunies plus tard et for ment l’île
Saint-Louis aujourd’hui, la tr oisième était l’île Louvier s. Par l’autr e , v ous
auriez ap er çu a trav er s une é chapp é e du p ort Saint-Landr y , le quartier
de la Grè v e , le p ont Notr e-D ame av e c ses maisons, les hautes tour s du
Louv r e ré cemment bâties p ar P hilipp e- A uguste , et qui dominaient ce
Paris chétif et p auv r e , le quel suggèr e à l’imagination des p oètes mo der nes
tant de fausses mer v eilles. Le bas de la maison à Tir e chair , p our nous
servir de l’ e xpr ession alor s en usag e , se comp osait d’une grande chambr e où
travaillait sa femme , et p ar où les lo catair es étaient oblig és de p asser p our
se r endr e chez eux, en gravissant un escalier p ar eil à celui d’un moulin.
Puis der rièr e , se tr ouvaient la cuisine et la chambr e à coucher , qui avaient
v ue sur la Seine . Un p etit jardin conquis sur les e aux étalait au pie d de
cee humble demeur e ses car rés de choux v erts, ses oignons et quelques
2Les pr oscrits Chapitr e
pie ds de r osiers défendus p ar des pieux for mant une espè ce de haie . Une
cabane constr uite en b ois et en b oue ser vait de niche à un gr os chien, le
g ardien né cessair e de cee maison isolé e . A cee niche commençait une
enceinte où criaient des p oules dont les œufs se v endaient aux chanoines.
Çà et là , sur le T er rain fang eux ou se c, suivant les c aprices de l’atmosphèr e
p arisienne , s’éle vaient quelques p etits arbr es incessamment baus p ar le
v ent, tour mentés, cassés p ar les pr omeneur s  ; des saules vivaces, des joncs
et de hautes herb es. Le ter rain, la Seine , le Port, la maison étaient
encadrés à l’ ouest p ar l’immense basilique de Notr e-D ame , qui pr ojetait au gré
du soleil son ombr e fr oide sur cee ter r e . Alor s comme aujourd’hui, Paris
n’avait p as de lieu plus solitair e , de p ay sag e plus solennel ni plus
mélancolique . La grande v oix des e aux, le chant des prêtr es ou le sifflement du
v ent tr oublaient seuls cee espè ce de b o cag e , où p arfois se faisaient ab
order quelques couples amour eux p our se confier leur s se cr ets, lor sque les
offices r etenaient à l’église les g ens du chapitr e .
Par une soiré e du mois d’av ril, en l’an 1308, Tir e chair r entra chez lui
singulièr ement fâché . D epuis tr ois jour s il tr ouvait tout en ordr e sur la
v oie publique . En sa qualité d’homme de p olice , rien ne l’affe ctait plus
que de se v oir inutile . Il jeta sa hallebarde av e c humeur , gr ommela de
vagues p ar oles en dép ouillant sa jaquee mi-p artie de r oug e et de bleu,
p our endosser un mauvais ho queton de camelot. Après av oir pris dans la
huche un mor ce au de p ain sur le quel il étendit une couche de b eur r e , il
s’établit sur un banc, e x amina ses quatr e mur s blanchis à la chaux, compta
les soliv es de son plancher , inv entoria ses ustensiles de ménag e app endus
à des clous, maugré a d’un soin qui ne lui laissait rien à dir e , et r eg arda sa
femme , laquelle ne soufflait mot en r ep assant les aub es et les sur plis de la
sacristie .
― Par mon salut, dit-il p our entamer la conv er sation, je ne sais,
Jacqueline , où tu vas pê cher tes appr enties. En v oilà une , ajouta-t-il en
montrant une ouv rièr e qui plissait assez maladr oitement une napp e d’autel,
en vérité , plus je la mir e , plus je p ense qu’ elle r essemble à une fille folle
de son cor ps, et non à une b onne gr osse ser v e de camp agne . Elle a des
mains aussi blanches que celles d’une dame  ! Jour de Dieu, ses che v eux
sentent le p arfum, je cr ois  ! et ses chausses sont fines comme celles d’une
r eine . Par la double cor ne de Mahom, les choses cé ans ne v ont p as à mon
3Les pr oscrits Chapitr e
gré .
L’ ouv rièr e se prit à r ougir , et guigna Jacqueline d’un air qui e xprimait
une crainte mêlé e d’ or gueil. La blanchisseuse rép ondit à ce r eg ard p ar un
sourir e , quia son ouv rag e , et d’une v oix aigr elee  : ― Ah çà  ! dit-elle à
son mari, ne m’imp atiente p as  ! Ne vas-tu p oint m’accuser de quelques
manig ances  ? T r oe sur ton p avé tant que t

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